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Le Scriptorium - Page 115

  • Hors la voix - Michèle Dujardin

     

    cheveux de feu.jpg

    Source

     

     

    hors la voix

     


    lui dire – à toi – à la personne toi, celle-là, s’efforcer de la langue – pour dire toi, tout simplement, pour lui parler

     hors la voix – langue vide, au moyen de la langue vide, qui frappe contre le palais – qui retentit, vide

    lui parler, à toi de la personne, lui dire aime, te dire dans l’élément souffle, à toi, je t’aime

    mais qui dit toi, qui parle, qui touche là, le vivant ? et toi, lui dire toi, de ce visage d’ombre qui m’assiège, par quelle voix ? trop dur pour les lèvres, se séparer, contre la tension des mâchoires, qui scellent

    opacité des mots : toucher, la docilité, le moment de la peau, aime – violence d’écrasement, dans le mot : dire toi, parler, t’aime, qui se recourbent dans la gorge, pour déchirer – se souvenir, au cou des morts, la jugulaire : la seule très tard, qui ressasse dans le bout des doigts, solidifiée, une parole

    rien pour dire là, murée dans je t’aime – où si grande jamais, l’ouverture, ne l’a été

     cette personne d’aimer, la multiplicité de ses bouches dans l’épaisseur, comme exposée nue, à se perdre – la personne, tout simplement toi, que j’aime, ici absolue, n’entend pas du fait de la langue, rien – n’entend lui dire, que l’autre côté parlé, mon silence – seul vif, manifesté, qui enveloppe toi, bien fermé dans les lèvres de la déchirure

    de mon front sur ton épaule, tout le paysage d’aimer repose, sans repère : t’aimer, cet horizon, entièrement d’amour et vide, qui libère, me démet de la parole

    abdiquer, yeux clos – seul vrai, ce vide de la langue pour toucher, pour marquer territoire de risque, de veille attentive – pour dire, à toi de lui : je t’aime – tout dans la langue, est brûlé

    comment l’interroger, ce ruissellement des eaux jusqu’aux purs brisants de l’être, son être lui, le plus aigu, cette personne lui qui là s’avance, dans un trou de mots envahi de lumière ? transparence infinie où me dépossède, abandonnée de langue, t’aimer

    amoureux de part en part, ce consentement au vide

    et toujours se creusant, toujours sur sa base d’air s’élargissant, ce rien pour dire toi, que j’aime là - lui que j’aime par douleur de peau, par faim et soif, par arrachement, par impuissance des bras – rien pour dire

    corps, toi, tout simplement le sien – rejoint, ramassé, son odeur, sa chair, cheveux et doigts mêlés, circonscrit dans l’espace de mes lèvres, haut porté – pour nourriture, pour respiration – par dessus le monde, ses échos, ses mots à bruit de masse, de maillet, à briser les corps, les noyer

    son corps – à toi, le sien

    tout aimé, toi, de langue morte – avec grande force – toi, cette personne de vie, d’embrassement immense mais dans l’absence de mots, dans la disjonction de la parole

    et dans l’étonnement, qui n’a pas de fin – qui est sans mélange - où, seul, toujours le présent se déploie : vers sa propre éternité, courant, déferlant - avide d’un ciel où la lumière, incessamment succède à la lumière - dans ce même élan, dans ce même sang que rien ne tempère, ni nuit, ni saison

    mais du lourd sol des mots, toujours aimer, a cette nostalgie – cette  inquiétude -  lointaine, comme nul, sans trace vive, un souvenir –  car aimer toi, cette personne-là, lui que j’aime, cela parfois, cherche encore le mot – comment dire à toi, lui que j’aime, d’un mot – je t’aime - quelque chose là, qui cherche – où il n’y a rien, qu’un chant : un oiseau libéré de ses ailes, de son vol, de la terre – et qui là, disparu, n’est plus que son chant

     le silence qui pulse, plein d’attente

     toi, celui-ci que - cette personne-là 

     et plus nue qu’on peut l’être, je, dans cet amour – où rien pour dire toi, lui que l’on aime – rien pour dire – juste, les mains qui s’écartent – dans toute cette eau, accompagnée de soleil

     

    Michèle Dujardin

    ________________________________

     

  • Corps - Anthologie poétique aux Editions Sillages

    INFO - Lecture, dans le cadre du Printemps des Poètes, à Chateauneuf de Gadagne (84), le mardi 15 mars 2011 à 19 H, bibliothèque Raoul Milhaud.

    >> Voir ICI, Dépositions.

     * * *

     

    SILLAGES

     

    1ereCouv_Sillages-Corps.jpgAu pays des Sorgues, entre Rhône et Vaucluse, Benoît Chérel (alias Benoît-Léon Rebichet, lorsqu’il s’affiche poète) conduit les éditions associatives Sillages. Treize livres parus depuis 1999 témoignent d’un souci de rencontre, du goût de l’image et de l’attrait de la poésie. Les premiers ouvrages, plus ouverts à la photographie, ont laissé la place à des recueils dans lesquels le texte est prééminent. Si des contraintes budgétaires sont à l’origine de cette évolution éditoriale, les poètes sollicités peuvent s’en réjouir. Ils sont divers et nous citerons, sans exhaustivité ni ordre aucun, André Ughetto, Dominique Sorrente, Marc Rousselet, Jean-Claude Xuereb, N.S. Montebello, Henri Tramoy, Sylviane Werner, Misette Falt-Bedot… tous invités sous les auspices, entre autres, de René Char, mais aussi de Julien Gracq, de Pierre-Albert Jourdan pour citer quelques poètes majeurs présents par courts extraits dans les divers ouvrages.

      

    L’anthologie Corps, dernière parution (2010), reflète parfaitement la nature des recueils de Sillages : un bel assemblage de textes poétiques écrits autour d’un thème avec des illustrations (photographies, gravures, dessins et autres représentations artistiques). La facture des livres est toujours de qualité, ce qui témoigne du soin, de l’attention, prêtés par Benoît Chérel à son travail ; la qualité de plasticien (peintre, sculpteur et fabriquant d’objets) du poète-éditeur, parfois libraire encore, n’y est pas étrangère.

     

    De l’aventure qu’est Sillages, Benoît Chérel nous dit ceci : « Que la poésie naisse au pays de CHAR, quoi de plus normal après tout et que nous marchions dans son sillage, cela allait de soi. Tout a commencé pour nous dans les années quatre-vingts quand un sidérurgiste en rupture de ban avec la Lorraine déstructurée décida d’investir sa prime de départ dans la création d’un local de vente de livres d’occasion tout au fond de la place de l’église de L ‘Isle sur la sorgue. C’est ainsi que naquit, dans un merveilleux hommage à l’immense Julien GRACQ, « La Presqu’île ». C’est là que nous nous rencontrâmes , apprîmes à nous connaître et découvrîmes que nous étions quelques-uns à écrire nos envies d’être et nos révoltes à travers des textes qui resteraient à jamais emmurés si nous ne décidions pas de les éditer nous-mêmes».


    A partir de là, les choses deviennent simples. Créer une association loi 1901, lui donner comme but d’encourager la culture sous toutes ses formes et tout particulièrement à travers l’édition d’ouvrages de poésie, lui trouver un nom : «  SILLAGES », chercher des financements publics voire privés et partir pour notre aventure. Après quelques soirées-lecture organisées pour trouver les premiers deniers nous éditons «  SOURCES » en 1999, petite plaquette originelle écrite à trois mains avec l’appui généreux de Gaston PUEL. Douze ans plus tard notre catalogue compte treize titres et a réuni pour cela presque une centaine d’auteur(e)s, photographes et plasticien(ne)s dont voici le cheminement :

     

    1999 : Sources

    2000 : L’Isle insolite

    2001 : Au pays des Sorgues et Monts de Vaucluse (épuisé)

    2002 : Le décagone suivi de La fête d’amour

    2002 : Mars1961 Piaf en studio

    2002 : Chemins (épuisé)

    2003 : Solitudes

    2004 : Sorgues des brumes

    2004 : Enfances

    2005 : Traces (épuisé)

    2006 : Femmes (épuisé)

    2008 : Résistances

    2010 : Corps

    2012 : à paraître Palestine »

     

     

    En conclusion, nous laisserons parler le poète Benoît-Léon Rebichet dans Corps :

     

     

    « On se dit qu’il sera sans gouvernement possible. Mais à la nuit tombée, une fenêtre voisine s’éclaire comme un démenti. Une scène unique s’offre pour peu de temps devant un seul spectateur mesurant sa chance. Ce soir il y aura bien une étoile ; lentement filante, elle sera d’ordre terrestre. »


     

     

    Olivier Bastide

     ________________________________________

    Corps (Sillages 2010) / ISBN 2-915945-03-9 / 15 euros

    Editions Sillages,

     Le Haut-lieu,

     2 bis, rue saint Paul

     84470 Châteauneuf-de-Gadagne

    sillageseditions@laposte.net



     


  • Sur la ligne d'arrivée de la Joute poétique de la Saint-Valentin

     

     Délibération de la JOUTE POÉTIQUE

     « Œillets du poète et mots en amour »

     

     

    oeillets de poète.jpg

     

     

    Un peu d’histoire et de botanique… 

    Une méchante superstition 

     

    Au siècle dernier, un directeur d'opéra avait trouvé un moyen élégant de renvoyer la cantatrice qui ne lui convenait plus : il lui faisait envoyer une magnifique gerbe d'œillets avec tous ses regrets. C’est la raison pour laquelle les fleuristes à Marseille boudent volontiers les œillets. L’œillet porte malheur…mais pas l’œillet du poète, évidemment !

     

    Les ennemis des œillets du poète  

    Fleur précieuse et rare en cette saison. Si vous enquêtez dans les jardineries, vous apprendrez que les ennemis de l’œillet du poète sont : la mouche de l'œillet, la tordeuse, les pucerons, le thrips, le botrytis, la rouille, l’alternariose. On ajoutera : l’ennui, l’indifférence, la méchanceté, la jalousie, la convoitise, les murs de parole…

     

    * * *

     

    Joute poétique Saint-Valentin 2011 

     

    La joute  a été présentée par voie de presse (Marseille l’Hebdo et la Provence) ainsi que sur le blog du Scriptorium, selon une charte du participant. Elle a été relayée par le Festival international de poésie de Trois Rivières sur son site internet. 


    Un peu plus de 50 participants ont envoyé leur contribution de duo de poèmes par voie mail-courriel, et par voie snail-escargot. Celles-ci arrivent de différents pays : Niger, Roumanie, Québec, Grèce, Maroc, Algérie, Suisse, Belgique, Espagne, Liban… avec une fourchette d’âge allant de 13 à 87 ans.  Participants hommes et femmes, et aussi, duos d’auteurs, évidemment bienvenus pour la Saint-Valentin.

     

    Le jury, composé de représentants de Marseille l’Hebdo, représenté par Sabrina Testa et du Scriptorium, représenté par Dominique Sorrente, a décerné des Coups de cœur par catégorie. 

     

    * * *

      

    Ont donc été primés dans cette rubrique :

     

    - Œillet du poème manuscrit : Jean BROVELLI pour Si je reviens (+ Green de Verlaine)

    - Œillet des scripteurs : Martial TEBOUL pour Rafales éveillées

    - Œillet en chanson : Danielle BERTHIER - François d’AIME  pour C’est le bouquet

    - Œillet de la ‘Non Saint-Valentin’ : Jany COTTERON, Belgique-Suisse pour Jusqu’à ce soir

    - Œillet hors les murs :  Maria PATAKIA- Grèce,  pour  La fleur de la colère ainsi que Oumarou KADRY KODA-Niger  pour Rien qu’à moi

    - Œillet d’outre-océan : Monique JUTEAU (Québec ) pour Avec une aiguille (+ Je vous aime tant  de Denise Boucher)

    - Œillet GYPTIS-PROTIS : Romain ALIX + Alessia VIVOLO, pour Je e(s)t un autre   (+ Les enfants qui s’aiment de Prévert)

     

      

    Pour l’ŒILLET pourpre et blanc,  ont été nommés 8 contributions de textes en duo, respectant les mentions et le format exigé (20 lignes) :

     

    - Anne AIMÉE pour Piaggio (+ J’ai tant rêvé de toi de Robert Desnos )

    - Amine KHAN pour Consolation (+ R. Juarroz)

    - Cinta MONTAGUT (Catalogne) pour Je chasserai la nuit (+ Un visage appuyé contre le monde d’Hélène Dorion)

    - Annie SALAGER pour Je défaille (+ Green de Verlaine)

    - JOS VANSTAEN  pour Promesse (+ L’amoureuse de P. Eluard)

    - Laurence VERREY pour L’encre dira-t-elle mieux que ma bouche ? (+ Double lumière de Mireille Sorgue)

    - Chantal ARAKEL  pour Mon ange (+ Les amours de Marie de Ronsard)

    - Leonor GNOS pour Rose de sable captive (+ Marthe  de René Char)

      

    Les 3 Lauréats sont :

     

    -         Cinta MONTAGUT (Barcelone)

     -         Annie SALAGER (Lyon)

    -         JOS VANSTAEN (Marseille)

     

    Leurs textes seront publiés dans le magazine Marseille l’Hebdo ( numéro 531 du 23 février) et sur le blog du Scriptorium.

     

    Merci à tous les participants pour la qualité de leurs contributions, et à l’année prochaine (au plus tard) 

                                                                                     

     Secrétariat de la joute poétique 

     Saint-Valentin 2011 

     du  Scriptorium

     

     

    ombres dans l'eau.jpg

     

     

    JE CHASSERAI LA NUIT…

      

    Je chasserai la nuit plus sombre de l’hiver 

    Et je la placerai dans ta chambre accrochée au silence

    Je t’offrirai la chevelure glacée d’ombre

                 La solitude immobile

    J’emprunterai la nuit comme un vaste désert

    Où pouvoir nous cacher de tous les regards

    Et y oublier les chiffres.

     

    M Cinta MONTAGUT

     

    Texte original

     

    Yo cazaré la noche de invierno más oscura

    Y la pondré en tu cuarto colgada del silencio,

    Te ofreceré la helada cabellera de sombra

     La inmóvil soledad.

    Yo tomaré la noche como un vasto desierto

    Donde poder perdernos de todas las miradas

    Donde olvidar los números.

      

    Cinta Montagut a choisi  pour texte duo un poème d’Hélène Dorion, Un visage appuyé contre le monde  [Editions du Noroît, 1990] 

      

    Sans le dire, sans jamais l’écrire

    ce besoin de toi

    des heures qui réparent la faille

    et où l’on sait ce qu’est aimer

    être aimé, traverser nos questions sans réponse ;

    ces instants où rien ne se dérobe

    à ce que nous sommes

    et où l’on ne fait qu’un avec la beauté

    qui borde l’émotion

    et chaque fois joue ses possibles

    à travers nous ;

     

    je ne sais pas encore

     

    à qui je parle, ni ce qui s’échappe

    de  mon âme et va respirer en ton âme

     

    Hélène Dorion

       

    * * *

     

    Je défaille quand tu à peine nus au bord

    de la nuit lèvres jeunes et mon ventre aux fourmis

    accouru  te voici tout endormi sitôt,

    bel animal mouillé de songe mais savamment

    tendu, mon garenne amourable, à moi seule jouir.

     

    Annie Salager

     

    Annie Salager a choisi pour texte duo Green de Paul Verlaine [Oeuvres complètes, tome premier, éditions Messein Paris 1947]

     

    Green

     

    Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches

    Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.

    Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches

    Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

     

    J'arrive tout couvert encore de rosée

    Que le vent du matin vient glacer à mon front.

    Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée

    Rêve des chers instants qui la délasseront.

     

    Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête

    Toute sonore encor de vos derniers baisers;

    Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête.

    Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

      

    Paul Verlaine

     

    * * *

      

    PROMESSE

     

    rebelle suave et tendre

    de ta peau de promise

    ton ombre en moi lovée

    sur la dernière jetée t’attendre

    enfollée d’ambre et de jasmin

    le carmin et la pourpre

    de mes lèvres effacés

    oiseau au duvet de parade

    du silence jusqu’au cri

    l’ultime rendez-vous

    à ton heure de sable immobile

    celle de losanges écarlates

    sous l’arbre des fruits

    et fleurs mêlés   t’attendre

    belle et fine et invisible

    mon après vie ma morsure

    t’attendre encore dans le sommeil

    d’incertitudes en retrouvailles

    l’écho de tes sourires

    à chaque nuit s’attarde

    de loin en loin trouveras-tu

    ce port d’ambre et de jasmin

    cette toute dernière jetée

    où échangeant nos peaux d’épousées

    je lirai dans tes mains

    un destin qui n’était pas le mien.

     

    Jos Vanstaen

     *

    Jos Vanstaen a choisi  pour texte duo le poème de Paul Éluard, L’amoureuse  [in Capitale de la douleur, Gallimard, 1966, 1974 coll. Poésie.

     

    L’AMOUREUSE

      

    Elle est debout sur mes paupières

    Et ses cheveux sont dans les miens,

    Elle a la forme de mes mains,

    Elle a la couleur de mes yeux,

    Elle s’engloutit dans mon ombre

    Comme une pierre sur le ciel.

    Elle a toujours les yeux ouverts

    Et ne me laisse pas dormir.

    Ses rêves en pleine lumière

    Font s’évaporer les soleils,

    Me font rire, pleurer et rire,

    Parler sans avoir rien à dire.

     

    Paul Eluard