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Portraits

  • YVES BROUSSARD (1937-2018) dans l'infini tremblement de l'être

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    "Il y a ce poème en moi

    épais comme une vague de sang

    qui bat la mesure

    d'un monde à la dérive..."

    écrivait Yves Broussard. 

     

    Le 1er décembre, quelques jours après le décès de Jacques Lovichi, un de ses proches compagnons d'écriture, nous avons appris par Teric Boucebci la nouvelle du décès d'Yves Broussard qui s'était retiré depuis peu "dans la lumière froide de Valserres". 

     

    Poète du peu, scrutateur de signes au-delà du visible, Yves Broussard poursuivait d'un poème à l'autre, d'un livre au suivant, un geste minutieux d'attention au réel. Il procédait d'une façon angulaire et lente et précise, posant ses mots un à un sur la page. C'était sa façon de se faire perméable à tous les temps dans leur "pauvreté essentielle". 

    "Un long travail intérieur... dont ne serait livrée que la trace essentielle, dans l'économie de la matière et de ses effets. » écrivait Jean-Max Tixier.

     

    L'autre volet du parcours littéraire d'Yves Broussard fut l'action collective à travers la tâche de revuiste, d'Action Poétique jusqu'à Phoenix, mais essentiellement comme directeur de la revue Sud à partir de 1976 et jusqu'en 1997.  À partir de 2000, il contribua à une nouvelle aventure, celle de la revue des Archers, au théâtre Toursky, également à Marseille. 

     

    La bibliographie d'Yves Broussard est abondante; il fut récompensé à plusieurs reprises (Prix Artaud, Prix Apollinaire...).

    Ses poèmes sont traduits en plusieurs langues. 

    On pourra se référer au site du Printemps des Poètes: https://www.printempsdespoetes.com/index.php?url=poetheque/poetes_fiche.php&cle=496

     

    Une belle façon de re-visiter tout un pan du travail d'Yves Broussard est de lire l'anthologie personnelle "Grand angle" publié chez son ami et éditeur Yves Namur au Tallis Pré (Belgique) qui couvre la période de 1960 à 1990.

     

    Le Scriptorium rendra hommage à Yves Broussard (et à Jacques Lovichi) lors de sa prochaine Veillée poétique du 8 décembre 2018.

     

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    Lentement

    comme au sortir d’un mythe

    l’araignée tisse

    sa toile

    dans l’angle obscur

     

    Libre

    l’étoile glisse

    sur le nuage

    et

    par compassion

    t’attire en un immense rêve

     

    où prendra le feu

     

                 ( La nuit tremblée, édition Le Taillis Pré, 2002)

     

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    Pensée de l'alouette

     

    être un moment

    du murmure

    des dieux

     

                      Y.B.

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                                                      Dominique Sorrente

     

  • JACQUES LOVICHI ( 1937- 2018) en son DÉFINITIF PROVISOIRE

     

                                                           Jacques Lovichi.jpg

     

     

    Ô barbara furtuna…

    Lamentu

     

    à Frédéric Jacques Temple

    Dépossédés

    là-bas          bien au-delà de la crête des vagues

    franchis le ciste et l’arbousier

    la combe d’où s’enfuit le merle des légendes

    là-bas          après les cols aux rousseurs de perdrix

    après les bergeries aux toits couverts de ronces

    après les oliviers     les châtaigniers     les sources

    tout un peuple s’endort sous la mousse du temps

     

                                             ( extrait de Mourir dans l'île - Les derniers retranchements, Le Cherche-Midi 2002) ) 

     

    Écrivain corso-provençal d'expression française, comme il aimait à le dire, Jacques Lovichi a levé l'ancre, le 18 novembre 2018.

     Avec ses airs de Capitaine Haddock, brouillant les pistes entre la Corse et la Bretagne, sa connivence hors sol avec quelques maudits comme Germain Nouveau ou Christian Guez Ricord, son amitié obstinée pour quelques poètes majeurs, et au premier rang Eugène Guillevic, sa façon de saluer du poing en appelant du côté de l'autre rive, Jacques, le solitaire farouche,  avait pris sa part de défi collectif. Ce fut d'abord  le groupe expérimental d'Encres vives, puis la revue Sud, puis plus tard encore, Autre Sud, et la revue des Archers. C'est dans ces aventures éditoriales que nous nous rencontrions, tout comme Jean-Max Tixier, son complice, et Yves Broussard, le timonier capitaine. 

     

    Dans une de ses malicieuses dédicaces dont il avait le secret, Jacques avait complété le titre « Derrière c’est toujours la mort » par une formule au crayon « …mais devant, c’est encore la vie ». C’est ainsi qu’il faudra, au-delà de la légitime émotion du moment, lire les livres de Jacques Lovichi, découvrir ou retrouver une oeuvre complexe, ardente et obscure à la fois, toujours en mouvement ( romans, poésie, chroniques de théâtre...) qui témoigne d'un engagement littéraire intense, et plus encore d'un combat avec l'ange aux multiples reprises. 

     

    Une porte a claqué sur le « Définitif provisoire », livre paru en 1980 dans la collection Sud.

     

    Il est temps d’apprendre à écouter la voix qui dit « l’inépuisement du sujet ».

     

     On peut retrouver une belle évocation de "l'enivrante tristesse de vivre" de Jacques Lovichi dans une note que Françoise Donadieu, qui fut sa confidente, nous avait confié au Scriptorium.

    http://www.scriptorium-marseille.fr/tag/jacques+lovichi

     

    Hommage sera rendu à Jacques Lovichi et Yves Broussard, au début de la prochaine Veillée du Scriptorium  , le samedi 8 décembre.

     

     

                                                                                         Dominique Sorrente

     

    PS: À signaler la belle page écrite en hommage par Angèle Paoli sur le site Terres de femmes et le poème de Jacques Lovichi in extenso dédié à Frédéric Jacques Temple: https://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2018/11/jacques-lovichi-mourir-dans-l%C3%AEle-lamentu.html

     

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  • LA NINA ET LE NINO : Quand Christina Rosmini chante Lorca

     

     

           évocation du nouveau spectacle

           présenté au théâtre Toursky à Marseille

          en janvier 2016

     

    C Rosmini La marionnette du Nino crédit Stéphane Delattre .jpg

                                                                          crédit: Jean-Yves Delattre

                           

    Épatante, Christina Rosmini. Je l’avais découverte au théâtre Sylvain à Marseille, en juillet 2013, avec sa présence tonique, ses ferveurs méditerranéennes, son art de mêler la voix et la danse, la douceur et l’intensité, ses façons espiègles, fruitées, mêlés aux mémoires douloureuses venues d’Espagne, d’Italie, d’Algérie. Femme de tous les rivages comme l’annonce le titre de son précédent album, elle revient aujourd’hui pour célébrer la poésie de Federico Garcia Lorca, ce « niño » fantasque, poète étincelant au destin tragique qui fut abattu il y aura bientôt 80 ans à Grenade, sa ville de cœur.

     

    Ici dans un décor blanc, à l’allure de théâtre de marionnettes et de coffre à souvenirs, Christina Rosmini nous offre un étonnant défilé de figures qu’elle incarne, une à une, depuis l’enfance jusqu’aux noces de sang, en passant par les voyages à New-York, Santiago de Cuba ou Buenos-Aires, et la jubilation des temps républicains du retour en Espagne. On croise Manuel de Falla, Savador Dali, Luis Bunuel, les personnages familiers de la vie andalouse…

     

    C ROSMINI spectacle LORCA crédit Stéphane Delattre.jpg

                                                   crédit: Jean-Yves Delattre

     

    Dans un rythme soutenu de bout en bout, avec une délicatesse de gestes et de pas, de sourire mutins ou d’expressions tragiques, on suit la voix et le corps d’une Federico-Federica qui nous enchante. Christina Rosmini a choisi la forme du conte pour approcher cette présence, si attachante, qui fait en écho en elle et nous remue. Cela donne une évocation en poèmes et chansons, sous forme de vignettes visuelles effleurées, poèmes posés au bord d’un livre ou derrière un rideau, dans une ambiance qui revendique les couleurs, les accents, les douces provocations et les élans minuscules. Une scène pleine pour la voix parlée, chantée, dansée, superbement éclairée par la présence très sûre de la guitare de Bruno Caviglia.

     

    Rien n’est laissé au hasard dans ce livre vivant d’images, ni les enregistrements sonores, ni les effets d’ombres chinoises dessinant sur le rideau les traces enfantines d’une vie offerte et arrachée. Celle d’un poète unique qui n’a pas fini de réveiller en nous le soleil du « cante jondo », l’alliance drôle et tragique du lézarde et de la lézarde.

     

    Par la magie de ce spectacle complet, Christina Rosmini nous comble deux fois. Par sa présence complice, vibrante, portée par une voix chaleureuse, et aussi par la grâce de faire revenir sous nos yeux un poète enfant de toujours qui continue de nous dire sous les grimaces de la lune : « Si je meurs, laissez le balcon ouvert ! »

     

                                Dominique Sorrente

     

     

    + À signaler le dernier CD de Christina Rosmini LALITA- sortie annoncée pour le 9 mars 2016 au Zèbre de Belleville- qui accompagne ce spectacle et le prolonge avec d’autres mélodies du répertoire.

     

    + À consulter le site internet : http://www.christinarosmini.com/    avec le merveilleux clip aux couleurs indiennes de la chanson « Dans les bras d’Amma »

     

    C ROSMINI ET B CAVIGLIA crédit Stéphane Delattre.jpg

     crédit: Jean-Yves Delattre