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  • MARIEN GUILLÉ ET SES MORCEAUX DE CHANCE

     

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    Ambiance surchauffée à la Casina à Marseille ce dimanche 5 janvier 2025, en fin d’après-midi où il fallait pousser les murs. Dans ce théâtre de poche qui respire une vie de cave de jadis, Marien Guillé se tient là au milieu du public qui a investi la scène, réduisant le plateau à une bulle de 2m2. Le « poète de proximité » comme il aime s’appeler, ne s’en inquiète guère. Il s’adapte aux moyens du bord. Il lui suffit de promener son regard au-devant des visages avant que tout commence. Et le voilà parti pour dérouler son histoire de vie qui s’appelle « Pas de chance ?» et en sourit d’avance.

     

    Pour moi qui l’ai connu à Aix-en-Provence lors de ses années d’études où sa passion d’animer des ateliers en tous genres - lecture, écriture, rencontres - l’occupait déjà plus que les cours, c’est un bonheur particulier d’écouter ce « seul en scène », juché sur un strapontin de fortune.   Je me laisse embarquer par l’histoire où le récit autobiographique et la part du conte se disputent en bons amis complices.

     

    Marien mime, pose des gestes, il fait rire et nous attendrit. Un dépouillement sans attirail. Une présence debout ou avec un tam-tam.

    Rien de plus pour se mettre à parler et ne plus guère s’arrêter.

    Le voilà qui cite des auteurs et autrices rencontrés. Toujours avec générosité.   Au détour de la parolade, je reconnais un de mes poèmes portatifs qui lui ressemble finalement de plus en plus :

    « Entre l’humeur chahuteuse du clown/ la sainte folie du baiser/ et la lente sagesse des arbres, n’hésite pas un seul instant : choisis les trois ».

    Marien a tout choisi. Il a avalé les trois expériences, et puis d’autres, d’autres encore, dans sa pérégrination qui mêle les scènes déclics ( par exemple, le croisement à 13 ans de Gad Elmaleh sur une aire d’autoroute) avec le récit initiatique porté par le Rajhastan de ses ancêtres ou l’Afrique du Burkina-Faso où il a rencontré le monde des griots.

     

    Une heure et 15 minutes qui se relancent à chaque fois avec un « Paré, pas paré ? » auquel le public répond « Paré ! » comme on tire les rames d'une embarcation pour retrouver la cadence.

    C’est étrange de me dire que j’ai rencontré Marien Guillé, il y a plus d’une décennie, et que je l’ai reconnu presqu’aussitôt comme un fils adoptif en poésie, en parole, en bateau ivre, en désir de trouver sa voie. Il portait déjà des sandales, mais n’avait pas encore trouvé son bâton de marche. Sa gourmandise à rencontrer la diversité du réel, sa soif d’entreprendre, son sens des interactions et sa malice communicative m’avaient touché. Il était en quête d’une forme qui lui ressemblerait. Il disait à voix haute le « rebord du monde » comme un grain de sable prêt à voir surgir le suivant. Puis est venu pour lui le temps de quitter les sédentaires de Marseille, le Scriptorium accroché au monument Rimbaud, et de marcher sur les chemins, partir vers l’Inde multilingue, le pays de son imaginaire et de son réel introuvable, réconciliés en lui avec les mots.

     

    Ce dimanche soir, dans un autre Marseille, c’était une petite assemblée débordante qui s’était réunie pour l’écouter à la croisée de ses influences. Un Marien Guillé devenu simplement lui-même. Parce que le moment est venu où les planètes n’ont plus besoin de s’aligner, juste former de belles constellations.

     

    Quand j’avais annoncé au Scriptorium autour des dix ans de l’association le « pays de la coïncidence », Marien était un des seuls à avoir tendu l’oreille, cru en cette terre des rencontres insoupçonnées. Il n’avait guère plus de 20 ans mais il sentait possible cette terre qui fait que nous nous retrouvons, même sans prendre rendez-vous.

     

    Aujourd’hui avec ce nouveau spectacle s’est tissée la toile entre histoires du monde entier et fragments d’adolescence.  

    «  Pas de chance ? » porte beau son point d’interrogation sur l’épaule. Marien Guillé a appris à ouvrir les doigts tout en gardant son innocence native.  Il ouvre un monde qui aime voir bouger les mots et en réjouira plus d’un.  Il parle dans un « presque seul en scène » où coule le conte de sa vie.

    Et le temps n’a plus trop de raison de s’arrêter, même lorsqu’on croise un loup, une jolie fille ou un baobab.

     

    Parce qu’après tout, répète volontiers l’écho de ce spectacle : la chance est devant chacun d’entre nous !

     

     

                 Dominique Sorrente

     

    « Quand je suis né, j’avais les mains tellement fermées, mes doigts étaient tellement repliés sur eux-mêmes, que j’ai mis des années à les ouvrir complètement et à réussir à faire des gestes simples. Nouer mes lacets. Remonter une fermeture éclair. Éplucher une pomme. Allumer un briquet. Mes doigts et moi, ça n’a jamais fait la paire. J’en ai, pourtant, des doigts, comme tout le monde. J’ai deux mains, dix doigts. Modèle standard, tout va bien. Mais j’ai mis une éternité avant de pouvoir déchiffrer le mode d’emploi. J’étais sur la fin de mon adolescence, lorsqu’un jour j’ai entendu cette femme, dans ce petit village de la Drôme Provençale où je séjournais. Elle s’est mise à raconter une histoire… » 

                MARIEN GUILLÉ

     

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    Le spectacle Pas de chance? circule en ce moment en France et dans des pays francophones. On peut contacter l'auteur directement sur les réseaux sociaux.