05 décembre 2013
L'HIRONDELLE (extrait)
Un matin effilé comme un songe elle s'avance
D’un pas lent
Vient de loin
Me couvre du regard
- deux lacs d’ambre limpide, soudain le calme
Me dit qu'il est cruel
D’épuiser la parole
En futiles verbiages
Assieds-toi tout au bord, me dit-elle
Assieds-toi en retrait
Et écoute en silence ce que te dit le monde
Attends que les mots viennent
Attends qu’ils viennent à toi
Accueillir les mots nus, blessés, ou démunis
Voilà tout ce que tu peux exiger de toi
Et c’est déjà la moitié du chemin qui est fait
Le chemin que l’on ne -
Le chemin qui ne se -
Premier poème écrit à coups de plumes d’anges
*
- Souvenir -
Je pense souvent à elle.
Et je ne peux penser à elle sans que résonne à mes oreilles les bruits de la forêt, ceux qu’elle m’apprenait à écouter au cours de nos balades printanières dans le sous-bois de la forêt de la Sainte-Baume. Un mélange de silence, de souffles du vent dans les hautes futaies et de pépiement des oiseaux, aussi chatoyant que l’étaient les éclats de lumière qui filtraient au travers des frondaisons.
Notre consigne curieusement, pendant tous ces week-ends passés dans la maison de campagne, c’était : « Aucune musique ! ». « No music ! ». C’était se couper pendant deux jours du déferlement de rock qui roulait dans nos oreilles d’adolescentes le reste de la semaine. Evidemment nous avions nos grands classiques, Les Beatles, Albums Bleu, Rouge et Blanc. Nos chouchous, Stairway to Heaven de Led Zep. Et nos inconditionnels : Genesis… Mais le week-end, c’était : Silence !
Car Frédérique, ma meilleure amie, ma confidente, mon Hirondelle, avait un projet : apprendre le chant des oiseaux. Parvenir à imiter leurs chants, à siffloter, chanter, pépier, gazouiller comme eux. Et elle y réussit. En pas même une année, elle parvînt à reproduire à la perfection une gamme incroyable de chants de différentes espèces.
Son projet avait un deuxième volet, plus improbable sans doute : elle voulait apprendre à voler. Aussi vite, aussi haut, et aussi beau que les hirondelles qui traçaient là-haut dans l’azur. Elle assurait qu’elle y parviendrait.
Simplement, cela prendrait un peu plus de temps.
*
Elle avait enlevé son manteau comme on dépose sa vie
Parvenue au bout de la planche
Mouvement suspendu
Un pied dans le vide
Les yeux fermés
Elle appela
Et tous les autres étaient absents
*
Ce matin n’est pas un matin
C’est un effacement
Une discrétion
Un retrait
Une place faite à l’absence
Un hommage feutré du silence à la nuit
ISABELLE PELLEGRINI
15:51 Publié dans Anthologie Poètes de la Coïncidence | Lien permanent | Commentaires (2)
20 mai 2013
Jean-François Picq
Je t'aime pour ce corps vivant à la naissance des baisers
pour ton odeur de grand large aux premières fleurs du matin
Je t'aime parce que je suis fou et que je n'ai pas encore appris à casser mes rêves
et conduire l'effondrement de mes certitudes blanches
Je t'aime parce que je vis dans la cathédrale inversée de ton ombre
assis sur les berges qui descendent le fleuve à petits pas
jouant avec la lumière entrelacée de tes arcs-boutants
Je t'aime pour ne pas mourir
du poids des ans aux entrailles de la tête
de la découverte chaque jour renouvelée de nouveaux fronts de bataille sur ma peau
Je t'aime pour le quadrille des routes
à parcourir encore ensemble sur la veine inflexible du temps
Je t'aime parce que ne plus dire « je t'aime »
serait prendre racine dans l'arbre de la mer .
15:22 Publié dans Anthologie Poètes de la Coïncidence | Lien permanent | Commentaires (0)
Au pas de l'être ~ Leonor Gnos
A quoi bon la peine de ne jamais arriver
nous avons des ailes à nous
et une aiguille dans les mains
~
La nature autour du Mistral
se courbe telle qu’une poule
devant un coq en colère
~
Ma cervelle ridée
transcription des vers perdus
~
Ce qui nous sauve est souvent un hasard
les mots arrivent plus tard
~
La nuit mes morts créent des traces de lueur
comme s’ils étaient avec moi
en pleine vie à tout jamais
~
Un souhait sans nom touche le temps
nous avons ignoré ce qui pourrait
rayonner en nous
~
Dans l’univers la plus petite étincelle
fait jaillir une ombre immense
~
Toutes les étoiles dans le ciel
pour rêver à l’infini
15:22 Publié dans Anthologie Poètes de la Coïncidence | Lien permanent | Commentaires (0)