Retour en quelques textes et images sur la merveilleuse journée de retrouvailles Rencontre façon japonaise organisée par Claudine Baissière, membre - et non des moindres - du Scriptorium.
Le rendez-vous était pris ce samedi 17 février 2024.
Se retrouver à 11h chez Claudine pour une balade Gingko sur la Colline de l'Étoile…
Marcher discuter divaguer grimper. Chacun·e son rythme. Au sommet la large pierre plate fait office de table. Nappe dressée instantanée pour apéro japonais. Temps suspendu. Merveille. Nous écrivons. Chacun·e son spot. Chacun·e son style. Abeilles. Orchis. Thym. Romarin. Vue imprenable malgré la brume. Un verre de pastis ou de vin. Et les promeneurs. Nous verrons bien. Ce que cela produit.
Descente parfumée par les herbes de provence et colorée par les iris bleus et les ajoncs de Provence - jaunes sœurs des genets. Thierry nous attend dans le jardin. Soupe miso préparée par Henri. Avant le Kukaï* - lecture des textes rédigés et vote des trois préférés.
Suivi d’un sublimissime repas préparé par Claudine : Shichimencho Dashiwa meshi et accompagnements apportés par chacun·e. Vins parfumés. Salades choux blancs mélangés. Fromage pain châtaigne fromage blanc drapeau japonais crème de marron mousse au chocolat mantecaos mochi mochi mochi. Quand le Japon s'invite dans nos assiettes…
Et c’est reparti pour une lecture/jeu d’écriture* avec ou sans adjectif ni adverbe. Même si nous n’avons pas tous·tes bien compris la consigne c’est. Joyeux et fraternel. C’est bien évidemment. L’essentiel. Nous tentons, sans la noter cette fois, de reconnaître l’écriture de l’autre. C’est amusant et pertinent.
Avant de se dire aurevoir et à la prochaine aventure poétique !
Pour rappel :
Le sauvage les pierres l’iris mauve
Effluves de romarin
Frôlement d’une aile de papillon
Qui s’est trompé de saison
La sève rêve sa lente traversée du temps
Notre Dame veille derrière
La brume sur les crêtes
L’espace vibre clarté des corps
Ce matin le jour glisse
Il fait saison couleur cendre
La pluie troue le ciel
La terre succombe
Les oiseaux sur la crête
Ont précédé le bouillard
Au plus bas de la respiration
Suivre le temps des nuages
L’indolence des champs de blé
Allumer un feu
Déposer l’oubli au creux de l’oreiller
Qu’est devenue l’absence sous le givre ?
Jeu d'écriture - Wahiba Bayoudia
Je creuse leur tombeau
Marseille commence à disparaître
Peu à peu, sur le fil du jour
Et par-devant l’horizon
La pinède la digère, la brume l’estompe
L’été se presse,
Et court aux trousses des saisons
Les avale, hiver, printemps
Qu’en restera t-il ce soir ?
Un léger parfum de romarin
Dans la paume de la main
Les cistes qui promettent les fleurs
Frêle couleur chiffonnée
Les ajoncs qui acèrent leurs outils
Marseille commence à disparaître
Ses avenues et leur bruit
Se réunissent dans les caves
Et moi, les poings plein de terre
Moi, je creuse leur tombeau
Kukaï - Patrick Aveline
L’hiver le ciel
L’hiver le ciel se tait
Il regarde ses ongles
Comme on regarde
Un bouillon qui a refroidi
Il n’a plus envie, il se tait
Jette un coup d’oeil aux nuages
Et leur dit dans un souffle
D’arrêter leur frime
Le ciel ce soir finira dans le noir
Comme les maisons d’hiver
Qui au creux, au chevet des nuits
N’en finissent pas de gémir
Jeu d'écriture - Patrick Aveline
*** *** ***
Tête rouge et brachypode rameux
dans l'air doux le cri des gabians poètes
là-bas là-bas la bonne mère ici la sève des arbres
Kukaï - Claudine Baissière
En ombre chinoise la fourmi agite ses antennes, sur la feuille de chêne raccornie . Mon ventre touche la terre encore rêche de cette fin d'hiver, je hume avec mes nasaux d'humain quelques filets d'odeur de romarin, pas encore éclatants de saveurs, celles de l'été où tout se vrille et part en feu de Bengale. Je suis là , étendue sur le sol de la colline écrasée entre les cailloux, bien décidée à percer les secrets des petits peuples cachés entre les brins d'herbe, que ma taille de géante ne me permet jamais de voir. Allongée ainsi depuis le petit matin,j'ai n+mis mes sens en éveil. Ma peau égratignée, ma langue farcie d'épines d'argeras, mes oreilles enflées du vent des cimes, mes loulous palpitantes, mes yeux bouffis de l'observation rapprochée viennent de surprendre cette fourmi, première créature de la journée.
Persepolis ~
l'architecture de Darius 1er
pleine d'araignées
Jeu d'écriture - Claudine Baissière
*** *** ***
Sur la colline
la ville en contrebas
où les voitures scintillent
comme des étoiles de jour
qui mangeraient leur propre espace
le paysage partout
une citerne verte est posée là
comme un gros insecte
écrit sur son abdomen
liberté de penser
libre ici en effet
la pensée
comme l’air
comme l’oiseau
qui finira bien par passer
il n’y a que du libre
sur la colline
sauf l’insecte qui ne peut bouger
et son eau
enfermée
qui attend
et moi
qui dois redescendre
je me retourne
le vent souffle à l’envers
j’aime bien l’envers
mais j’aime bien l’endroit
en descendant je croise des gens qui montent
certains courent
certains avec des chiens
certains avec des enfants
certains certains
d’être libres
Daniel Birnbaum
*** *** ***
sur ce chemin de pierres
quelle est donc cette fleur ?
entre thym romarin
orchis pourpre incarnat
géante au fil des heures
orchis à tout à l’heure
une alarme en écho/bruyante
que dit-elle de nouveau/bruyante encore
ici il n’est point d’heure
abeilles ponctuées des fleurs
samedi le vent et les amitiés fières
samedi le vent et les souvenirs d’hier
l’espace d’un hiver qui ressemble au printemps
l’espace d’un hiver écoute encore le vent
Kukaï - Emmanuelle Sarrouy
QUINZE LIGNES POUR UNE SAISON - SANSONNET JAPONAIS
le grand cèdre en face
me réveille avec grâce
splendeur du matin
flamboyant se pare de mille couleurs inédites
abrite les étourneaux qui me rendent visite
au hasard des regards l’écureuil enfantin
le grand cèdre déploie
large feuillage des bois
crépusculaire
dehors dans la rumeur des villes je n’ai pas chaud
dans cette cacophonie ponctuée des chants d’oiseaux
s’opposent aux grues fauvette et mésange charbonnière
le grand cèdre somnole
aux lumières farandoles
juste avant le printemps
Jeu d'écriture - Emmanuelle Sarrouy
*** *** ***
Flemme, flegme
aime poème
flemme, flèche
brèche lèche
flegme me pose
aime flegme
dilemme poème
où mène flemme ?
f, fl, fleu
brève, trêve
au poème mon flegme
aime le feu
une flamme je veux
une fève-poème
jeu de dame, elle
n'aime poème
flegme flèche
file se faufile
dilemme poème
abeille aimée
son aile crève
son œil rimmel
poème dilemme
où me mène-t-elle ?
flemme j’aime
t’es tout un poème
brèche dans l’ordre
des choses des règles
flemme tu portes
tes yeux d’or noir
vers les collines kérozènes
éboulis des boulevards
silhouettes torides des cités
les vieilles tours revisitées
les squats les rues refaites
les rues à rixes
du grand marché
où l’on se tue
pour des billets bleus
C’est là sous nos pieds
dans la désharmonie de la cité
le sang, la mort, le blé
pour des barrettes en poignées
flegme, flemme
poèmes encore aimer
quand de tout ça
on se sent écœuré
flegme aime
encore aimer ?
et poème toujours donne
Kukaï - Henri Perrier Gustin
L’automne marche longuement entre les bogues et les branches qui se brisent et éclatent sous son pas. Il revient sur son chemin, parcourt en tous sens les sentiers de sa vie, se plonge et se lave de nostalgie, puis s’endort dans la moiteur du solstice. À ce moment naît l’hiver, éclat de givre éclat de givre dans une brisure de glace, au matin de brouillard, quand le soleil se teinte d’argent sur miroir de vagues. Il lève son œil vers une aube sans fard, vers le silence des étangs, sur les arbres compagnons de route, des vols de migrateurs, gardes sans complaisance des haies où s’abritent les nids. Il avance un peu plus chaque jour dans sa course vers la lumière. Se lève tôt pour écouter les chants des merles sous bois. La neige jamais ne se lasse, les sons de ses pas sur la glace, la brisure des eaux répond à son bâton de noisetier.
Son œil saisit le soleil d’un revers de main, la lune d’un éclat de regard, le vent comme un souffle et le feu annonciateur de vie. Hiver, toi qui nous réunit devant la flamme, qui cristallise tout élan de vie, vers le tumulte du printemps.
Jeu d'écriture - Henri Perrier Gustin
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Gravissant les années j’ai appris à descendre
je regarde en avant, ouvre l’espace à mon pas et descends
je trottine et descends, je désescalade
pour chaque année en plus un peu de gloire en moins
à chaque secousse de la vie un peu de terre en descente
un peu de descente en apesanteur
je suis dans altitude, sans exploit, sans sommet à gravir qui ne devienne descente
me délestant sans regrets du prestige et des honneurs je me paie le luxe de descendre
face à une échelle je descends
à chaque soleil levant je descends
face à la Tour Eiffel je descends
face au CAC 40 je descends
face aux cours de la bourse et de la performance je descends
face à tout classement je descends
face aux enjeux de pouvoir je descends
prise dans des comparaisons je m’amenuise
face à la croissance je décrois
prise dans un conflit je baisse la voix d’un ton
quand les températures d’hiver s’envolent je prie pour que les courbes s’inversent
et je descends encore
Jeu d'écriture - Isabelle Alentour
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sortiliège de la réguignade
hiver déboussolé
pour un printemps qui n'a pas dit encore la fin
Jeu d'écriture - Thierry Offre
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Commentaires
Rencontre d’un athée avec Dieu
Athée, grâce à Dieu (Mouloudji)
- Ah, vous êtes là ?
- Et bien oui!
- Mais alors…?
- Je suis là, mais tu n’es pas obligé de le croire.
- Si c’est vous qui le dîtes.
- Tu n’es pas oblige de me croire.
- Je suis donc athée grâce à vous. Nous pouvons nous parler, mais vous n’êtes pas tenu à l’existence.
- Les paroles s’envolent…Elles partent loin, au point de se perdre, surtout si un ange passe.
- Au moins, aurais-je eu une certitude, c’est que tout cela restera entre nous.
- Fais-moi au moins la grâce de te souvenir de notre rencontre.
- Bien sûr, mais si un ange venait à passer?
La nuit était tombée depuis un bien long temps
La parole se perdait, le message s’effaçant
Des secrets répandaient leurs messages menaçants.
Sous le ciel étoilé, il s’était endormi.
Il avait tant rêvé, il criait grand merci.
Au réveil, tout était retombé dans l’oubli.
Gérard Boudes
8 Mars 2024