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Le Scriptorium - Page 118

  • Terres en vue, poèmes en novembre.

     

    Cette poudre où l’on plante et qui donne du vent et du grain, 

    Nourrissant végétaux, maternel élément ; 

    Étendues et vallées, par les monts, l’océan, 

    Au soleil, en tournant, éternel est son train. 

     

                                                   Gérard BOUDES 

     

     

    épi_blé.jpg

     

     

    Chanson de l’esprit de la terre

     

    Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.

    Moi, je suis l’esprit au sein de la terre.

    Les pieds de la terre sont mes pieds ;

    Les jambes de la terre sont mes jambes.

    La force de la terre est ma force ;

    Les pensées de la terre sont mes pensées ;

    La voix de la terre est ma voix.

    La plume de la terre est ma plume ;

    Tout ce qui appartient à la terre est à moi ;

    Tout ce qui entoure la terre me cerne.

    Moi, je suis l’œuvre sacrée de la terre.

    Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.

     

    Lecture par Thérèse Basse (Chant tiré d’une légende navajo.)

     

     

    * * *

     

     

    Compassion

          

       

                Hirondelle de mer et mouette

                une aile à côté de l'autre

    hirondelle_mer.jpg            image de compassion

     

                rien ne tombe dans la balance

                les collines se dressent tour à tour

     

                dans leur chaleur lointaine je marche

                en sortant du cadre  du destin

     

                jusqu' à l'aurore à la lueur violacée

                derrière laquelle s'étend

                le seuil vague de la terre

     

    Leonor Gnos

     

     

    * * *

     

    Petite terre

     

    au tout début

    la terre est une banlieue

    elle est marron foncé

    découpée en jardinets

    parcourue de rues plutôt propres

    ponctuée de centres commerciaux

    et de zone d’activités

    on y a bâti aussi des maisons

    et dans les intervalles en friche

    poussent des pommiers tristes

    des sureaux des troènes

     

    un jour au-dessus de cette terre passe le Concorde

    et mon père dit

    il est beau cet avion mais il fait beaucoup de bruit

     

    cette terre initiale s’étend ensuite

    devient une forêt striée de troncs rectilignes

    bourrée de genêts

    de Père Noël

    de caresses

    de marchand de sable

    d’amour sans condition

     

    puis la terre

    devient la mer

    et une plage de 140 kilomètres de long

    et les vagues

    le surf

    la transgression

    les filles

    la nuit

    le Velvet

    Alan Vega & Suicide

    les baisers

    le sexe

    tout ça

    se mélange sur cette terre

    pour en faire

    une sorte de lieu

    à la fois sacré et répugnant

    où je t’enterre

    un jour de mai

    où je vais autant que possible

    retrouver ton fantôme

    au détour d’un parfum

    de bruyère

     

    puis la terre devient

    plus abstraite

    elle s’envole

    vers l’apprentissage

    des textes

    des langues

    des sciences humaines ou exactes

    des systèmes complexes

    et de l’histoire

    où se cachent

    les mythologies

    et les monstres

     

    et cette terre devenue aérienne

    et sans contours définis

    se pose parfois

    au Palace

    au Rose Bonbon

    à la Nouvelle Eve

    se peuple d’étranges personnes

    qui érigent

    des mobiles gracieux

    qui jouent des airs dansants avec

    des instruments bricolés

    qui  montent sur une chaise

    chantent des chansons de Joe Dassin

    m’invitent à des barbecue-parties

    ou à des soirées costumées

    animent des groupes de parole

    m’ initient à l’incertitude

    puis à l’abandon

     

    et

    ensuite

    la terre fait grève à Radio France

    regarde Mars du coin de l’œil

    épuise son énergie

    réduit ses distances

    calcule mieux sa position

    invente le tgv

     

    et encore ensuite

    la terre se couvre

    d’une population considérable

     

    et encore

    encore ensuite

    cette population considérable

    regarde le ciel

    jaune et chargé de poussières

    et espère la venue

    d’un crétin spatial

    à moitié à poil

    et auréolé de lumière

     

    et

    encore

    encore

    encore ensuite

    sur la terre

    ma mère m’appelle

    pour savoir si avec mon amie Princesse Stella

    on vient la voir à Noël

    et quand je lui dis oui

    elle répond

    tu ne peux pas savoir comme tu me fais plaisir

     

    Daniel Labedan


    Pente_vigne.jpg

     

     

    La terre est un vivant secret, mon paquetage sous les pieds, la déréliction des canailles, la roublardise du couchant. Elle enveloppe et outrepasse, l’or, le miel et la boue en stupre à la collerette. J’en suis fils, père et étrange présent, astreint aux peurs et vertiges divers.

    La terre est mon Etat de droit et d’indignation. J’en transpire le mal que se donnent impies et forçats à espérer. J’aime chaque matin voir le Ventoux. Cela ne suffit pas, mais cela embellit.

    La terre est offrande et hasard. J’envie le prêtre et l’agriculteur pour leur compréhension des choses.

    La terre est partance commune. Au bastingage déluré, j’apprends à contempler, je décline l’incertitude en mots et dits soudains. Je vis.

     

    Olivier Bastide

     

     

    * * *

     

    Pour ce jour qui va naître encore   (extrait)

      

    "Et aucun pas irréprochable 

    pour se précipiter

    ou tenter de lever encore la chimère des forêts.

     

    Et rien qui ne pressente

    l’irrémédiable fatigue des graines muselées.

     

    Respiration

    sans issue et sans borne.

     

    Respiration, éboulement,

    la rumeur au son rouge qui glisse.

     

    C’est bien ici,

    la terre que récitent

    les cœurs battants

    à la transparence du bleu.

     

    Elle fuit au noir,

    elle échappe au regard,

    elle est la grande métisse du dedans

    qui ouvre au chant vertical."

     

    Dominique Sorrente (inédit)

     

  • Elément Terre, La rencontre du 27 novembre

     

    Intervalle Terre.jpg

     

     

    La rencontre qui nous réunira aura lieu le

    samedi 27 novembre 2010 de 14 heures à 17 heures,

    à la salle Tempo Sylvabelle,  69-71 rue Sylvabelle à Marseille (6ème).

     

    Dans son cycle consacré aux éléments, le Scriptorium vous convie à partager sa prochaine rencontre « Intervalle d’automne » sur le thème de l’élément TERRE. 


    logo Script.jpg

     

     

    Quel écho trouver aujourd’hui à la symphonie avec voix du Chant de la terre de Mahler ? Qu’est devenue celle qui était bleue comme une orange, sous la plume d’Éluard ? Quels mots contemporains prolongent l’épopée moderniste de The waste Land (La terre vaine) de TS Eliot ?  

     

    Chacun voit le midi de la terre à sa porte.

     

    Certains la goûtent comme le grain d’obscur qui nous façonne, d’autres la vivent en planète vagabonde. Qu’elle soit la fragile menacée ou la grande ensevelisseuse, la terre ne laisse guère indifférent. Énergie vitale, matière de tous les tremblements, humus qui nous rappelle notre humaine condition… l’élément terre mérite notre enquête.  

     

    Car nous tentons tous, à notre manière, de la rendre plus habitable dans nos vies et celle de nos semblables.  

      

    Venez partager sur le thème du jour les textes en prose et poèmes que vous aurez rencontrés dans vos lectures et ceux  que vous aurez écrits.  Les intervalles du Scriptorium sont des moments à part où les textes se croisent et se répondent, où les mots sont invités à la table commune. Ni atelier d’écriture, ni conférence, ils sont des temps de partage de textes et de plaisir de l’échange.

     

    Terre en vue ! Bienvenue à tous les porteurs d’écritures.

     

    

    Un + à cette rencontre :

    accompagné par l’association Zingha* qui favorise l’organisation d’événements culturels et solidaires, notamment en lien avec les pays d’Afrique, le Scriptorium proposera une dégustation café/chocolat, deux ressources de la terre pour faire naître au palais les mots les plus savoureux.

     

     

     

    Terre_interv_automne.jpg


     

     

    La terre nous est étroite. Elle nous accule dans le dernier défilé et nous nous dévêtons de nos membres pour passer.

     

     Et la terre nous pressure. Que ne sommes-nous son blé, pour mourir et ressusciter.

     Que n’est-elle notre mère pour compatir avec nous.

    Que ne sommes-nous les images des rochers que notre rêve portera,

     Miroirs. Nous avons vu les visages de ceux que le dernier parmi nous tuera dans la dernière défense de l’âme.

     Nous avons pleuré la fête de leurs enfants et nous avons les visages de ceux qui précipiteront nos enfants par les fenêtres de cet espace dernier, miroirs polis par notre étoile.

    Où irons-nous, après l’ultime frontière ? où partent les oiseaux, après le dernier ciel ? où s’endorment les plantes, après le dernier vent ?

     nous écrirons nos noms avec la vapeur carmine, nous trancherons la main au chant afin que notre chair le complète.

      

    Ici, nous mourrons. Ici, dans le dernier défilé. Ici ou ici, et un olivier montera de  notre sang.

     

     

     

                                                                           Mahmoud Darwich, 

     La terre nous est étroite, 1986 (Gallimard 2000)

     

     

    ________________________________

     

    Entrée libre pour une première participation- Inscription souhaitée pour faciliter l’organisation à l’adresse : poesiescriptorium13@gmail.com  -  Adhésion annuelle  facultative au Scriptorium : 30 euros.

     

    * [Zingha : Boulevard Voltaire 13001 Marseille - Tél : 04 91 08 14 33 - Mail : info@zingha.org ]

     

     

      

     

  • Les doigtés de feu et d'absence de Jean-Yves VALLAT

          

     

    JY Vallat.jpeg 

    « Je n’augmente rien 

    Je n’argumente pas 

    Je répète le peu de mots que je sais. » 

     

              

     

     

    Ainsi parle Jean-Yves Vallat, tout au bout du tracé qu’il emprunte sous le signe d’un apparent paradoxe, celui de l’Endurance du Météore (MLD, 2010).

     

    C’est que la démarche ici n’est pas celle des fulgurants, non plus celle des immobiles.

      

    Elle se situe dans un espace d’humanité, un entre-deux de l’existence, qui a les lèvres « effleurées par l’abîme » et qui sait en même temps voir « au bord du ciel bleu » comment « persiste l’avenir pour un enfant calme / aux mains d’herbes et de bois ».

     

    Espace douloureux, auquel le poète ne consent pas facilement, mais où il nous entraîne, à pas fermes, mesurés, anxieux mais résolus, avec une forme d’âpre fidélité au seuil de la nuit.

     

    Ce qui nous émeut chez Jean-Yves Vallat, c’est bien cette insistance  à  tenter une parole juste « à condition d’habiter les arbres », condition éthique autant que formelle qui se retrouve d’une page à l’autre. La figure de la mort y trouve une place centrale, avec une façon personnelle de laisser entendre, selon la belle formule de Mérédith Le Dez à qui l’on doit la préface,  « un chant psalmodié dans l’obscurité ».

     

     

    Une belle voix grave parcourt ce temps qui se sait à l’oubli, le vit déjà par anticipation, ramassant les témoins de la finitude pour nourrir le feu. « Mon absence est un préau où le vent se rassemble avec des feuilles de passage. », prévient le poète qui s’éloigne avec les images du temps, offrant ses lectures d’horizon ou ses carnets de «  l’herbe ardente, quand tu seras sous la neige ».

     

    À quoi bon persister en écriture si « rien ne s’ajoute au poème sauf le silence qu’il donne » ? Pour ce silence-là, justement, silence obtenu, partagé, apprivoisé comme cette porte derrière laquelle veillerait une voix », semble répondre Jean-Yves Vallat. Par le travail des "Cendres", et puisque « Les arbres ont un regard », il nous appartient d’entrer dans cet enclos. Peut-être pour ce rare instant d’un dimanche de lumière,  à la dernière page du livre,  où règne le verger dans un regard d’enfant « auprès d’un petit pommier d’un an ».

     

    Oui, « Le météore n’explique pas le ciel

    il le nomme ».

     

    Il n‘en a jamais fini de tenter de le nommer.

     

     

                                                                           Dominique Sorrente

     

     

     

     

    Endurance du météore.jpeg  Endurance du Météore est paru aux éditions MLD, 2010

     (http://editions-mld.com/)

     

     Un extrait et notice biographique de l'auteur ICI

     

     

     

     

     

    Du même auteur :

    • Cendres, éditions de l’Envol, 1997, prix Yvan Goll
    • Les arbres ont un regard, Le Nouvel Athanor, 2009