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olivier bastide

  • OLIVIER BASTIDE

    Il s’agit ici de donner un texte qui me présente comme poète, présente ma poésie ; c’est la règle du jeu que j’ai acceptée. Pourtant, voilà bien un exercice qui me convient peu, parler de moi, parler de moi poète… Ecrire de la poésie, en lire, lire les autres, se lire, être donc un poète défini par l’acte du poème, là oui, à l’évidence oui ! Mais se dire…

    Je serai donc bref : Minerve, La tour, Les pins

     

    Je lis des poèmes, silencieusement ou dans ma chambre d’abord, à pleine voix et en public ensuite,  depuis ma rencontre avec les Solicendristes après l’an 2000 (Cf. Henri Tramoy) ; j’en écris, simples éructations puis avec plus de sérieux, selon le même tempo. C’est dire l’importance de la revue Soleils et cendre qui, en accueillant mes premiers poèmes dans une publication, m’a rendu poète quand je n’étais jusque-là, plus ou moins, qu’un loustic-poète fort discret, timide, secret, reclus dans mon for intérieur.

    Avant tout, pour moi, la poésie est une parole ; elle est mon chant intime entre crudité du propos, dévoilement, exhibition, et passage par l’à-côté.

    Je photographie également, un regard qui utilise un autre média, mais participe d’une même posture que la poésie.

    Je confirme être bref, quelques poèmes puis une bibliographie…

     

    Quelques textes :

     

    Faveur du feu

     

    Celui qui prit vent aux soubresauts des lunes

    Raconte l’an et son chevet

    J’en suis l’intime frère

    Pauvre de soleil

    Décharné jusqu’à l’œil souffreteux

    Sans la rigueur des sucs brunis

     

    Par l’os

    Je ronge l’herbe douce à l’agneau

    Je suis loup costumé

     

    Extrait de Chansons à la lanterne/Inédit

     

    Contre le rêve, je fais choix du réel. J’absous mon illusoire pantomime dans le bourbier conjoint. Ainsi, je n’attends de mes rires ou de mes pleurs que notre vérité. A cette condition, je vis.

     

    Fragment inédit

     

    Incidemment

    (écrit pour Poèmes d'un angle à l'autre, lecture publique du Scriptorium en marge de l'exposition Le Corbusier, J1, Marseille, le 21 décembre 2013)

    Bataille à Hastings

    Mon poème prend pour support l'angle des choses, le biais des  incidences, l'abord des anarchies. Il suffit d'un regard ému sur un visage,  l'oreille surprise par ton souffle, une clarinette remerciant Satan. Il suffit du grand éclat de rire, éclat de vent, éclair solide et enchanteur.

    Si nous sommes vaste boucan, c'est par souci de ne pas mourir. C'est par souci de ne pas mourir que je vous parle, que j'écoute les flots, le bastingage, que j'engage bataille à Hastings.

     

    En Bref

    Là-bas, il y a toi. Toi que je ne suis pas, qui penses peut-être qu'ici il y a moi. C'est une question sans douleur aucune ; se la poser précise une certaine conscience des choses, une lucidité bienvenue mais non indispensable.

    Parfois, je choisis le repos. Je reste pelotonné dans l'angle obtus et j'y suis bien. Ça ne dure pas ; je pourrais mourir.

     

    Ouvrage déposé dans l'angle

    Il semble que l'angle symbolise très précisément notre situation ; Je m'explique. En premier lieu, il se considère dans deux sens, celui de son ouverture ou de  sa fermeture. En second lieu, il est le point précis de la rencontre et l'indice de la divergence des lignes supposées.

    A la recherche de la base et du sommet, le poète avait déjà dit le caractère crucial de la géométrie. J'en suis le simple disciple, un ouvrier des mots et du constat.

     

    Précision

    Depuis le lever, s'entrevoit, se distingue, s'interpelle tout depuis nous, nous défini comme tout un chacun disposé aléatoirement de place en place et doué de mouvement. C'est dire la presque impensable diversité de pensée, diversité d'être, dépendant pour une bonne part de notre siège, siège imposant un point de vue, point de vue décidant de l'Angle.

     

    Ainsi disent mes mots

    Quand nos pieds échouent à nous porter de l’autre côté, quand l’intervalle s'affirme presque gouffre, quand la vague ou le vent sont deux houles par lesquelles le destin meurtrier joue de nous à l’envi, nous ballotent poupées et chiffons déchirés, nous devons fuir par la barque ou le pont, par-delà l'océan ou la vallée tragique. Nous devons fuir, franchir l'écume trouble des tempêtes le vertige des jours. Nous devons inculper les sirènes et leurs chiens, décapiter gibets et juges. Peut-être alors sommes-nous aptes au commerce des œillets, à l’écriture des rêves.

    Disant cela je me souviens du mulet mort coulé dans la première pile du pont, pont initialement construit pour le projet mort-né d’une ligne ferroviaire Barcelone-Paris… Pont butant sur le village, quasiment à la verticale de l'église sanctifiant l’ironie assortie à toute chose par la formidable contraction de la naissance et de la mort.

    Je me souviens tout en bas du cimetière, de son portail grinçant, de sa fontaine et ses cyprès immobiles. Comme de coutume, un état civil limité précise le séjour de défunts dont on méconnait heureusement la proximité décharnée ; près de là, l’eau a troué par deux fois la montagne, le vin épais parcourt les gorges.

    Je rame désormais sur le Styx, ni bien vivant ni bien mort. J’envie le rat d’égoût se délectant des miasmes. Que n’ai-je sa soif de haine, son altière souffrance ?

    Un jour, par-delà ponts et rives.

    Inédit écrit pour la revue Saraswati, numéro à paraître en 2017

     

    Bibliographie relativement exhaustive

     

    Articles de ménage et de bazar, Polder, 2001

    Certitude première, Les solicendristes, 2001

    BestiAire, Les Solicendristes, 2002

    L’Arpenteur, Les Solicendristes, 2002

    Sédimentaires suivi d’Originaires, Encres vives, 2003

    Le bouilleur de cru, Klanba, 2005

    Traverse, Encres vives, 2005

    Le Matamore sous l’étoile, Les Solicendristes, 2008

    Les fastes du monde foutant ou le Libertinage de Nerciat romancier, thèse de doctorat, 2009

    Dans le ventre bleui de soufre, après le vent furieux, advint le jour, Encres vives, 2011

    Fragmentaires, Editions de l’Atlantique, 2012

    Petits poèmes, diversement appréciables mais néanmoins écrits avec grande attention..., Editions Cardère, 2014 (livre et CD)

    La figure et l'élan, Editions Alcyone, 2016

    Tout le Toutime !, Editions La Porte, 2017

     

    Et des publications en revues et anthologies poétiques…

     

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    Expositions photographiques 

    28, via della Madonna, Pistoia, dans le cadre du festival Trace de poète  2015

    Quinze vues/quinze voix, dans le cadre du festival Trace de poète   2016 (avec le concours de quinze poètes du Scriptorium ayant écrit sur des photographies d’Olivier Bastide)

     

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    Blog personnel : http://www.depositions.fr/

    Courriel : olivier-bastide@orange.fr

     

     

  • Échos de Bastide

     

    On bricole dans l’incurable.

     (Cioran)

     

     

    Par mon Chemin

    Le troupeau sonne les dispersions ; s’engouffre l’horizon. Rester plus que d’autres au soleil serait si hasardeux. Pourtant l’établi se précise en pierre durable ; la poussière prend nom ; l’herbe choisit racine. Le vent serait-il neuf qu’il surprendrait ta peau sous l’amandier. Au lendemain, l’oubli tire l’épingle de toute inconvenance, et s’effiloche le printemps.

     

    *

    L'enfant m'a pris la main et je l'ai gardé contre le malheur.

    (Max Jacob) 

       

     

     

    Etre son devancier

     

    Connaître la notable distance entre l’air et son dû ? Saisir l’envol ?

    Injonctions à ne pas négliger.

    L’arbre assombrit la lune pour paraître défunt. Un souffle contre l’âme.

    Toujours la route à faire, peau contre peau. A l’opposé du gouffre.

     

     

     * 

     

    J’ai embrassé l’aube d’été.

    (Arthur Rimbaud)

     

    Je Questionnerais volontiers vos bonheurs

     

    Avant l’outrance, le repli du matin. Certains souffrent d’éclats sous les paupières. L’incendie ronge sans brusquerie leur sang puis les tue. Nous publions ces pertes régulières. La liesse populaire danse à pleins flonflons. J’adresse chaque jour ma vindicte au soleil.

      

     

      Au bout du petit matin, la mâle soif et l'entêté désir.
    (Aimé Césaire) 
     

    Par notre Commune exigence

     

     

    Sous d’autres arbres, d’autres sangs écartent l’homme de la mort. A la jonction des meurtrissures s’apprivoise l’éternité. Il faut saisir la lettre par le pied puis confluer vers l’issue. L’incertitude est gage de poème. Derrière le mur bâti au cordeau, elle ourle l’avoine de folie.

     

     

     

     

    Olivier Bastide

    Extraits de En trente-trois échos

    (in Le bouilleur de cru, Klanba éditions, 2006)

     

     

     

    *

     

     

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    *

      

    Bélier

     

    Avec ton front têtu et ta coiffure alambiquée, tu bousculeras les rombières. Tu jouiras d’opportuns plaisirs au jour noir. Nul octroi ne sourdra du hasard. Pars au soleil musqué quérir l’herbe grossière ; façonne un linceul clair qui se porte au printemps. A cette condition, mon ami, tu t’assiéras avant dimanche devant pastis et guéridon.

     

     

    Extrait d' Horoscope ou le Zodiaque insolite (Olivier Bastide,  in Le bouilleur de cru, op. cit) 

  • René Char : son pays est mon pays

     

    QU'IL VIVE !

                                                                    

    Ce pays n'est qu'un voeu de l'esprit,

    un contre sépulcre.

    Dans mon pays, les tendres preuves du printemps

     et les oiseaux mal habillés sont préférés

    aux buts lointains.

    La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie.

    Le verre de fenêtre est négligé.

    Qu'importe à l'attentif.

    Dans mon pays,

    on ne questionne pas un homme ému.

    Il n'y a pas d'ombre maligne

    sur la barque chavirée.

    Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.

    […]

    Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles

    sur les arbres de mon pays.

    Les branches sont libres de n'avoir pas de fruits.

    On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.

    Dans mon pays, on remercie.

     

    René Char,

    dans La Sieste blanche in Les Matinaux,

    Gallimard, 1950

     

     

     « Ce pays n’est qu’un vœu de l’esprit, un contre sépulcre » nous dit Char, et pourtant, j’ai le sentiment tangible de sa réalité, de sa vie par-delà la naissance et la mort. Les oiseaux, l’aurore, la bougie, le verre de fenêtre ; la liberté des arbres et le remerciement, touchent concrètement la terre et l’idée. Ce pays n’est qu’un vœu, mais il est en amont de toute vérité.

    Cela, René Char le sait : « Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému. […] Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays. […] On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté. […] Dans mon pays, on remercie. ». Je retrouve dans ces mots simples l’épure râpeuse des phrases courtes et nettes de mon grand-père vigneron, l’idée d’une éthique accrochée à la terre, parce-qu’elle est sous nos pieds et nous fait tenir droit.

    Si le pays de René Char est un pays mental, il n’est pas éthéré ; sa poésie est foncièrement étrangère à toute évanescence. Sa vérité s’ancre dans la terre de Vaucluse et la chair des hommes qu’il côtoie. Char est un paysan qui charrue le pays avec ses mots, un paysan pour lequel la terre nourrit la poésie. L’éditeur José Corti disait de lui : « Char ne croit probablement pas beaucoup à l'inspiration ; mais, au hasard d'une rencontre, à l'aimantation des êtres et des choses. Il sait que le poète est un médium qui perçoit, sait le lieu et la prise. Quand il laboure, il pèse sur la terre ; il va toujours plus loin ; il revient sur le sillon autant de fois qu'il faut. Un manuscrit de Char est toujours la recherche de la dernière perfection. ». Sa poésie est attentive à la nature et soutient l’homme, « […] hiver de 1943,  hiver de la nature confidente et de l’homme pourchassé. », en est un témoignage dans sa pleine dureté.

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    Les dentelles de Montmirail (cliché O. Bastide)

     

    Le pays de René Char est un pays parcouru, arpenté ; Char est un géomètre de la base et du sommet. Son regard prend l’espace et foudroie : « Dans la plaie chimérique de Vaucluse je vous ai regardé souffrir. Là, bien qu’abaissé, vous étiez une eau verte, et encore une route. Vous traversiez la mort en son désordre. Fleur vallonnée d’un secret continu. ». Il va, le plus souvent, en son cœur, entre Dentelles de Montmirail, Ventoux et Luberon. Là est son pays, au pied du « mont Ventoux, miroir des aigles » ; là, où « L’aphyllante lunatique », « l’aubépine […] verte et blanche », poussent  près de « routes qui ne promettent pas le pays de leur destination », près d’un « sentier qui ne mène qu’au cœur ensanglanté de soi, source et sépulcre du poème », qu’il soit Le Thor, Venasque, Thouzon, Sivergues, lieux mythiques, et non exhaustifs, de l’attachement. Il parle « aux riverains de la Sorgue », car ils sont ses voisins, car ils sont aussi « l’homme granité  […] de Lascaux » et  « l’homme de l’espace ». S’il fallait lui assigner une adresse précise, il serait l’homme des Névons, l’homme des Busclats, l’homme qui reconnaît l’alouette et la bergeronnette, désigne le vipereau. 

     

    Partage eaux Sorgue.jpgQuand « Le pays natal est un allié diminué » signe le lien viscéral du poète avec les terres qui l’ont vu grandir, cela signifie encore son absence de nostalgie véritable d’un passé révolu ; il lui importe plus de porter « les chants matinaux de la rébellion ». Parfois, pourtant, s’exprime la tentation des regrets : « dans le sentier aux herbes engourdies, la chimère d’un âge perdu souriait à nos jeunes larmes ». Mais la « chimère » laisse place à la « vie future » de « ton visage quand tu dors ».

    René Char, homme à la gueule terrible des révoltes humaines, parle, avant tout, de l’homme à l’homme. Son pays est assentiment, parce qu’il est résurgence ; il est bras et verbe tendus vers le ciel adossé à la falaise de Vaucluse sans volonté d’échappatoire :

     

    « Un oiseau chante sur un fil

    Cette vie simple, à fleur de terre.

    Notre enfer s’en réjouit.

     

    Puis le vent commence à souffrir

    Et les étoiles s’en avisent.

     

    Ô folles, de parcourir

    Tant de fatalité profonde ! ».

     

    Son pays est le mien, si je suis à l’écoute des pierres, si je le sais part de ma chair, presque mon être. Son pays est le mien quand je suis attentif au souffle d’un ruisseau, quand le gouffre sous mes pas ouvre le cosmos. Son pays est le mien par l’écriture du drame nourri des lieux et des feux qui l’habitent :

    « Quand s’ébranla le barrage de l’homme, aspiré par la faille géante de l’abandon du divin, des mots dans le lointain, des mots qui ne voulaient pas se perdre, tentèrent de résister à l’exorbitante poussée. Là se décida la dynastie de leur sens. ».

    Là naquit le poème, dans le soupçon incontesté de sa parenté avec les dieux, l’inatteignable et l’espéré…

     

    Olivier Bastide

    (Malaucène, Carnets du Ventoux n°57, octobre 2007)

     

     

    Rare le chant...

     

    Rare le chant du bouvreuil triste,

    L'hiver admiré du Ventoux ;

    L'an nouveau décuple les risques ;

    (...)

    L'écervelée source séduite.

    Le soleil divisé devient ce soir gravide.

     

     

    René Char, in Éloge d'une soupçonnée

                                      (Gallimard, 1988)

     

     

     

     

     

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             29.III.2008