
Ce 6 juillet, la chance était de notre côté. Marc Ross et Dominique Sorrente en lecteurs de poèmes, Sébastien Izzo à la ponctuation musicale...et des salves de mots lancées à l'air du large. Un si bel instant à bord!
Lina, 17 ans et graine de poétesse, a vécu cette escapade maritime et nous a fait le plaisir d'un compte-rendu reproduit ici.
Merci à elle, à la société des amis du Mucem bien représentée, ainsi qu'à l'équipe infatigable de Cobiac ( Marie-Hélène, Sébastien, Françoise...), aux marins de l'Hélios et à la société Icard Maritime de nous avoir ainsi fait confiance.

ÉVOCATION PAR UNE PASSAGÈRE
Samedi 6 juillet : rendez-vous au Vieux-Port de Marseille pour une traversée maritime à la fois littéraire et contemplative. Embarquement joyeux, chacun choisit sa place à l'intérieur ou sur le pont... Et bientôt, l'Hélios prend le large. Clameurs de la Pride sur le port.
Marie-Hélène Bastianelli de l’association Cobiac, nous met à l'aise et présente les intervenants, Marc Ross et Dominique Sorrente. Sébastien sera le DJ officiel, nous transportant dans un univers musical agréable, propice à la détente.
Marc et Dominique lisent des extraits de leurs recueils, entremêlés des œuvres d'Albert Londres, des poètes Jean-Claude Izzo, Nathanaëlle Quoirez, poétesse contemporaine marseillaise à l'écriture prosaïque ou encore Hélène Dorion, originaire du Québec, seule poétesse vivante dont les textes sont étudiés pour le bac de Français.
Leurs paroles prennent une résonance particulière, amplifiées par les vaguelettes clapotant contre la coque du navire hybride. Le vent nous berce. Se succèdent les lieux chers aux Marseillais, Notre-Dame de la Garde, la Corniche, l'escale Borély, la Pointe Rouge. Deux ferries de la Corsica se croisent.
Au fil de notre progression vers l'île Maïre au large de Callelongue, le paysage maritime se dévoile dans toute sa splendeur. Les nuances changeantes de la mer, bleus, verts aux reflets turquoise, forment une toile de fond mouvante pour les mots des poètes.
Retour toujours en poésie entre les îles du Frioul, et déjà le Fort Saint-Jean nous regarde. Ainsi se termine une parenthèse poétique et musicale où le temps semblait suspendre son vol. On avait oublié que demain la France jouerait son destin dans les urnes.
Lina


MES FILS
sur une île du Frioul
devant Marseille
Dans la gueule du bunker, mes fils
ramassent des histoires de guerres.
Un peu plus loin, ils comparent leurs cris
à ceux des goélands.
Une fois, deux fois, dix fois, ils m’appellent
Papa
pour m’expliquer le monde.
Et parfois ils m’interrogent
sur les restes d’obus rouillés,
la queue noire des mâles,
les doigts de sorcières sur le bas-côté
du chemin.
Mes fils, leurs rêves
ont moins de dix ans d’âge
quand ils préparent une mutinerie ; mais
comment savent-ils
que la seule réponse, ce sont
leurs pas qui crissent dans les miens
sous la roche blanche ?
Quelle grâce
logée dans cette journée de sémaphore
les conduit jusqu’à la dernière
batterie de l’île
où eux, moi et la mer, ne faisons qu’un ?
( Dominique Sorrente, extrait de LA TERRE ACCOISÉE, Cheyne éditeur, 1998)
