16 décembre 2020
COLINE MARESCAUX
FACE A LA PAROI POÉTIQUE
Ma relation à la poésie, je la crois animée par trois énergies qui se complètent et s’irriguent entre elles : un appel de l’Enfance, le vertige d’un dialogue avec l’Inconnu, une langue et un corps où le verbe Aimer cherche sa conjugaison.
Il y a tout d’abord, ce désir de retour aux origines, à l’enfant en moi qui se souvient de la liberté d’appréhender le monde avec ouverture, curiosité, amusement, innocence.
Renouer avec cette connexion au sensible, à l’imperceptible, dialoguer avec la parole des animaux, le langage du vent, la magie des étoiles et des astres, la malice des pierres, et l’Autre, avec sa bouche et ses yeux en miroir. Il y a dans le caractère précieux de l’enfance une ouverture aux sens, et une capacité à se relier à tout ce qui existe, le visible comme l’invisible.
Ce lien créé par l’enfant le traverse. Il est vécu par lui comme réel, il fait sens au dedans et résonne intimement, intensément.
Ma recherche, mon désir d'être en lien qui me parvient de l’enfance, m’a ouvert a une relation singulière et intime dont s’ empare mon expérience de la poésie.
S’ouvre alors le dialogue avec l’Inconnu. Celui-ci semble d’abord insaisissable, le nommer offre son lot d’impossibilités. C’est une traversée aveugle, comme les racines d’un arbre qui creuse, ramène et cherche de quoi fournir du travail à la lumière.
Face à l’innommable, l'inconnaissable, l'énigmatique profondeur du réel. On y va à tâtons, avec lenteur et obstination. Les découvertes s’offrent alors comme des flashs, des intuitions, des directions que nous arpentons sans en connaître ni la destination ni les rencontres.
À chaque instant, ce dialogue avec l’inconnu suggère une expérience toujours renouvelée. A chaque mot, à chaque sensation, à chaque image, il y a la possibilité d’une rencontre éphémère, intense et fugace.
Un autre territoire apparaît alors celui du lien primitif qu’on peut appeler le désir d’aimer vivre. Et même dans le noir, aimer à s’y perdre. Aimer avec ce qui accueille tout en dépit des fracas et des pertes.
La poésie serait - elle le désir de vouloir faire l’amour avec la vie ? (Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir, écrit René Char)
Être en poésie selon moi c’est être amoureuse de cette sensation désarmante que la vie ne nous appartient pas mais qu’elle nous propose une alchimie à découvrir.
C’est être le coeur d’un trou noir, qui cherche sans cesse une paroi de caresses au bord d’un néant …
Ma relation à la poésie est un peu tout cela, une énergie qui demande à circuler entre les traces de l’enfance, l’appel du tout autre, et le vertige de vivre au-delà des effrois.
***
Wambrechies, avenue de la gare.
Partir et aller vers
Il y a toujours un toujours.
Être à nouveau braise et charbon bleu
Vent qui titube
Vieux coeur qui se réveille l’enfant me frôle tel un fantôme dans mes yeux
qui parlent avec trop de cris et de silence.
Bonbons, bonbons
Silence des pissenlits au bord de la balançoire, du train qui me susurrent tous les départs possibles.
Du café au coin et ses jeux à gratter et ses
bonbons, ses bonbons
du garçon, copain qui accompagne
nos solitudes et nos bonbons.
Sans s’aimer se partager en aimant se partager.
L’enfant se balance, s’en balance avenue de la gare.
Il pleure sans le savoir
et le vélo dans les champs de maïs
cabossés de ses colères
et le vélo le soulage.
Il pleure sans le savoir avenue de la gare et cherche les jeux qui le reposent. Bonbons bonbons
L’ enfant me frôle tel un fantôme
Son silence m’offre des regards flous des gens bruyants flous
des points d’interrogations flous
et des étoiles des étoiles qui relient ses pieds d’ailes.
L’enfant et ses silences
ses cris en triturant le gravier
et ses bonbons
ses bonbons
L’enfant me frôle tel un fantôme.
Respirer
Je crevasse sous le poids
des mesures indécises qui creusent des creux.
L’air ne trouve plus sa nuance
L’air s’écroule
au fond de la grotte des amours ratés
L’air cherche le bord du précipice
pour retrouver son appétit d'infini
et son amour sans attache.
***
Coline Marescaux , chercheuse poétique
Poétesse du quotidien, comédienne et metteuse en scène.
Les séismes du cœur en salle d'accouchement
Les séismes du cœur
Pour faire place à la vie nouvelle
Fragile et incertaine.
Coline Marescaux est née en 1988 à Tourcoing dans le Nord de la France.
Après des études d’ Arts du spectacle à Arras et au Conservatoire d' Art dramatique d’ Arras et de Roubaix, Coline Marescaux suit une formation théâtrale et pluridisciplinaire en Biélorussie en 2010.
Elle continue par la suite à se former avec la Méthode Chekhov à Bruxelles, ainsi qu’en technique vocale et chant avec notamment Emmanuel Pesnot. Elle poursuit sa formation avec la Méthode d’ Alexandre del Perugia.
Tout en poursuivant sa formation, Coline Marescaux commence sa vie professionnelle en 2012 en tant que comédienne. Elle intègre la compagnie du Théâtre de l’ordinaire, ainsi que la compagnie Protéo. Elle y découvre le jeu masqué ainsi que le jeu bouffon.
Elle participe à de nombreuses créations comme par exemple : Carmen- Carmen, une mise en scène de Louise Wailly (2013, Théâtre Massenet, à Lille), On the way to the front, Good reputation endures for ever (Création franco- hongkongaise, tournée en Chine et en France sur 5 mois, en 2015), Les fusils de la mère Carrar de Brecht (Festival d’ Avignon en 2016) avec une mise en scène de Maxime Séchaud.
En octobre 2015, Coline Marescaux prend un tournant décisif et radical dans son parcours artistique avec la poésie au cœur de son expérience.
Elle co-crée avec Céline Hilbich et Olivier Nikolcic la Compagnie Stelistô De Tempo et signe en 2016 sa première co-mise en scène avec Céline Hilbich, Sans Frontières fixes de Jean-Pierre Siméon. Le spectacle est labellisé par le Printemps des poètes, et soutenu par l’auteur lui-même. Il est donné notamment à l’Institut Français d’ Alger et à la Basilique de Saint Denis (en 2016)
Suite à ce spectacle, Coline entame une recherche poétique active. Elle décide alors de s’ouvrir à de nouveaux horizons et de prendre le large en déménageant à Marseille.
En 2018, elle fait la rencontre de l'auteur et journaliste Mustapha Benfodil (Alger) et lui propose l’écriture de sa nouvelle création : Tout est là. Cette collaboration aboutit à de nombreuses recherches autour de la transmission de la poésie, ainsi que de nombreuses sorties de résidences publiques (notamment à la Maison de la Poésie d’Avignon en 2019).
Parallèlement en 2018 et 2019, elle trouve un terrain d'expérimentation pour ses premières recherches poétiques en créant avec l’association Stelistô de tempo, le Festival de poésie Ici ou là à Lille. C'est l'occasion pour Coline de créer plusieurs formes poétiques dans l'espace public : Réveil des sens (Immersion poétique pour un spectateur), Révoltons! (Happening poétique pour cinq comédien.n. e.s), Destination inconnue (Déambulation poétique et active pour six spectateurs).
Depuis, Coline Marescaux anime également, pour tous les âges, et en tous lieux, des ateliers d'écriture et d’oralité.
Coline Marescaux se définit comme une chercheuse poétique, elle explore et crée des formes poétiques singulières, sensibles et accessibles selon l’espace et les publics où elle s’intègre.
Sa recherche poétique actuelle est centrée sur la question d’un Corps poétique. Elle s'oriente vers les espaces dans lesquels les poèmes peuvent résonner sensiblement, réveiller des sensations et trouver ainsi une densité particulière. Ce qui est mis en jeu ici est la quête d'une relation pleine et entière entre le Corps-Poème et le spectateur...
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10 avril 2018
OLIVIER BASTIDE
Il s’agit ici de donner un texte qui me présente comme poète, présente ma poésie ; c’est la règle du jeu que j’ai acceptée. Pourtant, voilà bien un exercice qui me convient peu, parler de moi, parler de moi poète… Ecrire de la poésie, en lire, lire les autres, se lire, être donc un poète défini par l’acte du poème, là oui, à l’évidence oui ! Mais se dire…
Je serai donc bref :
Je lis des poèmes, silencieusement ou dans ma chambre d’abord, à pleine voix et en public ensuite, depuis ma rencontre avec les Solicendristes après l’an 2000 (Cf. Henri Tramoy) ; j’en écris, simples éructations puis avec plus de sérieux, selon le même tempo. C’est dire l’importance de la revue Soleils et cendre qui, en accueillant mes premiers poèmes dans une publication, m’a rendu poète quand je n’étais jusque-là, plus ou moins, qu’un loustic-poète fort discret, timide, secret, reclus dans mon for intérieur.
Avant tout, pour moi, la poésie est une parole ; elle est mon chant intime entre crudité du propos, dévoilement, exhibition, et passage par l’à-côté.
Je photographie également, un regard qui utilise un autre média, mais participe d’une même posture que la poésie.
Je confirme être bref, quelques poèmes puis une bibliographie…
Quelques textes :
Faveur du feu
Celui qui prit vent aux soubresauts des lunes
Raconte l’an et son chevet
J’en suis l’intime frère
Pauvre de soleil
Décharné jusqu’à l’œil souffreteux
Sans la rigueur des sucs brunis
Par l’os
Je ronge l’herbe douce à l’agneau
Je suis loup costumé
Extrait de Chansons à la lanterne/Inédit
Contre le rêve, je fais choix du réel. J’absous mon illusoire pantomime dans le bourbier conjoint. Ainsi, je n’attends de mes rires ou de mes pleurs que notre vérité. A cette condition, je vis.
Fragment inédit
Incidemment
(écrit pour Poèmes d'un angle à l'autre, lecture publique du Scriptorium en marge de l'exposition Le Corbusier, J1, Marseille, le 21 décembre 2013)
Bataille à Hastings
Mon poème prend pour support l'angle des choses, le biais des incidences, l'abord des anarchies. Il suffit d'un regard ému sur un visage, l'oreille surprise par ton souffle, une clarinette remerciant Satan. Il suffit du grand éclat de rire, éclat de vent, éclair solide et enchanteur.
Si nous sommes vaste boucan, c'est par souci de ne pas mourir. C'est par souci de ne pas mourir que je vous parle, que j'écoute les flots, le bastingage, que j'engage bataille à Hastings.
En Bref
Là-bas, il y a toi. Toi que je ne suis pas, qui penses peut-être qu'ici il y a moi. C'est une question sans douleur aucune ; se la poser précise une certaine conscience des choses, une lucidité bienvenue mais non indispensable.
Parfois, je choisis le repos. Je reste pelotonné dans l'angle obtus et j'y suis bien. Ça ne dure pas ; je pourrais mourir.
Ouvrage déposé dans l'angle
Il semble que l'angle symbolise très précisément notre situation ; Je m'explique. En premier lieu, il se considère dans deux sens, celui de son ouverture ou de sa fermeture. En second lieu, il est le point précis de la rencontre et l'indice de la divergence des lignes supposées.
A la recherche de la base et du sommet, le poète avait déjà dit le caractère crucial de la géométrie. J'en suis le simple disciple, un ouvrier des mots et du constat.
Précision
Depuis le lever, s'entrevoit, se distingue, s'interpelle tout depuis nous, nous défini comme tout un chacun disposé aléatoirement de place en place et doué de mouvement. C'est dire la presque impensable diversité de pensée, diversité d'être, dépendant pour une bonne part de notre siège, siège imposant un point de vue, point de vue décidant de l'Angle.
Ainsi disent mes mots
Quand nos pieds échouent à nous porter de l’autre côté, quand l’intervalle s'affirme presque gouffre, quand la vague ou le vent sont deux houles par lesquelles le destin meurtrier joue de nous à l’envi, nous ballotent poupées et chiffons déchirés, nous devons fuir par la barque ou le pont, par-delà l'océan ou la vallée tragique. Nous devons fuir, franchir l'écume trouble des tempêtes le vertige des jours. Nous devons inculper les sirènes et leurs chiens, décapiter gibets et juges. Peut-être alors sommes-nous aptes au commerce des œillets, à l’écriture des rêves.
Disant cela je me souviens du mulet mort coulé dans la première pile du pont, pont initialement construit pour le projet mort-né d’une ligne ferroviaire Barcelone-Paris… Pont butant sur le village, quasiment à la verticale de l'église sanctifiant l’ironie assortie à toute chose par la formidable contraction de la naissance et de la mort.
Je me souviens tout en bas du cimetière, de son portail grinçant, de sa fontaine et ses cyprès immobiles. Comme de coutume, un état civil limité précise le séjour de défunts dont on méconnait heureusement la proximité décharnée ; près de là, l’eau a troué par deux fois la montagne, le vin épais parcourt les gorges.
Je rame désormais sur le Styx, ni bien vivant ni bien mort. J’envie le rat d’égoût se délectant des miasmes. Que n’ai-je sa soif de haine, son altière souffrance ?
Un jour, par-delà ponts et rives.
Inédit écrit pour la revue Saraswati, numéro à paraître en 2017
Bibliographie relativement exhaustive
Articles de ménage et de bazar, Polder, 2001
Certitude première, Les solicendristes, 2001
BestiAire, Les Solicendristes, 2002
L’Arpenteur, Les Solicendristes, 2002
Sédimentaires suivi d’Originaires, Encres vives, 2003
Le bouilleur de cru, Klanba, 2005
Traverse, Encres vives, 2005
Le Matamore sous l’étoile, Les Solicendristes, 2008
Les fastes du monde foutant ou le Libertinage de Nerciat romancier, thèse de doctorat, 2009
Dans le ventre bleui de soufre, après le vent furieux, advint le jour, Encres vives, 2011
Fragmentaires, Editions de l’Atlantique, 2012
Petits poèmes, diversement appréciables mais néanmoins écrits avec grande attention..., Editions Cardère, 2014 (livre et CD)
La figure et l'élan, Editions Alcyone, 2016
Tout le Toutime !, Editions La Porte, 2017
Et des publications en revues et anthologies poétiques…
Expositions photographiques
28, via della Madonna, Pistoia, dans le cadre du festival Trace de poète 2015
Quinze vues/quinze voix, dans le cadre du festival Trace de poète 2016 (avec le concours de quinze poètes du Scriptorium ayant écrit sur des photographies d’Olivier Bastide)
Blog personnel : http://www.depositions.fr/
Courriel : olivier-bastide@orange.fr
11:39 Publié dans Scriptothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : olivier bastide, poésie, scriptorium
20 février 2018
DOMINIQUE SORRENTE
BIO DÉGRADABLE
Naissance : Milieu de nulle part, au milieu du dernier siècle
Décès : mention à compléter à convenance mais sans précipitation intempestive
Enfance figue et marron, olympienne et sablonneuse, vent d’ouest et mistral gagnant, bon élève en général mais renvoyé un jour de l’École pour cause de poésie ; ne s’en est jamais vraiment remis.
Adolescence : tout à signaler
Âge adulte : à partir de 1978 ( parution de Citadelles et Mers-édition de la revue Sud), commence la poursuite à épisodes des poèmes de la maturité qui ne cesseront depuis d’être déplacés au lendemain.
Une étagère de carnets gribouillés, des publications en veux-tu en voilà, une vingtaine de livres, et le flot en continu d’un journal de bord: la quête est loin d’être épuisée tandis que le public semble l’être parfois.
Trois formes d’expression se dessinent et se répondent au cours des années : la poésie en sentinelle des instants, la micro-fiction pour la part d’insolite, la chanson et ses cordes sensibles.
Depuis un peu plus de vingt ans, Dominique Sorrente anime un objet poétique non identifié, le groupe du Scriptorium, qui tient une bonne place dans l’univers des introuvables.
La cause de ce poète étant désespérée, elle finira bien par cesser d’être grave…
Pour en savoir plus, on peut se référer à la page wikipedia à son nom.
ACTUALITÉ
2021 Création du poème Doux émois pour douze mois, poème pour 2021 ( musique Jean-François Delfour )
Action Printemps des Poètes en mars "12 désirs font une année avec Dominique Sorrente"
Membre du jury du concours de poésie de la CCFI de Flandres
à paraître Marseille, terrain vague, dans la revue EUROPE
2020 Publication en livre de À la digue du Large , accompagné de pastels de Gilles Bourgeade, éditions Tipaza
Publication de Passagers de la Tourmente, soudain immobilisés, dans la revue des ARCHERS n°36-37
Publication de Passage sans témoin et autres poèmes, revue PHOENIX, n°33
Publication de Une fin du monde en passant, revue VOIX D'ENCRE n°63
Publication de Pour cette fois et autres poèmes, revue ALSACIENNE de LITTÉRATURE, n°133
Publication de Le couloir aux ancêtres (extraits), revue Le JOURNAL DES POÈTES, N°2 - 89 ème année, Belgique
Publication de Retour au calme, LA GRAPPE n°100
à noter:
étude de Olivier BOURA, Dominique Sorrente, Écrire la vie constellée, revue PHOENIX, n°33
Participation (juillet 2020) au festival numérique Découvrir de Concèze
chansons et poèmes de confinement à retrouver sur la Chaîne Youtube: https://www.youtube.com/user/dominiquesorrente
QUELQUES TEXTES
La poésie est un sport de glisse
À l’instar du saut en largeur, qu’elle a pu parfois saluer comme une discipline sœur, car inconnue au bataillon, la poésie n’a pas toujours été reconnue comme un sport à part entière.
Peut-être à cause de la pratique du jeu de jambes dans la création au lit, souvent invisible pour les spectateurs ordinaires, ou encore pour la raison que son terrain de jeu n’a jamais pu être contenu dans un espace maîtrisé comme un échiquier ou un stade de football ou même un rink de curling.
Il s’avère que la poésie, tout au long de son histoire, a su emprunter à de nombreuses activités sportives plus ou moins reconnues ou même avouables. Du jeu d’échecs, elle a appris la façon de déjouer la diagonale du fou ou donner à la reine la meilleure part infatigable. Au curling qu’elle a souvent fréquenté, elle a engrangé l’art mystérieux de la glissade puis du balayage sur la glace qui accompagne la pierre pour l’échauffer, mais avec l’interdiction absolue de la toucher. Juste un geste d’effleurement sans contact! Avec la sioule la poésie s’est trouvé des ressemblances inattendues :gestes intempestifs, acharnements verbaux, ferveur réclamant désordre, pour arriver au résultat, somme toute modeste, de mettre la balle dans l’en-but adverse, quitte à se déchirer les ischio - jambiers ou la chemise. Tant de brouillons pour décrocher l’inutile…
Mais c’est sans doute dans l’univers des sports de glisse que la poésie s’est le plus montrée à son aise, capable de performances que les commentateurs ne parviennent toujours pas à nommer.
Le fait de tirer parti d’un sol instable pour changer son mode de locomotion, le plaisir d’opérer des dérapages vaguement maîtrisés, l’art des zigzags et des sauts dans l’inconnu, la science des queues de poisson et des slaloms entre les mots, sans compter l’invention renouvelée de cabrioles dans le langage, tout cela fait de la poésie une catégorie à part dans les sports de glisse.
Si néanmoins, aujourd’hui encore, la poésie ne participe pas aux compétitions de sport de glisse répertoriées, c’est pour plusieurs raisons : la première est que les poètes restent réfractaires aux contrôles anti-dopage impromptus, la poésie réclamant sa part irréductible de préparatifs secrets ; une autre raison est que leur pratique est l’une des rares avec le saut d’obstacle ou le dressage en équitation à accueillir dans un même élan l’ensemble des sexes (masculin, féminin, neutre, hermaphrodite, ange, ne sait pas), les poètes refusent ainsi, on comprend leur prudence, de se laisser enfermer dans des catégories suspectes ou surannées.
Mais l’essentiel est, comme souvent, ailleurs. La vérité est que les poètes ne sont pas gens mesquins à se contenter d’une seule discipline et que, de plus, ce mot leur fait froid dans le dos et sous les pieds. Oui, la poésie est bien un sport de glisse, toutes les odes au col du fémur pourront en témoigner, mais elle peut aussi, au gré des humeurs, devenir sport de raquette (il faut garder en tête les smashs de haïkus au filet, les revers liftés dans le sonnet shakespearien) ; elle sait également trouver son épanouissement dans les pratiques d’endurance (on n’oubliera pas ici la récitation ininterrompue du Kalevala lors des hivers finnois jouant les prolongations). Personne enfin ne passera sous silence l’art consommé de la poésie quand elle se fait sport de cible. Honneur à l’usage de flèches assassines ou magistrales qu’un seul vers, bien exécuté, peut asséner.
Alors, me direz-vous, la poésie non encore reconnue dans les sports répertoriés, n’est ce pas un mal pour un bien ?
La sagesse populaire a déjà répondu : c’est reculer pour mieux sauter.
Publié dans le revue BACCHANALES, n°57, octobre 2017
***
Et ping et pong
(performance en un seul set)
Mots lancés, mots rebonds,
et ping
et pong,
pour que le mécanisme marche, il faut une balle
consentante,
une raquette
stimulante,
puis une main et un poignet à peu près souples
pour inventer
un geste maîtrisé
et s’y tenir
pour que ça marche
un mouvement
régulier, autant que faire
se peut,
un rythme
continu, qui s’installe peu à peu
comme une cadence obsessionnelle
et au bout de
tout ce temps,
on se dit
qu’on a peut-être
trouvé le secret
du pendule, de la balance, du sémaphore,
du moteur à deux temps,
la pulsation sans origine
et sans fin,
on est entré
dans la séquence
de la boucle invariante,
alors enfin
on se prépare
à changer d’heure
et de statut
et de bruitage
mots lancés,
mots rebonds
et ping
et pong
alors enfin
on peut sortir
du cercle qui n’a de cesse
et sans raison
et ping
et pong
alors enfin
la vie la mort
la mort la vie
d’un seul coup
d’un seul
publié dans la Revue des ARCHERS n°31 – décembre 2017
***
LES IVRES VIVANTS - CHANSON
( paroles et musique de Dominique Sorrente)
O ma passante
Ma compagne d’ailleurs
Dis-moi dis-moi
Quand viendra l’heure
De ton sourire de menthe
O ma lointaine
Qui marches en bord de Loire
Dis-moi dis-moi
Quand nous revoir
Quel jour quelle semaine
Tournent les nuits et les jours
Les saisons, les visages
Côté jardin côté cour,
On est tous de passage
Et l’on attend l’instant,
La caresse d’or
Et le corps à corps
Des ivres vivants
O ma promise
Ma si proche inconnue
Dis-moi dis-moi
Si tu as vu
Mon bout de terre promise
O ma rieuse
Ma complice égarée
Dis-moi dis-moi
Dans quel été
Vit notre histoire heureuse
Dansent les mots et les phrases
Les étoiles et les pierres
Les adieux font table rase
Mais le cœur est trop fier
Et l’on attend l’instant
La caresse d’or
Et le corps à corps
Des ivres vivants
page créée en février 2018 et actualisée
photo Audrey Gambassi
19:43 Publié dans Scriptothèque | Lien permanent | Commentaires (0)