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Le Scriptorium - Page 116

  • La poésie s'écrit aussi sur le sable

     

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    Pour lire le texte de l'HOMMAGE AU POèTE INCONNU, cliquer ICI.

     

     

    Ce 14 février, de 17 heures à 22 heures (et plus, car affinités), s’est déroulée, à l’occasion de la Saint-Valentin, une cérémonie atypique sur et autour de la plage des Catalans à Marseille. Un temps particulier, une fondation poétique, l’autre versant de l’âme résistante, quand les mots  trouvent leur plaisir à respirer à l’air libre.  En complicité avec le journal Marseille l’Hebdo qui a pris part à cette aventure. En amitié, mais aussi en synchronie avec le festival de Trois Rivières au Québec, notre glorieux devancier, qui a fêté l’événement au même instant…Des 26 ans de ce Festival québécois aux 2600 ans de la naissance de Marseille, les compteurs ont pu s’en donner à cœur joie.

     

    Et les menaces de la météo n’y ont rien changé. Les mots des poèmes ont ceci de miraculeux qu’ils se faufilent volontiers. Entre ondées intermittentes sur la Provence aux allures celtiques et  forte tempête de neige investissant Trois-Rivières,  tout a trouvé sa place naturellement. Sur la plage revisitée en hiver, se sont succédé tracé de cursives à même le sable, hommage au poète inconnu, célébration des voix de chaque continent se rapprochant peu à peu pour défier la dérive ordinaire,   lâcher de ballons d’écriture au-dessus de la mer. Un moment d’ivresse aux couleurs de parapluies et de sourires, face aux îles du Frioul.

     

    Puis après le ciel ouvert, ce fut le temps du Scriptorium entre les murs. Un deuxième public avait pris place après celui de la plage. à la Maison des Jeux des Catalans. L’heure de la joute du poème amoureux pouvait s’ouvrir avec lecture des textes primés, des coups de cœur insolites, facétieux ou émouvants à partager. Liban, Québec, Catalogne, Maroc, Roumanie, Grèce, Algérie ont alors croisé la Savoie, la Bretagne, la Touraine et …Marseille, dans une rafraîchissante géo-poétique de l’instant. Les grandes voix de Robert Desnos, Eluard, Ronsard, Verlaine, Prévert, Roberto Juarroz,  eurent leur temps, à côté des gourmandises à invention portés par les auteurs présents, toutes générations mêlées ente 7 et 87 ans…Plus tard, le son de l’accordéon  a conduit au pas de danse les plus assidus qui, c’est bien connu, n’avaient pas trouvé de raison suffisante pour que la fête finisse. Andrée Chedid, récemment disparue, dont un poème avait ouvert la cérémonie était de ces  présences traversières qui nous ont accompagnés de leurs poèmes bien vivants.

     

    Ceux qui ont partagé cet intervalle entre éphémères et traces vous saluent. Ils vous donnent rendez-vous le samedi 19 mars pour un Instant Bateau Ivre Spontané.

    À Marseille, près du monument Amado, sur la Corniche, puis à la Salle Tempo Sylvabelle pour d’Infinis paysages à parcourir, notre manière de déjouer l’ennui et les murs de parole. À l’occasion du Printemps des Poètes. Avec œillets du poète et freesias pour compagnons de route. 

     

    Hors les comptages artificiels, vivre ensemble d’une rive à l’autre un moment dans l’intense : c’est là tout notre programme, minuscule et ardent, au sémaphore du Scriptorium. Il se peut que le mot inspiration ait repris des couleurs dans l’espace commun où nous croyons toujours aux rencontres et aux poignées de main. Pour nous, et pour ceux qui nous rejoindront. Comme dit la chanson de Theodorakis qui ne faiblit jamais : Nous sommes deux, nous sommes trois, nous sommes mille et treize,  nous chevauchons le temps… surtout s’il est versatile ! 

     

     

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  • Hommage au poète inconnu (Dominique Sorrente)

     

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    Vous ne pouvez dire mon nom.

    C’est le moins qui puisse être.

     

    Je vis de creux et de surfaces.

    Ce qui s’ajoute à mon bout du monde

    passe par une entaille de pierre.

     

    Inclinez-vous, devant il n’y a rien à voir.

    Parterre, peut-être, un insecte

    qui sait renommer l’univers.

     

    J’ai fini de compter les passants qui ont

    franchi le seuil sans s’arrêter. Les quelques-uns

    sont en mémoire, debout ici,  dans mon silence archéologue.


    Demain, demain… évitez-moi ce trop de précipitation.

    La rafale s’en vient. Le monde brûle.

    Le livre part en lent retour vers son destin de sève.

     

    Mes fleurs à partager, mes carnets de déroutes et de chances reçues,

    mon rythme de piéton céleste, libre de cœur, j’aime

    celle ou celui qui  crie récompense pour que le temps d’amour

    à nouveau se libère.

     

    Je vous ressemble. Je sais bien

    que ma voix est faite d’empreintes et d’oublis, de cercles d’éphémère,

    de sillages d’éternité,

    de justesse et de non mesurable.

     

    C’est pour qui ne me connaît pas que je donne mes adresses

    au vent. J’écris ici et  j’écris là.

     À peine me verra-t-on peut-être à ma rare durée

    dans le brouillage des journées d’instants,

    et déjà disparu ailleurs,  comme vous, je serai reparti.

     

    Un jour, j’ai débarqué sur cette rive, où mes blessures ont

    reçu la pitié douce du lazaret, les pansements pour ma peau d’étranger.

    J’ai aimé devenir un des vôtres,

    lâchant une parole tressée entre les continents,

    d’un bord du monde à l’autre, minuscule et précieuse, démunie

    comme au premier jour de naissance.

     

    Et j’aime  depuis ce jour le baiser anonyme  du vent et de la mer,

    les temps extraordinaires qu’on unit au geste banal,

    les lèvres sacrées qui trouveront des mots à même le sable.

     

    Je suis de ce pays à sculpter l’éphémère.

     

    Je vous ressemble, à chaque regard porté, dans la ferveur

    des mots incendiaires.

     

    Je passe en destin d’écriture. Je me relie à vous, quand même 

    vous ne le savez pas.

    J’ai mon habitation dans le pli de vos cœurs troublés.

     

    Je n’appartiens à aucun siècle, ou à tous, sans doute, pour poursuivre ma tâche

    d’œuvrer  à même vos gestes en parole commune.

     

    Je suis le poète inconnu

    qui sait que ses théories de fusain lui survivront

    et qui vous parle.

     

    Je vis de l’oubli nécessaire et de la mémoire revenante,

    et je vous parle,

     

    bien après que la vague aura disparu,

    je vous parle, mes amis,

    pour ce soir, corps et biens,

    où nos mots se sont perdus, se sont unis,

     

    je vous parle,  habitants d’un amour toujours en chemin,

    dans ce temps du futur antérieur

    où remue entre ciel et terre

    la part heureuse

    qui nous fait signe,


    notre vie constellée.


                                                     Dominique Sorrente

    Plage des Catalans, Marseille, le 14 février 2011

     

     

  • La plage des Catalans à Marseille : un rendez-vous pour les poèmes amoureux du monde

     

     

    LA SAINT-VALENTIN AUTREMENT

     

    entrer des mots clefsCe lundi 14 février aura lieu une double cérémonie en l’honneur des poètes du monde. 

    À 11 heures du matin, à Trois-Rivières, au Québec, devant l’Hôtel de Ville, face au monument au poète inconnu, un hommage sera rendu aux poètes, dans la tradition de ce festival international qui réunit depuis 26 ans des poètes venus du monde entier.

    Au même moment, à 17 heures (heure locale), à Marseille, à l’initiative du Scriptorium, se déroulera pour la première fois une cérémonie inédite, plage de Catalans, intitulé Œillets du poète et mots en amour.

      

    Sur le site où fut établi le premier lazaret d’accueil des étrangers, venus par la mer, Marseille deviendra « sœur du monde entier » selon la belle expression de Saint-Pol -Roux, espace d’hospitalité pour la parole poétique de tous temps et de toute époque.

     

    La rencontre se déroulera en deux temps :

    À 17 heures, se succèderont une fondation d'écriture sur sable, une adresse au poète inconnu, l’expression de voix d’amour issues des cinq continents, et une nacelle de mots envoyés à l’air libre dans un lâcher de ballons. 

    À 18 heures, à la Maison de Jeux des Catalans, le public assistera à la joute du poème amoureux, où seront en lice les poèmes reçus du monde entier pour l’occasion, après une sélection faite par un jury d’experts.  

    Une cérémonie de remise d’œillets du poète et autres cadeaux précèdera le partage d’un apéritif, dit verrerie des rimes enlacées.

     

    À l’occasion de cette rencontre, sera lu un poème d’Andrée Chedid, symbole exemplaire de la poésie francophone et méditerranéenne, qui vient de nous quitter.


     

    Mon semblable
    Mon autre
    Là où tu es
    Je suis.

     

    Andrée Chedid, Rythmes [Gallimard,2009]

     

    À travers cette double cérémonie, ce sont les valeurs portées par la poésie, parole libre, circulant, à travers les générations, et les pays,  qui seront célébrées de façon festive. Avec l’improvisation créatrice comme respiration des instants. 

    Une autre façon de vivre la Saint-Valentin, en amitié et synchronie, d’une rive à l’autre. 

    L’événement a lieu en partenariat avec  le magazine Marseille l’Hebdo.

     

     

    entrer des mots clefs

     

     

     

    Ensemble

    Je chemine vers les fonds de toi
    Où le regard est en repos
    Où l'ombre se replie
    Où les murs se descellent

    Quand j'ai appris
    Que ton geste et ton mot
    N'étaient que tes saisons
    J'ai pris sur moi ce pèlerinage
    Pour te franchir porte à porte
    O toi qui me conteras notre histoire

    Andrée Chedid

    [Textes pour un poème 1949-1970, Gallimard, 2009]

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