12 décembre 2010
Terres en vue, poèmes en novembre.
Cette poudre où l’on plante et qui donne du vent et du grain,
Nourrissant végétaux, maternel élément ;
Étendues et vallées, par les monts, l’océan,
Au soleil, en tournant, éternel est son train.
Gérard BOUDES
Chanson de l’esprit de la terre
Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.
Moi, je suis l’esprit au sein de la terre.
Les pieds de la terre sont mes pieds ;
Les jambes de la terre sont mes jambes.
La force de la terre est ma force ;
Les pensées de la terre sont mes pensées ;
La voix de la terre est ma voix.
La plume de la terre est ma plume ;
Tout ce qui appartient à la terre est à moi ;
Tout ce qui entoure la terre me cerne.
Moi, je suis l’œuvre sacrée de la terre.
Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.
Lecture par Thérèse Basse (Chant tiré d’une légende navajo.)
* * *
Compassion
Hirondelle de mer et mouette
une aile à côté de l'autre
image de compassion
rien ne tombe dans la balance
les collines se dressent tour à tour
dans leur chaleur lointaine je marche
en sortant du cadre du destin
jusqu' à l'aurore à la lueur violacée
derrière laquelle s'étend
le seuil vague de la terre
Leonor Gnos
* * *
Petite terre
au tout début
la terre est une banlieue
elle est marron foncé
découpée en jardinets
parcourue de rues plutôt propres
ponctuée de centres commerciaux
et de zone d’activités
on y a bâti aussi des maisons
et dans les intervalles en friche
poussent des pommiers tristes
des sureaux des troènes
un jour au-dessus de cette terre passe le Concorde
et mon père dit
il est beau cet avion mais il fait beaucoup de bruit
cette terre initiale s’étend ensuite
devient une forêt striée de troncs rectilignes
bourrée de genêts
de Père Noël
de caresses
de marchand de sable
d’amour sans condition
puis la terre
devient la mer
et une plage de 140 kilomètres de long
et les vagues
le surf
la transgression
les filles
la nuit
le Velvet
Alan Vega & Suicide
les baisers
le sexe
tout ça
se mélange sur cette terre
pour en faire
une sorte de lieu
à la fois sacré et répugnant
où je t’enterre
un jour de mai
où je vais autant que possible
retrouver ton fantôme
au détour d’un parfum
de bruyère
puis la terre devient
plus abstraite
elle s’envole
vers l’apprentissage
des textes
des langues
des sciences humaines ou exactes
des systèmes complexes
et de l’histoire
où se cachent
les mythologies
et les monstres
et cette terre devenue aérienne
et sans contours définis
se pose parfois
au Palace
au Rose Bonbon
à la Nouvelle Eve
se peuple d’étranges personnes
qui érigent
des mobiles gracieux
qui jouent des airs dansants avec
des instruments bricolés
qui montent sur une chaise
chantent des chansons de Joe Dassin
m’invitent à des barbecue-parties
ou à des soirées costumées
animent des groupes de parole
m’ initient à l’incertitude
puis à l’abandon
et
ensuite
la terre fait grève à Radio France
regarde Mars du coin de l’œil
épuise son énergie
réduit ses distances
calcule mieux sa position
invente le tgv
et encore ensuite
la terre se couvre
d’une population considérable
et encore
encore ensuite
cette population considérable
regarde le ciel
jaune et chargé de poussières
et espère la venue
d’un crétin spatial
à moitié à poil
et auréolé de lumière
et
encore
encore
encore ensuite
sur la terre
ma mère m’appelle
pour savoir si avec mon amie Princesse Stella
on vient la voir à Noël
et quand je lui dis oui
elle répond
tu ne peux pas savoir comme tu me fais plaisir
Daniel Labedan
La terre est un vivant secret, mon paquetage sous les pieds, la déréliction des canailles, la roublardise du couchant. Elle enveloppe et outrepasse, l’or, le miel et la boue en stupre à la collerette. J’en suis fils, père et étrange présent, astreint aux peurs et vertiges divers.
La terre est mon Etat de droit et d’indignation. J’en transpire le mal que se donnent impies et forçats à espérer. J’aime chaque matin voir le Ventoux. Cela ne suffit pas, mais cela embellit.
La terre est offrande et hasard. J’envie le prêtre et l’agriculteur pour leur compréhension des choses.
La terre est partance commune. Au bastingage déluré, j’apprends à contempler, je décline l’incertitude en mots et dits soudains. Je vis.
Olivier Bastide
* * *
Pour ce jour qui va naître encore (extrait)
"Et aucun pas irréprochable
pour se précipiter
ou tenter de lever encore la chimère des forêts.
Et rien qui ne pressente
l’irrémédiable fatigue des graines muselées.
Respiration
sans issue et sans borne.
Respiration, éboulement,
la rumeur au son rouge qui glisse.
C’est bien ici,
la terre que récitent
les cœurs battants
à la transparence du bleu.
Elle fuit au noir,
elle échappe au regard,
elle est la grande métisse du dedans
qui ouvre au chant vertical."
Dominique Sorrente (inédit)
22:38 Publié dans Les feuillets de poésie | Lien permanent | Commentaires (2)
14 novembre 2009
Déborah Heissler, quelques éclats imperceptibles
On peut croire que la vérité poétique remue souvent d’heureuse façon à vouloir sortir du puits en parure de beau mensonge, comme le suggérait Eluard. Chez Déborah Heissler, on aura raison de penser tout autrement : écrire y est acte de justesse, jeu de nuances et d’harmoniques qui se méfient de l’ingouvernable excès. Ce que le poète détaille relève de la suggestion, des empreintes à laisser à l’esprit, d’un mouvement de lecture pénétrante soulevant un peu de beauté fragile. Il lui importe, me semble-t-il, par-dessus tout, de confier, où elle les a rencontrées, quelques paroles justes, et comme obtenues, qui éclairent le carré du veilleur. « Rien que cela » pourrait bien en être sa maxime… Si donc il y a des héros dans cette durée poétique qu’énonce le poète, ils se trouveront, à la faveur des éléments, moins hommes que lents gestes de la nature observée, accueillie. Et si des légendes se cherchent, elles se dénoueront à la fortune de nuages ou de « plis de l’herbe », de ces éclats imperceptibles qui révèlent par exemple un corps et son absence.
C’est à chaque fois donner un peu plus de jour à la part la plus minime, celle qui, paradoxalement, est la plus susceptible de nous montrer le monde que nous nous employons si obstinément à cacher.
Beau programme alors que d’explorer le verbe japonais akasu, quand la tâche est de susciter ce « quelque chose qui est à la limite de l’informulé, que seuls deux ou trois mots suggèrent et qui pourtant éclate à l’esprit ».
Pour découvrir Déborah Heissler on peut lire Près d’eux, la nuit sous la neige, (Cheyne), qui a reçu le Prix de la Vocation 2005.
Dominique Sorrente

C’est un adieu dans le ciel
ce sont des fleurs, des lam-
beaux de feu, tandis que le
lointain devient plus rose,
plus doré, plus lumineux. Je
rapporte des fruits sauvages.
Maintenant, c’est la douceur
qui reprend, tandis que
l’écho présent est celui des
larmes.
Combien de jours à présent,
sur les branches nues avant
la fleur et le fruit ?
Déborah Heissler
Extrait d’Akasu,
(inédit, à paraître chez Cheyne éditeur, 2010)
16:46 Publié dans Les feuillets de poésie | Lien permanent | Commentaires (1)
20 octobre 2009
D'un printemps à l'automne

© Photo lmapix
Feuille de mars…
Feuille je suis
Feuille je serai
Volée par le vent à la cicatrice de l’arbre
Platane solaire
Figuier en larme
Tilleul habité de tendresse vert pâle
Feuille Feu Folie
Ardeur à vivre jusqu’à l’extrême
Fureur de sève à chaque nervure
Echappée de la racine ancestrale
Feuille Yeuse Yod originel
Tenace et âpre
Tu te plies à la direction soufflée par le vent
Tu inscris ton signe dans l’espace
Feuille Œil Oiseau
Vigilance c’est éveil
Dans la verticalité qui érige un sens nouveau
Joie plumeuse et libre
Feuille je suis
Feuille je serai
Dans l’éclat végétal du mot
Geneviève Bertrand
14:21 Publié dans Les feuillets de poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : geneviève bertrand, poème, printemps