UA-156555446-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les feuillets de poésie - Page 8

  • Terres en vue, poèmes en novembre.

     

    Cette poudre où l’on plante et qui donne du vent et du grain, 

    Nourrissant végétaux, maternel élément ; 

    Étendues et vallées, par les monts, l’océan, 

    Au soleil, en tournant, éternel est son train. 

     

                                                   Gérard BOUDES 

     

     

    épi_blé.jpg

     

     

    Chanson de l’esprit de la terre

     

    Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.

    Moi, je suis l’esprit au sein de la terre.

    Les pieds de la terre sont mes pieds ;

    Les jambes de la terre sont mes jambes.

    La force de la terre est ma force ;

    Les pensées de la terre sont mes pensées ;

    La voix de la terre est ma voix.

    La plume de la terre est ma plume ;

    Tout ce qui appartient à la terre est à moi ;

    Tout ce qui entoure la terre me cerne.

    Moi, je suis l’œuvre sacrée de la terre.

    Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.

     

    Lecture par Thérèse Basse (Chant tiré d’une légende navajo.)

     

     

    * * *

     

     

    Compassion

          

       

                Hirondelle de mer et mouette

                une aile à côté de l'autre

    hirondelle_mer.jpg            image de compassion

     

                rien ne tombe dans la balance

                les collines se dressent tour à tour

     

                dans leur chaleur lointaine je marche

                en sortant du cadre  du destin

     

                jusqu' à l'aurore à la lueur violacée

                derrière laquelle s'étend

                le seuil vague de la terre

     

    Leonor Gnos

     

     

    * * *

     

    Petite terre

     

    au tout début

    la terre est une banlieue

    elle est marron foncé

    découpée en jardinets

    parcourue de rues plutôt propres

    ponctuée de centres commerciaux

    et de zone d’activités

    on y a bâti aussi des maisons

    et dans les intervalles en friche

    poussent des pommiers tristes

    des sureaux des troènes

     

    un jour au-dessus de cette terre passe le Concorde

    et mon père dit

    il est beau cet avion mais il fait beaucoup de bruit

     

    cette terre initiale s’étend ensuite

    devient une forêt striée de troncs rectilignes

    bourrée de genêts

    de Père Noël

    de caresses

    de marchand de sable

    d’amour sans condition

     

    puis la terre

    devient la mer

    et une plage de 140 kilomètres de long

    et les vagues

    le surf

    la transgression

    les filles

    la nuit

    le Velvet

    Alan Vega & Suicide

    les baisers

    le sexe

    tout ça

    se mélange sur cette terre

    pour en faire

    une sorte de lieu

    à la fois sacré et répugnant

    où je t’enterre

    un jour de mai

    où je vais autant que possible

    retrouver ton fantôme

    au détour d’un parfum

    de bruyère

     

    puis la terre devient

    plus abstraite

    elle s’envole

    vers l’apprentissage

    des textes

    des langues

    des sciences humaines ou exactes

    des systèmes complexes

    et de l’histoire

    où se cachent

    les mythologies

    et les monstres

     

    et cette terre devenue aérienne

    et sans contours définis

    se pose parfois

    au Palace

    au Rose Bonbon

    à la Nouvelle Eve

    se peuple d’étranges personnes

    qui érigent

    des mobiles gracieux

    qui jouent des airs dansants avec

    des instruments bricolés

    qui  montent sur une chaise

    chantent des chansons de Joe Dassin

    m’invitent à des barbecue-parties

    ou à des soirées costumées

    animent des groupes de parole

    m’ initient à l’incertitude

    puis à l’abandon

     

    et

    ensuite

    la terre fait grève à Radio France

    regarde Mars du coin de l’œil

    épuise son énergie

    réduit ses distances

    calcule mieux sa position

    invente le tgv

     

    et encore ensuite

    la terre se couvre

    d’une population considérable

     

    et encore

    encore ensuite

    cette population considérable

    regarde le ciel

    jaune et chargé de poussières

    et espère la venue

    d’un crétin spatial

    à moitié à poil

    et auréolé de lumière

     

    et

    encore

    encore

    encore ensuite

    sur la terre

    ma mère m’appelle

    pour savoir si avec mon amie Princesse Stella

    on vient la voir à Noël

    et quand je lui dis oui

    elle répond

    tu ne peux pas savoir comme tu me fais plaisir

     

    Daniel Labedan


    Pente_vigne.jpg

     

     

    La terre est un vivant secret, mon paquetage sous les pieds, la déréliction des canailles, la roublardise du couchant. Elle enveloppe et outrepasse, l’or, le miel et la boue en stupre à la collerette. J’en suis fils, père et étrange présent, astreint aux peurs et vertiges divers.

    La terre est mon Etat de droit et d’indignation. J’en transpire le mal que se donnent impies et forçats à espérer. J’aime chaque matin voir le Ventoux. Cela ne suffit pas, mais cela embellit.

    La terre est offrande et hasard. J’envie le prêtre et l’agriculteur pour leur compréhension des choses.

    La terre est partance commune. Au bastingage déluré, j’apprends à contempler, je décline l’incertitude en mots et dits soudains. Je vis.

     

    Olivier Bastide

     

     

    * * *

     

    Pour ce jour qui va naître encore   (extrait)

      

    "Et aucun pas irréprochable 

    pour se précipiter

    ou tenter de lever encore la chimère des forêts.

     

    Et rien qui ne pressente

    l’irrémédiable fatigue des graines muselées.

     

    Respiration

    sans issue et sans borne.

     

    Respiration, éboulement,

    la rumeur au son rouge qui glisse.

     

    C’est bien ici,

    la terre que récitent

    les cœurs battants

    à la transparence du bleu.

     

    Elle fuit au noir,

    elle échappe au regard,

    elle est la grande métisse du dedans

    qui ouvre au chant vertical."

     

    Dominique Sorrente (inédit)

     

  • Déborah Heissler, quelques éclats imperceptibles

     

     

    On peut croire que la vérité poétique remue souvent d’heureuse façon à vouloir sortir du puits en parure de beau mensonge, comme le suggérait Eluard. Chez Déborah Heissler, on aura raison de penser tout autrement : écrire y est acte de justesse, jeu de nuances et d’harmoniques qui se méfient de l’ingouvernable excès. Ce que le poète détaille relève de la suggestion, des empreintes à laisser à l’esprit, d’un mouvement de lecture pénétrante soulevant un peu de beauté fragile. Il lui importe, me semble-t-il, par-dessus tout, de confier, où elle les a rencontrées, quelques paroles justes, et comme obtenues, qui éclairent le carré du veilleur. « Rien que cela »  pourrait bien en être sa maxime… Si donc il y a des héros dans cette durée poétique qu’énonce le poète, ils se trouveront, à la faveur des éléments, moins hommes que lents gestes de la nature observée, accueillie. Et si des légendes se cherchent, elles se dénoueront à la fortune de nuages ou de « plis de l’herbe », de ces éclats imperceptibles qui révèlent par exemple un corps et son absence.

    C’est à chaque fois donner un peu plus de jour à la part la plus minime, celle qui, paradoxalement, est la plus susceptible de nous montrer le monde que nous nous employons si obstinément à cacher.

    Beau programme alors que d’explorer le verbe japonais akasu, quand la tâche est de susciter ce « quelque chose qui est à la limite de l’informulé, que seuls deux ou trois mots suggèrent et qui pourtant éclate à l’esprit ».

    Pour découvrir Déborah Heissler on peut lire Près d’eux, la nuit sous la neige, (Cheyne), qui a reçu le Prix de la Vocation 2005.

     

    Dominique Sorrente

     

     

    Cerisier du japon.jpg

     

     

     

    C’est un adieu                           dans le ciel

     

    ce sont des fleurs, des  lam-

    beaux de feu, tandis  que le

    lointain  devient  plus  rose,

    plus doré, plus lumineux. Je

    rapporte des fruits sauvages.

    Maintenant, c’est la douceur

    qui   reprend,       tandis que

    l’écho présent est celui   des

    larmes.

     

     

    Combien de jours à présent,

    sur les branches nues avant

    la fleur et le fruit ?

     

     

    Déborah Heissler

     

    Extrait d’Akasu,

     (inédit, à paraître chez Cheyne éditeur, 2010)

     

     

     

  • D'un printemps à l'automne

     

    feuille rouge.jpg

    © Photo lmapix

     

     

     

     

     

     

     

    Feuille de mars…

     

     

     

      

    Feuille je suis

    Feuille je serai

            Volée par le vent à la cicatrice de l’arbre

     

     

     

     

    Platane solaire

    Figuier en larme

    Tilleul habité de tendresse vert pâle

     

     

     

    Feuille    Feu    Folie

    Ardeur à vivre jusqu’à l’extrême

    Fureur de sève à chaque nervure

    Echappée de la racine ancestrale

     

     

     

    Feuille   Yeuse   Yod originel

    Tenace et âpre

    Tu te plies à la direction soufflée par le vent

    Tu inscris ton signe dans l’espace

     

     

     

    Feuille    Œil    Oiseau  

    Vigilance c’est éveil

    Dans la verticalité qui érige un sens nouveau

    Joie plumeuse et libre

     

     

     

    Feuille je suis

    Feuille je serai

    Dans l’éclat végétal du mot

     

     

     

     

     

    Geneviève Bertrand