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16 septembre 2011

Exil, retour ~ Henri Tramoy

Train_nuit.jpg

Source

 

EXIL, RETOUR

(extrait)

 

 

 

 

Y a-t-il place pour d'autres dire

Plus hauts que cathédrales et leurs démons de pierre

Accrochant aux nuages les vestiges des siècles

Voici mon chant ma danse et mon espoir L'exil

Est au dedans de moi mais déjà je reviens

Vers mon Esclavonie.

 

 

***

 

 

Là-bas dans l'ombre londonienne

Aux couches des bourgeois j'ai changé les draps surs

Et appris quelque écho de leurs rites

Les traces qui maculaient leur linge

Écrivaient mon malaise quand tôt passé le goût

Du dépaysement du folklore de l'exotisme

Le despotisme de salon des droits qu'ils s'arrogeaient

Me renvoyait l'image de ma roture

Ô le chant de ce train qui ramène au pays

La fierté de mon peuple

Et ma soif s'apaise à la chair

D'une tomate olive et mon palais s'égaie

D'un fromage de brebis

Sur les chemins de mes orages

J'ai rencontré mes frères aux barreaux de vos bagnes

Au fond des fosses creusant l'humidité des villes

Dans le chahut des marteaux-piqueurs

Et le silence des rues sur eux retombe

Criant l'angoisse des heures sans sommeil

Alors ce train

Traversant les frontières comme on célèbre un rêve

Renversant les alliances les leurres

Roule vers l'avenir

Ô fumer en silence cigarette sur cigarette

Des américaines de préférence avec un bout doré

Demain

Se lèvera le premier jour de ce qui me reste à vivre

 

 

***

 

 

La porte du compartiment s'ouvrit il savoura ton regard l'idée déjà

de te connaître deux exilés à se chercher à se connaître et pourquoi

pas au hasard on partagera les victuailles et notre angoisse s'efface

un paysan projette le linge blanc de son repas et le convoi s'égare

tiré par deux colombes la nuit est un alcool et ses heures bleues

vacillent le printemps renaît au plein coeur de l'été s'avance

il pose son regard par la chemise ouverte entrevoit leur histoire

 

 

***

 

 

(une mouche troubla l'instant qu'il chassa)

Et déjà les jours à venir

La traversée des sables des villes des tunnels

Déjà leurs mains qui se hèlent

Les yeux plongés au plus secret de l'autre

Les jours et les nuits l'oubli de l'exil des mondes armés

Quand la Terre se décrit comme patrie commune

Au vent des frontières socialistes la belle le rebelle

Et l'autre encore son pays se dit yol

Parti se vendre au nord de l'homme

Et plus au nord encore que personne ne croît

Que Günther écrivit et vécut à sa place

Dans sa chair et son âme

Crachant sa germanité aux pieds de ses bourreaux

Pour mieux la regarder en face

 

 

***

 

 

Laisse entrer la nuit dans ton compartiment

Smiljka aux yeux de camomille

Ton chant au plus intime gonfle ta robe

D'un orbe palpitant qu'appelle la caresse

Et l'humide de ta lèvre le désaltère

Chassé des cuirs endimanchés de têtières blanches

Quand la première classe exclut du rang des voyageurs

Les hommes des figuiers et des orangeraies

Et le gardien des règles suisse de préférence

Colle une amende en douce pour usage usurpé

Des moquettes réservées

Ah écraser une cigarette encore rouge

Sur ses galons glacés

Ô laisse entrer la nuit dans ton compartiment

 

 

***

 

 

Vous parlez un sabir

Qu'aucune académie ne saurait reconnaître

Mais la tienne au grand jour

Vaut bien cet écart de langage

Entre tes dents s'égare sa langue

Dans le silence qui rythme la conversation de vos yeux

Tu restes énigme

Et pourtant tu te livres

Et se délivrent les lignes sages

Ô livre à peine un corps ouvert

Effleuré de peur d'y découvrir des cités interdites

Au bout de tes secrets un à un arrachés

À la musique muette de ton regard mica

Une eau mêlée de cobalt et d'ozone

Smalt d'azur écrin des îles de Dalmatie

Luit

 

 

***

 

 

Dans les sommeils de mon enfance

Il me souvient d'avoir grandi au sein d'une louve

Ô ouvre ta chemise de violettes noires

À la bouche égarée qui me mord

La soie de ton sourire when you smile en silence

Ô l'oiseau de ta peau ton sein de miel

Retrouver avec toi les courses de rivière

Et les flots de soleil

Les frontières s'effacent les grands oliviers bleus

Ta terre mouillée et ses chevaux de nuit

T'emportent sur leurs vagues

Ce train file et au bout du voyage

Est le commencement

Ta main se pose sur les heures qui se comptent

Et mon pouls bat l'amble de nos espoirs liés

Voici ton chant ô Smiljka de miel et de mica

 

 

[...]

 

 

Henri Tramoy

 

extrait de “Exil, retour

Bulgarie 1968 / France 1987

in Ecrits poétiques rassemblés (volume I)

Ed. Presse & cousoir, 2011

 

 _________________________________

 

H_Tramoy.jpgHenri Tramoy est poète. Il dirige également les éditions Les Solicendristes et co-anime la revue Soleils et Cendre.

 

31 août 2011

Rire ~ Pierre-Albert Jourdan

fleur de rocher.jpg

Rire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'agitation est telle que cette boue des pensées devient nuage, que dispersion devient ce grand nuage sombre dans ton  ciel. Cela tu es à même de le constater : car la page est blanche, toujours blanche !

Peut-être as-tu senti jusqu'à l'écoeurement cette triomphale présence des choses comme l'extase d'un monde dispensé de justifications. D'un monde, non de silence mais où le silence ne fait pas tache. Et toi, tu es mélange et toutes ces griffes lancées dans le vide composent ton visage. Laisse-le donc déposer le fardeau, nettoyer cette boue. Élève-le jusqu'au rire du ciel clair.

 

 

 

Pierre-Albert Jourdan

 

(L'espace de la perte,

Éditions UNES, 1984)

 

22 mai 2011

Poèmes Au fil de l’eau

 

Il y a dans la campagne une pluie qu’on ne sait

pas lire encore, elle n’a pas commencé à tomber

mais déjà, elle fait refermer le livre des malheurs

dont on n’a su qu’effeuiller les pages.

 

À peine

cette pluie entrouvre-t-elle

une ancienne monotonie qui vient avec le soir

et cela suffit

aux manières d’oiseaux,

au chemin qui part devant soi ravir la lumière.

 

 

 

oiseau de pluie.jpg

Source 

  

 

Sous le pont de Peut-être

 

 

Peut-être écrivons-nous

sans cesse

une scène d’avant le déluge,

 

ou bien un récit

qui s’emploie nuit et jour

à déchiffrer la source,

 

ou bien encore une tribu de fantaisies

à multiplier les alibis

au creux des eaux dormantes.

 

Peut-être écrivons-nous en goutte à goutte

pour ne pas désespérer de trop

la liturgie du vert.

 

Peut-être écrivons-nous

sous le tumulte des rivières,

sans faire attention au niveau

qui descend, qui descend.

 

Peut-être écrivons-nous en polissons indignes

pour tirer la nappe phréatique

à la barbe des prévisionnistes.

 

Peut-être écrivons-nous

pour rejoindre l’exact partage des eaux

entre l’insignifiant et le décisif.

 

 

 

Peut-être écrivons-nous

pour atteindre le lac

dans sa gloire anonyme.

 

Peut-être écrivons-nous

pour nous désengorger,

pour nous désaltérer,

pour nous offrir la poire

jusqu’à plus soif.

 

Peut-être écrivons-nous

pour ne plus nous baigner deux fois

avec Héraclite

dans le même fleuve pollué.

 

C’est autant de raisons pour quoi

les fronts des auteurs que nous sommes

parfois

ruissellent.

 

Dominique Sorrente 

 

 

Partage des eaux.jpg

Source

Le Partage des eaux

 

 

le seuil délivre l’eau en partage le sens de belles stries j’étais ici un soir je me souviens du vent des sorties familiales du poète ses mots ceux qui allaient par barques poussant de longs bâtons dans le courant

sortie il y a peu du roc en gouffre avide et résurgent en bascules comptables des millénaires et des fournaises nues fumées des matins neufs porte entrouverte vers midi et le soleil crissant d’oiseaux énigmatiques

hommes qui marchent d’un pas simple qui mangent à leur table qui parlent car il faut dire les distinctions notables de la beauté des eaux en deux cours dévolus être la fonte des massifs des maquis la dilution des fugues en cascades le cours le glissando d’algues et de fraîche envie

c’est le soleil musqué les renoncules et le doux et le frais et l’ample déraison qui s’ébrouent vivement à l’arrondi des plaines

c’est moi c’est toi l’aube et le crépuscule l’étoile le désir bleu l’eau sans cesse issue de nous qui délivrent des maux

 

 

Olivier Bastide

 

 

 

>> Détour en poésie aussi ICI