Cette poudre où l’on plante et qui donne du vent et du grain,
Nourrissant végétaux, maternel élément ;
Étendues et vallées, par les monts, l’océan,
Au soleil, en tournant, éternel est son train.
Gérard BOUDES
Chanson de l’esprit de la terre
Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.
Moi, je suis l’esprit au sein de la terre.
Les pieds de la terre sont mes pieds ;
Les jambes de la terre sont mes jambes.
La force de la terre est ma force ;
Les pensées de la terre sont mes pensées ;
La voix de la terre est ma voix.
La plume de la terre est ma plume ;
Tout ce qui appartient à la terre est à moi ;
Tout ce qui entoure la terre me cerne.
Moi, je suis l’œuvre sacrée de la terre.
Cela est beau en vérité, cela est vraiment beau.
Lecture par Thérèse Basse (Chant tiré d’une légende navajo.)
* * *
Compassion
Hirondelle de mer et mouette
une aile à côté de l'autre
image de compassion
rien ne tombe dans la balance
les collines se dressent tour à tour
dans leur chaleur lointaine je marche
en sortant du cadre du destin
jusqu' à l'aurore à la lueur violacée
derrière laquelle s'étend
le seuil vague de la terre
Leonor Gnos
* * *
Petite terre
au tout début
la terre est une banlieue
elle est marron foncé
découpée en jardinets
parcourue de rues plutôt propres
ponctuée de centres commerciaux
et de zone d’activités
on y a bâti aussi des maisons
et dans les intervalles en friche
poussent des pommiers tristes
des sureaux des troènes
un jour au-dessus de cette terre passe le Concorde
et mon père dit
il est beau cet avion mais il fait beaucoup de bruit
cette terre initiale s’étend ensuite
devient une forêt striée de troncs rectilignes
bourrée de genêts
de Père Noël
de caresses
de marchand de sable
d’amour sans condition
puis la terre
devient la mer
et une plage de 140 kilomètres de long
et les vagues
le surf
la transgression
les filles
la nuit
le Velvet
Alan Vega & Suicide
les baisers
le sexe
tout ça
se mélange sur cette terre
pour en faire
une sorte de lieu
à la fois sacré et répugnant
où je t’enterre
un jour de mai
où je vais autant que possible
retrouver ton fantôme
au détour d’un parfum
de bruyère
puis la terre devient
plus abstraite
elle s’envole
vers l’apprentissage
des textes
des langues
des sciences humaines ou exactes
des systèmes complexes
et de l’histoire
où se cachent
les mythologies
et les monstres
et cette terre devenue aérienne
et sans contours définis
se pose parfois
au Palace
au Rose Bonbon
à la Nouvelle Eve
se peuple d’étranges personnes
qui érigent
des mobiles gracieux
qui jouent des airs dansants avec
des instruments bricolés
qui montent sur une chaise
chantent des chansons de Joe Dassin
m’invitent à des barbecue-parties
ou à des soirées costumées
animent des groupes de parole
m’ initient à l’incertitude
puis à l’abandon
et
ensuite
la terre fait grève à Radio France
regarde Mars du coin de l’œil
épuise son énergie
réduit ses distances
calcule mieux sa position
invente le tgv
et encore ensuite
la terre se couvre
d’une population considérable
et encore
encore ensuite
cette population considérable
regarde le ciel
jaune et chargé de poussières
et espère la venue
d’un crétin spatial
à moitié à poil
et auréolé de lumière
et
encore
encore
encore ensuite
sur la terre
ma mère m’appelle
pour savoir si avec mon amie Princesse Stella
on vient la voir à Noël
et quand je lui dis oui
elle répond
tu ne peux pas savoir comme tu me fais plaisir
Daniel Labedan
La terre est un vivant secret, mon paquetage sous les pieds, la déréliction des canailles, la roublardise du couchant. Elle enveloppe et outrepasse, l’or, le miel et la boue en stupre à la collerette. J’en suis fils, père et étrange présent, astreint aux peurs et vertiges divers.
La terre est mon Etat de droit et d’indignation. J’en transpire le mal que se donnent impies et forçats à espérer. J’aime chaque matin voir le Ventoux. Cela ne suffit pas, mais cela embellit.
La terre est offrande et hasard. J’envie le prêtre et l’agriculteur pour leur compréhension des choses.
La terre est partance commune. Au bastingage déluré, j’apprends à contempler, je décline l’incertitude en mots et dits soudains. Je vis.
Olivier Bastide
* * *
Pour ce jour qui va naître encore (extrait)
"Et aucun pas irréprochable
pour se précipiter
ou tenter de lever encore la chimère des forêts.
Et rien qui ne pressente
l’irrémédiable fatigue des graines muselées.
Respiration
sans issue et sans borne.
Respiration, éboulement,
la rumeur au son rouge qui glisse.
C’est bien ici,
la terre que récitent
les cœurs battants
à la transparence du bleu.
Elle fuit au noir,
elle échappe au regard,
elle est la grande métisse du dedans
qui ouvre au chant vertical."
Dominique Sorrente (inédit)
Commentaires
---superbe... !
je me verrais bien rééditer ce poème, sur le blog Art et tique et pique - si vous m'y autorisez, bien entendu...
RC
C'est tout à fait possible, en indiquant la référence "extrait de C'est bien ici la terre, éditions MLD, 2012"
Merci de votre intérêt.
DS