Il y a dans la campagne une pluie qu’on ne sait
pas lire encore, elle n’a pas commencé à tomber
mais déjà, elle fait refermer le livre des malheurs
dont on n’a su qu’effeuiller les pages.
À peine
cette pluie entrouvre-t-elle
une ancienne monotonie qui vient avec le soir
et cela suffit
aux manières d’oiseaux,
au chemin qui part devant soi ravir la lumière.
Sous le pont de Peut-être
Peut-être écrivons-nous
sans cesse
une scène d’avant le déluge,
ou bien un récit
qui s’emploie nuit et jour
à déchiffrer la source,
ou bien encore une tribu de fantaisies
à multiplier les alibis
au creux des eaux dormantes.
Peut-être écrivons-nous en goutte à goutte
pour ne pas désespérer de trop
la liturgie du vert.
Peut-être écrivons-nous
sous le tumulte des rivières,
sans faire attention au niveau
qui descend, qui descend.
Peut-être écrivons-nous en polissons indignes
pour tirer la nappe phréatique
à la barbe des prévisionnistes.
Peut-être écrivons-nous
pour rejoindre l’exact partage des eaux
entre l’insignifiant et le décisif.
Peut-être écrivons-nous
pour atteindre le lac
dans sa gloire anonyme.
Peut-être écrivons-nous
pour nous désengorger,
pour nous désaltérer,
pour nous offrir la poire
jusqu’à plus soif.
Peut-être écrivons-nous
pour ne plus nous baigner deux fois
avec Héraclite
dans le même fleuve pollué.
C’est autant de raisons pour quoi
les fronts des auteurs que nous sommes
parfois
ruissellent.
Dominique Sorrente
Le Partage des eaux
le seuil délivre l’eau en partage le sens de belles stries j’étais ici un soir je me souviens du vent des sorties familiales du poète ses mots ceux qui allaient par barques poussant de longs bâtons dans le courant
sortie il y a peu du roc en gouffre avide et résurgent en bascules comptables des millénaires et des fournaises nues fumées des matins neufs porte entrouverte vers midi et le soleil crissant d’oiseaux énigmatiques
hommes qui marchent d’un pas simple qui mangent à leur table qui parlent car il faut dire les distinctions notables de la beauté des eaux en deux cours dévolus être la fonte des massifs des maquis la dilution des fugues en cascades le cours le glissando d’algues et de fraîche envie
c’est le soleil musqué les renoncules et le doux et le frais et l’ample déraison qui s’ébrouent vivement à l’arrondi des plaines
c’est moi c’est toi l’aube et le crépuscule l’étoile le désir bleu l’eau sans cesse issue de nous qui délivrent des maux
Olivier Bastide
>> Détour en poésie aussi ICI
Commentaires
AU FIL DE LA LARME
Aucun lac ne connaît
De partage des eaux
En-dessous des vagues
Qui agitent l'océan
De tous les désirs
L'air saturé de peut-être
Respire en souriant
Tandis que s'envolent
Les présomptions de culpabilité
Et leurs ailes décharnées
Aucune urgence n'attend
Au fond des auteurs présumés
Tandis que perle une larme
Sur le front de l'acteur
Et de son parabellum