21 décembre 2012
TRAVAUX DÉTONNEMENT
Ce 8 décembre, intervalle ouvert à la montée de l’Oratoire.
Le Scriptorium à ses travaux d’étonnement.
À commencer par une date impossible à jouer (le 9, c’est un dimanche) qu’on rectifie, à la va-vite. Puis le salon s’invente une installation imprévue : mur qui se donne aux infiltrations et aux humeurs de pont thermique, échelle et seaux, humidificateur, et tableaux décrochés. La cheminée prend le relais, décidée à honorer le blé de la Sainte-Barbe et les trois soucoupes attendues. Nicolas en valet - feutier du langage initie un feu de camp d’intérieur.
L’Assemblée Générale, en bonne et due forme de marche, s’ouvre sur une recommandation décisive : « Les croquants aux amandes s’attaquent par les dents du fond ».
Deux heures plus tard, un message personnel de papillote synthétise la couleur de la tâche des scripteurs réunis : « Tout ce que tu feras sera dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses ». Parole de Gandhi.
Autour de la table à la nappe rouge, peuplée d’olives, les échappées montent d’un cran, à la faveur des libations. Voici les premiers mots de la Métamorphose de Kafka prononcés en allemand par Léonor. Puis, un peu plus loin : « La capacité de s’étonner est la principale vertu du poète ». C’est Ossip Mandelstam qui écrit cela, et Nicolas, le nôtre, lit en russe les premiers vers de « Quelle rue est-ce là ? ».
Entre deux dégustations pourpre, les « écritures de l’eau » portées par Patrick libèrent un monde à plusieurs voix de création partagée. « Étonnez-moi, Benoît » risque une voix espiègle qui chantonne.
Entre la poire (qui fut raisins et mandarines) et le fromage (glorieux absent du jour), une expression caresse les visages qui dit la face et son envers : Hé oui, plus rien ne m’étonne…
« Poème, cet étonnement désordonné du monde » assure Henri, qui a déplacé l’i grec à la fin de son nom, pour mieux nous enseigner en douce gravité :
« La création travaille l’écart au noir ».
Marthe, de son côté, n’a pas son pareil pour préparer la vinaigrette et évoquer les statues vivantes dans les rues du Panier. La poésie est partout, dit-elle. Et Dominique qui contemple son mur intérieur où la pluie s’est insinuée n’en revient pas.
Un peu plus loin, plus tard, des témoins racontent qu’on a entendu dans l’Iphone amplifié quelques étranges ombres portées sonores de la parole de Bran, costumé
en garde-imaginaire. Plus loin encore, guitare et voix ont lâché la chanson inédite « Mon Amazone » pour un instant de tropical humide.
Hier ist Süden (Voici le Sud) a prévenu Léonor.
Lysey n’a rien perdu de tout cela dans ses graphismes de l’instant. Elle a lu un bout de Sphère de Guillevic, devenu soudain moins jardin lapidaire que chambre d’échos. Elle a cité un vieil étonnement tiré de la Bible, quand Adam et Ève surent qu’ils étaient nus.
En ce jour où Bonhomme Hiver, même au Sud, montre le bout de son cache-nez, ça trouble les plus réchauffés.
À 15h30, le défilé des chapeaux a repris, au seuil où le mistral encore gagnant attendait les néo-nomades, surpris par tant de vigueur élémentaire.
Le feu a prolongé tout seul sa rêverie, le temps de quelques Christmas Carols.
Marcel Migozzi avait averti la cantonade par son tout dernier écrit, reçu le matin même : « N’insistons pas ».
*
Quelques ouvrages et autres sources rencontrés pendant cet Intervalle :
Léonor Gnos, Hier ist Süden, éditions Isele, 2012
Marcel Migozzi, N’insistons pas, Encres vives, décembre 2012
Palestines, collectif des éditions Sillages, décembre 2012
Patrick Druinot, Le voyage est toujours possible, éditeur P. Druinot, octobre 2012
Écritures de l’eau, livre à plusieurs voix, préface A.Ughetto, illustration Daniel Vincent, textes de Parviz Albogassemi, Geneviève Bertrand, Patrick Druinot, Léonor Gnos, C.L.I.P, octobre 2012
(Textes ci-dessous)
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24 août 2011
Intervalle de rentrée
L ’assemblée générale annuelle de l’association LE SCRIPTORIUM
se tiendra le SAMEDI 3 SEPTEMBRE à 10h00
à la Maison des Jeux des Catalans, boulevard Cieussa, 13007 Marseille.
Selon l’usage consacré, les libations feront suite aux échanges au cours d’un déjeuner ‘pique-nique’ tiré du sac (merci à chacun d’apporter sur la table commune un plat et une boisson de son choix).
L’après-midi de 14h à 17h sera consacré au partage poétique lors de l’INTERVALLE de rentrée dont le thème est : Moissons d’été et chant des sirènes.
Comme à chaque fois, nous sollicitons des participants deux contributions, la première, personnelle, pouvant être poème(s), fiction brève, chanson(s) ou autres de nature poétique), la seconde, consistant en un ou plusieurs texte(s) d’auteur(s) en rapport avec le thème, que vous souhaitez partager avec les autres scripteurs.
La gratuité est de règle pour une première participation-découverte des nouveaux venus.
depuis la mer s’amasse une confusion d’hommes
cloués aux
lois pareilles à celles du premier cri
mêmes gouffres de temps
sertis d’or et de mythes
mêmes consolations
les astres sans cesse
accouchent casques héroïques et bouches d’enfer
vides
ensemencés
où l’on croît
d’avenir et d'ailleurs
effondrements contraints
par la langue fragile
gravée
infini
grands oiseaux d’équinoxe
au bec dévasté de désirs
Jos ROY
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22 mai 2011
Au lendemain d'une escapade
C’était le Scriptorium aux champs
Avec : Dominique Sorrente, Olivier Bastide, Valérie Brantôme (Le Scriptorium), Angèle Paoli (revue en ligne Terres de femmes & Le Scriptorium), André Ughetto (revue Phoenix-Poieo-Le Scriptorium), Henri Tramoy (revue Soleils et cendre), et notre hôte, Sylvie Durbec (la Petite Librairie des champs)
Matin Au fil de l'eau, dans l'Intervalle de Printemps
De l’eau coule déjà sous les ponts. L’escapade du Scriptorium dans les abords du Rhône, vergers du pied de la Montagnette, au lieu-dit du Moulin Brûlé, hôte de la Petite librairie des champs, commune de Boulbon, est terminée, la poésie en bien commun.
Quelques jours plus tard, le mistral rudoie les cannes et les piétons. Chacun en sa maison. Je ne sais ce que font mes compères d’hier. Dominique Sorrente se repasse peut-être le film de la journée ; d’abord, l’Intervalle de Printemps Au fil de l'eau. Nous avions plaisanté ensemble des craintes de « basses eaux » pour le public ; l’eau était de bon niveau, puisque nous étions une vingtaine pour la caravane déambulatoire dans les rues du village, accompagnés d’un facteur-joueur de limonaire, d’un Saint-Christophe, les pieds pris dans l’eau-pierre symbolisant les inondations récurrentes dues aux crues du Rhône, des murs majestueux du château médiéval, d’une étape dans un jardin miraculeux à flanc de colline, d’un Boulbonnais saluant Sylvie Durbec durant une lecture, et sans doute de quelques chats…
Ce jour, Henri Tramoy (en photo ci-contre) m’a écrit son plaisir d’une journée de poésie en « empathie et complicité » ; Valérie a sans doute entamé la nécessaire mise en ligne mémorielle du moment ; Angèle a repris, j’en suis certain, son travail de revuiste inlassable. André, qui nous avait rejoints l’après-midi pour le débat Poésie, vous avez dit collectif ? s’est dit heureux et doit déjà se relancer pour d’autres aventures…
*
"Poésie, vous avez dit collectif ?" : Après-midi - débat
D’emblée, je questionnai l’idée de collectif comme une condition nécessaire de l’existence de la poésie aujourd’hui, enfin m’y essayai-je ; nous étions après la pause pique-nique… Et dans le même mouvement, je relativisai l’hypothèse en avançant que toute activité de création peut sembler assujettie à un égal impératif.
En effet, si l’artiste, la plupart du temps, crée dans un cadre solitaire, cette solitude est écornée par des tentatives de création partagée, assez fréquemment ; plus fondamentalement, tout art n’a de sens que dans un lien social comme source et réceptacle de l’œuvre. Le cadre, poétique, du débat, aurait donc pu paraître de maigre pertinence, à quiconque aurait préféré élargir la réflexion au contexte artistique général. Mais nous étions fervents-férus de poésie, tenions nos poètes-débatteurs ; il nous restait donc à bien vouloir considérer notre débat dans son cadre particulier, celui d’une rencontre entre cinq expériences, celles du Scriptorium, et de ses invités, l’association Poieo de l’Isles-sur-la-Sorgue, de la revue Phoenix, de la revue Soleils et cendre, de la revue en ligne Terres de femmes.
Autour de la table, il y avait maintenant une bonne trentaine de convives, connus, Hélène Sanguinetti, Paul de Brancion (que me pardonnent ceux,/qui tout autant connus /restent ici anonymes /de moi seul méconnus…), inconnus (Ô vous mes frères inconnus / qui comme moi parlez/ mais n’êtes point connus…), tous attentifs, réactifs parfois, aux propos, questions et réponses échangés entre les principaux protagonistes :
- le Scriptorium, ou un poète explorateur des possibles rencontres poétiques, Dominique Sorrente, et un collectif se redéfinissant lors de chaque événement (ce 14 mai, cinq membres), afin de faire vivre la poésie de la manière la plus sensible ;
- les Solicendristes et Soleils et cendre, un groupe de poètes au service de l’écriture poétique dans le sens politique d’une appropriation de la création par tous ;
- Poéïô un collectif associé d’artistes et d’amateurs de poésie partageant leur passion au fil de moments divers, riches et conviviaux ;
- Terres de femmes, une femme, Angèle Paoli, souveraine des mots, deux hommes aux manettes informatiques (Yves Thomas) et photographiques (Guidu Antonietti Di Cinarca), pour un trio revuistique au sein d’un extraordinaire réseau virtuel et humain
- Phoenix*, fille d’«autres suds», parvenus grâce à un collectif de rédacteurs et de poètes têtus oeuvrant pour l’une des plus belles revues françaises.
Alors, Poésie, vous avez dit collectif ? Oui, mais de manières bien différentes comme l’exposent ces cinq projets, tous aussi ambitieux et exaltants, tous aussi parfaits, c’est-à-dire absolument tendus vers leur objectif. Le collectif, tel qu’il se précise chez chacun, en est le moyen et la conséquence.
Ainsi que je le soupçonnais d’entrée, cela n’est peut-être pas le propre de la poésie, mais plus le propre de toute activité à dimension sociale. Le poète n’existe que dans son rapport au monde ; il est en son sein et, partant de là, se doit de faire partie d’un groupe, d’une action, d’un projet, d’un collectif plus ou moins structuré, large, restreint, fermé ou variable, qui l’accepte, qui lui donne sens, qui le tienne en vie….
Vivent les poètes et la poésie !
* Phoenix, héritière de la revue Autre Sud, elle-même dans la suite de Sud.
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Album – photo de la rencontre ICI
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Voir aussi Poèmes Au fil de l’eau
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Légende des illustrations ci-dessus :
1- Cohorte poétique par les rues de Boulbon & le Capt’ain Dominique Sorrente
2- Henri Tramoy lisant devant la bibliothèque
3- À la Petit Librairie des Champs : autour de la table, de G. à D., Angèle Paoli, Dominique Sorrente, André Ughetto, Henri Tramoy, Olivier Bastide
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