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TRAVAUX DÉTONNEMENT

 

Intervalle Etonnement.jpg

 

Ce 8 décembre, intervalle ouvert à la montée de l’Oratoire.

Le Scriptorium à ses travaux d’étonnement.

À commencer par une date impossible à jouer (le 9, c’est un dimanche) qu’on rectifie, à la va-vite. Puis le salon s’invente une installation imprévue : mur qui se donne aux infiltrations et aux humeurs de pont thermique, échelle et seaux, humidificateur, et tableaux décrochés. La cheminée prend le relais, décidée à honorer le blé de la Sainte-Barbe et les trois soucoupes attendues. Nicolas en valet - feutier du langage initie un feu de camp d’intérieur.

L’Assemblée Générale, en bonne et due forme de marche, s’ouvre sur une recommandation décisive : « Les croquants aux amandes s’attaquent par les dents du fond ».

Deux heures plus tard, un message personnel de papillote synthétise la couleur de la tâche des scripteurs réunis : « Tout ce que tu feras sera dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses ». Parole de Gandhi.

Autour de la table à la nappe rouge, peuplée d’olives, les échappées montent d’un cran, à la faveur des libations. Voici les premiers mots de la Métamorphose de Kafka prononcés en allemand par Léonor. Puis, un peu plus loin : « La capacité de s’étonner est la principale vertu du poète ». C’est Ossip Mandelstam qui écrit cela, et Nicolas, le nôtre, lit en russe les premiers vers de « Quelle rue est-ce là ? ».

Entre deux dégustations pourpre, les « écritures de l’eau » portées par Patrick libèrent un monde à plusieurs voix de création partagée. « Étonnez-moi, Benoît » risque une voix espiègle qui chantonne.

Entre la poire (qui fut raisins et mandarines) et le fromage (glorieux absent du jour), une expression caresse les visages qui dit la face et son envers : Hé oui, plus rien ne m’étonne…

« Poème, cet étonnement désordonné du monde » assure Henri, qui a déplacé l’i grec à la fin de son nom, pour mieux nous enseigner en douce gravité :

« La création travaille l’écart au noir ».

Marthe, de son côté, n’a pas son pareil pour préparer la vinaigrette et évoquer les statues vivantes dans les rues du Panier. La poésie est partout, dit-elle. Et Dominique qui contemple son mur intérieur où la pluie s’est insinuée n’en revient pas.

Un peu plus loin, plus tard, des témoins racontent qu’on a entendu dans l’Iphone amplifié quelques étranges ombres portées sonores de la parole de Bran, costumé

en garde-imaginaire. Plus loin encore, guitare et voix ont lâché la chanson inédite « Mon Amazone » pour un instant de tropical humide.


Vue vers les îles Richelieu.jpgHier ist Süden (Voici le Sud) a prévenu Léonor.

Lysey n’a rien perdu de tout cela dans ses graphismes de l’instant. Elle a lu un bout de Sphère de Guillevic, devenu soudain moins jardin lapidaire que chambre d’échos. Elle a cité un vieil étonnement tiré de la Bible, quand Adam et Ève surent qu’ils étaient nus.

En ce jour où Bonhomme Hiver, même au Sud, montre le bout de son cache-nez, ça trouble les plus réchauffés.

À 15h30, le défilé des chapeaux a repris, au seuil où le mistral encore gagnant attendait les néo-nomades, surpris par tant de vigueur élémentaire.

Le feu a prolongé tout seul sa rêverie, le temps de quelques Christmas Carols.

Marcel Migozzi  avait averti la cantonade par son tout dernier écrit, reçu le matin même : « N’insistons pas ».

                                                                                  *

Quelques ouvrages et autres sources rencontrés pendant cet Intervalle : 

 

Léonor Gnos, Hier ist Süden, éditions Isele, 2012

Marcel Migozzi, N’insistons pas, Encres vives, décembre 2012

Palestines, collectif des éditions Sillages, décembre 2012

Patrick Druinot, Le voyage est toujours possible, éditeur P. Druinot, octobre 2012

Écritures de l’eau, livre à plusieurs voix, préface A.Ughetto, illustration Daniel Vincent, textes de Parviz Albogassemi, Geneviève Bertrand, Patrick Druinot, Léonor Gnos,  C.L.I.P,  octobre 2012 

(Textes ci-dessous)

Le coin Lecture

 

POÈME, ÉTONNEMENT

Poème, cet étonnement désordonné du monde et de la langue
suivi du seul silence
(si ce n’est le tonnerre souterrain de ses propres moyens)

Au plus profond interrogeant l’inconnaissable

Poème, contraint par la montée des mots
dans l’affrontement aux normes, aux totems
non-événement énorme d’un mentir-vrai qui tonne
et qui nous mène et menons à morsure pour être, infiniment
(sinon nos yeux éteints
et chaque jour la nuit lui tombe)

Toute l’enfance de l’homme dans ce besoin de s’étonner de tout
comme nous tentons la menthe dans un lièvre aux olives
(comme nous, le lièvre est étonnant
mais nous seuls allons, sachant qu’il nous étonne)

H. Tramoy
Sarrians - 6.XII.2012

 

 

Mange du crabe.jpegà force d’attendre
l’ami
j’aurais confondu
mes pas
avec les siens

la buée sur ce miroir
je veux y voir
l’instant
l’éclat perdu
son regard

et son rire sonore
aura écho
ce silence
qui nous talonne
compagne
familière

Nicolas Rouzet


En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu’une carapace, et en relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun, cloisonné par des arceaux rigides, son abdomen sur le haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, en tenait plus qu’à peine. Ses nombreuses pattes, lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu’il avait par ailleurs grouillaient désespérément sous ses yeux. “Qu’est-ce qui m’est arrivé?” pensa-t-il. Ce n’était pas un rêve. 

La Métamorphose de Franz Kafka, traduit de l’allemand par Claude David

À la croupe de la montagne
la lumière tombe
la forêt s’arrête
une forteresse d’un vert noir
au-dessus des arbres
tournoie une buse
jette son chant plaintif
dans les constellations
devient elle – même une étoile

Sur la route à l’école la ferme me consacra
sa fumée et les odeurs de peaux de bête
les cris déchirants du chat en chaleur
la chatte tigrée qui dévora ses petits
sur le tas de fumier chanta un pinson
j’ignorais pourquoi d’autres oiseaux
sifflèrent dans les arbres ou sur un pignon
pourquoi la mare de sang changea de couleur
À l’époque je savais si peu des animaux
et rien de la poésie 

Leonor Gnos


 

Oliviers_hautes_herbes.jpg


...
ils te poussent en avant les mots

t’obligent à la confiance


ils avancent masqués

sur les pas de rêves très anciens


 

Tu marches et c’est dans un silence de cathédrale

que se déploie la page blanche
 


Pellicule photographique

sensible         impressionnable 


les images concentrées par la rétine
s’y impriment 

aussitôt transmuées en mots



la joie d’une ancienne mémoire 

s’y hisse 

assemble ses rires épars


 

Et tu es là toute petite

envahie par cette présence 
 


Tu la contiens et ploies

dans cet allègement soudain
 


Il n’y a rien de magique

rien d’irréel
 


Chaque chose est à sa place

les arbres ne sont que des arbres
les fleurs ne sont que des fleurs
 
 

Mais un passage s’est ouvert

une plissure a cédé sans bruit

laissant filtrer une lumière
 


C’est avec un regard neuf
que tu vois ce qui est
dans son rayonnement

 

Geneviève Liautard

 

Où suis-je

Ô mes forêts urbaines !

Lorsque mue dans vos branches
Le chant pur des oiseaux

 Lorsque dans ma poitrine
Descendent les rivières du soleil

Lorsque l’élancement désert de  la matière
Garde de ton sourire l’ouverture infinie ?

 Je suis là

 Là où les arbres
Les bêtes et les pierres
Parlent de tes désirs 

Et je deviens
Racine douloureuse du monde
Au-delà des forêts centenaires
Que l’on ne voit même plus

Je deviens
Manière d’être au monde
A l’enseigne de la goutte d’eau
Du sourire essentiel et fragile
De la lumière que je ne peux éteindre.

Patrick Druinot

 

 

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