UA-156555446-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Scriptorium - Page 145

  • Hommage à Christophe Tarkos

     

     

    Pour Christophe Tarkos

     

    « Je suis né en 1963. je n’existe pas, je fabrique des poèmes.

    1-Je suis lent, d’une grande lenteur.

    2-invalide, en invalidité.

    3- séjours réguliers en hôpitaux psychiatriques depuis dix ans.»

     

    Christophe Tarkos est mort le 30 novembre 2004

     

    Telle est la notice biographique de Tarkos dans le catalogue des auteurs P.O.L, éditions qui se partagent avec Al Dante l’honneur de l’avoir publié.

    Difficile en partant de ces lignes pleines d’humilité mais auxquelles la mort donne une résonance tragique de ne pas tomber dans l’hagiographie. Et de ne pas écraser cet ascétique travailleur de la langue sous les références sublimes : génie précoce comme Rimbaud, fulgurances nées de l’inadaptation comme Artaud, combat minutieux et héroïque avec les mots, « les sons fondamentaux », comme Beckett.

    A mes mots, j’imagine qu’il aurait souri, ou plaisamment protesté. J’imagine, ne l’ayant pas rencontré mais ayant dans ma mémoire la ritournelle, cocasse, enfantine, à la fois tendre et burlesque du Petit Bidon.  Expressif, le petit bidon. La ritournelle commence  ainsi

    On a un petit bidon, un bidon d’huile, sur la table, un petit bidon vide, un petit bidon normal, normalement, sur la table, avec du vide dedans. Il est fermé, mais il est vide

    Et ainsi s’achève : On a de la chance d’avoir un petit bidon, le petit bidon posé là sur la table. Merci, le petit bidon, merci le petit bidon.

     

    Difficile aussi à la lecture de l’œuvre de ne pas employer les grands mots, les gros mots.

    Le « métapoétique », Ma langue est poétique, ma langue est absolument poétique, ma langue est immédiatement poétique, ma langue est poétique, ma langue est poétique est un leitmotiv poétique, ma langue est poétique est poétique, ma langue est poétiquement désirée, c’est un désir de langue, un désir de langue poétique, ma langue est une langue poétique, ma langue se répète poétiquement, ma langue est une répétition poétique, ma langue s’agence poétiquement, ma langue est un désir de langue. Ma langue

    Le « métalinguistique », Il n’y a pas de mots. Les mots ne veulent rien dire. Les mots n’ont pas de sens. Il n’y a pas de mots parce qu’il y a un sens, le sens a vidé les mots de toute signification, les a vidés complètement, il ne reste rien aux mots, ce sont des sacs vides vidés qui ont été vidés, le sens a pris tout le sens, il n’a rien laissé pour les mots, coquilles vides, le sens se débat tout seul, il n’a nul besoin de mots, le sens veut tout, veut tout prendre, s’essaye, il ne se rattache à rien, les mots se rattachent à rien, il ne veut pas se rattacher, il veut continuer à faire sens coûte que coûte, il écrase les mots pendant qu’il se débat, pendant qu’il se débat seul, on ne peut plus prendre les mots pour des éléments de sens, pour des éléments de tirades sensées, il n’y a pas de mots, il y a le sens qui pousse, qui s’attache à la poussée.  Le Signe=

    L’ « ontologique »,  il n’y a pas d’autre langue que la langue. Il faudra essayer d’entrer. Au seuil un ennui enlève la force. Il n’y a pas d’autre langue que la langue, il faudra entrer à l’intérieur, on a toujours été à l’intérieur, il n’y a pas à entrer à l’intérieur, on est dedans, y aura-t-il question de sortir du ventre ou faudra-t-il toujours essayer de rester ainsi à l’intérieur du ventre….  Le Signe =

    L’ « éthique », Tu vois, dire la vérité, c’est le poème. Tu vois de dire la vérité, le problème que ça pose. La contrainte qui se fixe quand on se dit je vais dire la vérité.[…….]   Le poème ne veut pas dire la vérité du monde mais il veut dire la vérité. Je ne vois pas si la différence est compréhensible, si tu l’entends. C’est une grosse contrainte que de ne pas dire ce qu’on peut sentir n’importe comment. Tu vois le genre de désagréments que ça apporte de n’avoir qu’à la dire. Je veux dire personnellement, tout de suite, par écrit. Par exemple, si tu es con, toute la connerie qui se met à la place de la vérité qui devait s’y mettre. Pan

     

    Car, il faut bien l’admettre, la poésie de Tarkos pense et à sa manière, humble, farfelue, j’oserai dire rigolote, mais formidablement inventive, elle crée des concepts : la pâte-mot par exemple. Pâte-mot est la substance, est la substance de mots assez englués pour vouloir dire, on peut se déplacer dans pâte-mot comme dans une compote, pâte-mot est une substance dont on peut mettre à plat la substance, on peut aussi la mettre pas à plat en bosse, en faire de la neige et en faire des nuages……Le Signe =

    Et ce sont les termes d’un philosophe, Deleuze, qui viennent à l’esprit pour qualifier l’entreprise de Tarkos, ceux qu’il utilisa pour rendre compte de l’expérience de Beckett ou de Kafka : épuisement du possible, bégaiement de la voix, pratique de sa langue comme d’une langue étrangère.

     

    Qu’il me soit permis en définitive d’essayer de m’expliquer simplement le choc qu’a produit sur moi la poésie de Tarkos .

    Entièrement immanente à la langue, elle a, me semble-t-il, un pouvoir inouï d’évocation (d’invocation ?) du monde. Entièrement ironique (dans le sens où elle interroge et critique sans cesse sa propre pratique) elle est, me semble-t-il, émotion pure (angoisse, douleur, révolte, compassion)

    Entièrement maîtrisée, elle se fait au risque de la déraison.

    Enfin, pour moi, son plus grand titre de gloire est de s’être nommée un temps Poézi Proléter : refus de la culture bourgeoise [en ce qu’elle promeut un sens (le sien) avant tout] mais surtout engagement dans la lutte au nom de l’honneur des poètes.

     

    cercles de feu.jpg

     

     

     

    Nuages ou Pour en finir avec le jugement de Tarkos

     

     

    Je suis nue

    Sans âge

    Nue

    Huée

    De toutes parts

    De ma part

    Dénuée

    Parfois obnubilée

     

    Nouée

    Nulle

    Sans mariage

    Viellarde

    Ennuagée

    La poésie est belle

    Elle passe par là-bas

    Sans lien avec la terre

    Où je m’enroue

    En rage

    Et la langue nouée

     

    Je suis dans le cirage

    Nuages

    La rage n’est pas la confiture

    Exquise

    Aux bons poètes

    Et pas un traître mot

    Ou alors des mots traîtres

     

    Qui ne peuvent pas traire

    Extraire

    Le lait des nébuleuses

    Exprimer le jus pur des nuages

    Qui passent sans me voir

     

    Vous qui passez

    Mirages

    Sans me voir

    Ô miroir

    Je suis nue

    Huée et dénuée

    Obnubilée

    Sans lien avec le ciel

    Je nage en pleine terre

    La tête ennuagée

     

    Je suis damnée

    Niée

    Nue

    Huée

    Dénuée de toutes qualités

    Ma poésie à moi est ouvrage de dames

     

    On m’a damé le pion

    Damnée

    Nue

    Avant l’aube

    Je fus assassinée

    Avant toute sentence

     

    Nuages de Tarkos

    Devant vous je parais

    Déniée

    Dénigrée

    Âme noire niée

    Je hurle à la nue

    Nue huée

    Dénuée

    De tout sens et de toute décence.

     

     

     

                                                 Françoise Donadieu

     

     

     

     ____________________________________________________

    • C. Tarkos (Note de lecture sur Pan, par Jérôme Game)
    interv PoP-PoV.jpg
           29.III.2008         
  • Transcontinentale, poètes du monde entier

    affiche TranscontinentaleA4.jpg

    Samedi 22 mars, a eu lieu au Centre Tempo-Sylvabelle à Marseille la première édition de la Transcontinentale de poésie, créée par l’association Le Scriptorium. Un pari hors du commun,  relevé de la plus belle manière…

    Qui sait que l’année 2008 a été déclarée par l’ONU l’Année  Internationale des langues  ? Objectif : favoriser l’échange et les traductions, et maintenir la diversité linguistique des 6700 langues parlées dans le monde dont une bonne moitié est aujourd’hui menacée de disparition.  Preuve que la langue est un bien précieux, au-delà des outils, un bien par lequel nous découvrons ce que nous sommes, nous préservons notre part de parole vraie et intense.  À Marseille, cette réalité n’aura pas échappé aux poètes du Scriptorium qui depuis près de 10 ans, à l’entrée du vallon des Auffes, travaillent les mots dans leurs vibrations, leurs façons de dire ce qui ne peut être dit autrement…

    Alors l’association fondée et animée par le poète Dominique Sorrente, il y aura bientôt dix ans, avait  décidé de fêter la Journée mondiale de la poésie  créée par l’UNESCO par un nouveau projet, nommé « La Transcontinentale - poètes du monde entier ». Défi audacieux pour une association indépendante qui compense l’absence de moyens par un fort engagement de groupe. Et le pari fut tenu dans la belle salle décorée du centre TEMPO: réunir à Marseille des voix de différents continents pour faire entendre la poésie d’une rive à l’autre.

    Un public dense (pour cette fois, la belle salle des réunions n’était pas assez grande) s’était mis à la hauteur de l’événement. Trois heures durant, chose rare voire exceptionnelle par les temps qui courent, on a vu se succéder les lecteurs évoquant et faisant entendre  des noms qui résonnent dans les mémoires à travers les lieux et les moments de l’histoire (plusieurs furent des prix Nobel en leur temps) et qui chacun à sa façon portent l’aventure des mots : le chilien P.Neruda, le mexicain O. Paz, l’indien R.Tagore, la russe M. Tsvetaeiva, le tchèque V.Seifert, les persans Hafiz et Khayyam…Une lecture polyphonique, mêlant langue d’origine et traduction française. Les voix des poètes disparus ont pu ainsi rencontrer celles des poètes contemporains invités pour l’occasion, dans un  itinéraire qui a conduit le public de l’émouvante voix argentine de Vivian Lofiego au brillant poète et astrophysicien Jean-Pierre Luminet. qui fit un choix saisissant de poèmes interrogeant le Cosmos en passant par l’iranien P. Albogassemi, dont la lecture profonde en persan, à la lumière d’une lampe de chevet nous plongea dans une parole immémoriale, ou encore ces poètes « native american » amérindiens, dont Béatrice Machet leur traductrice et leur porte-parole sut faire entendre les cris et les mots de sagesse.  D’une lecture à l’autre ( une quinzaine de lecteurs prêtèrent leur voix à ce périple), dans le rêve, la douleur le rire, souvent l’étonnement, chacun a ainsi pu découvrir la dimension universelle de cette « autre voix » qu’est la poésie, autre et proche, tout à la fois.   

    « Voilà donc notre humeur transcontinentale de poètes intuitistes,avait  annoncé Dominique Sorrente qui fut le maître de cérémonie de cette singulière aventure poétique.,  Une humeur  qui se joue de l’unité des lieux et des époques à seule fin de nous relier pour un soir sur la terre. La poésie n’est-elle pas contre les murs de langage  un chemin de traverse de l’universel ? » Tel le était le mot d’ordre de la soirée où la cause de trois femmes écrivains tibétaine  et chinoise emprisonnées ne fut pas oubliée. 

    L’UNESCO et  P.E.N. CLUB, réseau international d’écrivains, représentée ici par la poète suisse Laurence Verrey, qui œuvre justement pour les écrivains emprisonnés, ne se sont pas trompés sur la qualité et l’engagement de cette initiative née d’un rêve associatif marseillais. Ils avaient choisi de l’accompagner, dès sa première édition, bien qu’elle manque encore du concours des collectivités publiques sollicitées. Ils lui ont reconnu l’énergie et l’enthousiasme des pionniers qui défrichent.

    Le rendez-vous est pris pour la seconde édition de la Transcontinentale. Mais d’ici là, on devine que le Scriptorium, dont la faim de poésie est contagieuse aura encore fait parler de lui.

    Et déjà le 29 mars avec son nouveau rendez-vous « Poètes phares et poètes voisins » dans son local à l’entrée du petit port de pêche du Vallon des Auffes de Marseille, dans le 7ème arrondissement, cette fois…

    Nul doute, les poètes intuitistes du Scriptorium croient comme  l’écrivain St Pol Roux que Marseille est « sœur du monde entier » (c’est d’ailleurs une des formules de la charte de l’association) ; et ils savent qu’ils auront toujours leurs mots à inventer, y compris dans le projet de « Marseille, capitale européenne de la culture ».

    Dans un environnement bruyant où les mots sont si souvent dévalués, les poètes, comme les langues, demeurent une espèce fragile.  Le lancement réussi de « La Transcontinentale - poètes du monde entier » est de ce point de vue une bonne nouvelle pour la bio-diversité de ces mots en liberté qui continuent  de naître sur toutes les rives.
                                                                                                           
                                                                                                             

    Anne Lofoten   

  • Contes de la Méditerranée

     

    1èreCouvContes Méd.jpg

     

       

    Voici quatre histoires vivantes, imagées, racontées sur un ton espiègle qui n’oublie jamais la fantaisie, tout en donnant de délicates leçons de sagesse.

     

    Le petit univers marin de Jeannine Anziani se découvre ici pour notre plus grand plaisir ; il devrait réjouir tous les adeptes de la Méditerranée. Grand enfant ou petit baigneur, chacun fera son délice de ces pages qui peuvent aussi bien être lues sur un tapis de plage que dans le secret de sa chambre.

     

    C’est que la « grande bleue » à la sauce Jeannine Anziani ne manque pas d’attrait. Elle est peuplée d’insolites habitants que la conteuse fréquente depuis longtemps et que son imaginaire nous fait re-découvrir.

     

    Et nul besoin d’avoir le pied marin pour s’embarquer avec Pimpon le voilier rêveur, partager les émotions de Pouloupou, trembler sur le sort réservé à Fifi Filipi la petite sardine, suivre les aventures de Philomène avec sa nasse…Il suffit de devenir lecteur au fil de l’eau ou de plonger un peu dans les profondeurs, ce que facilitent grandement le style alerte de l’auteur, ainsi que    l’ attrayante mise en page et les illustrations variées qui accompagnent l’ensemble de ces petits récits. 

     

    Bienvenue à bord de ces contes, pleins d’allant. À mettre devant tous les yeux. Le rivage de Jeannine Anziani n’a pas fini de nous raconter sa Méditerranée des jours parfois agités mais toujours heureux de vivre. Et qui s’en plaindra ? Philomène le sait bien : les bons contes font les bons amis, c’est bien connu !

     

     

    Dominique SORRENTE

     

     

    ___________________________

     

    Contes de la Méditerranée de Jeannine ANZIANI

     

    illustrations Isabelle Nègre-François et Arnaud Timsit
    Édition Le Lutin Malin - décembre 2007 (11 €)

    ISBN  : 978-2-915546-45-3 

     

    ___________________________________________________