UA-156555446-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Scriptorium - Page 142

  • Poesia « al dente »

     

     

    tablée des Poètes.jpg
    logo Script image.jpg
    LE SCRIPTORIUM
    organise sa
    Tablée des Poètes
     « Promenade en poésie italienne contemporaine »

    le samedi 10 JANVIER 2009  12 H 00
    * * *

    La poésie italienne contemporaine servira de fil rouge à notre Tablée du Script épiphane qui se tiendra au premier étage du restaurant vénitien        Il Palazzio, sur la Corniche à Marseille.

    L'une des originalités de la poésie italienne contemporaine est qu'elle n'a pas délaissé les différents apports de «ses langues» mais a, au contraire, cherché à les mettre en valeur. Cette composante dialectale servira de trame à notre rencontre-intervalle. Sans aucune prétention d’exhaustivité, mais en laissant parler notre ressenti et notre curiosité « intuitistes », nous irons donc à la rencontre de quelques voix majeures associées à des lieux qui les ont nourries : Cesare Pavese et le Piémont, Camillo Sbarbaro et Giuseppe Conte à Gênes, le Frioul de Pier Paolo Pasolini… Les auteurs et lecteurs présents donneront à entendre en version bilingue des aperçus de la diversité poétique italienne qui continue de se manifester aujourd’hui.

    Cette promenade nous conduira jusqu’en Toscane, où André Ughetto évoquera  Les Remparts de Pistoia  de Bigongiari et nous entretiendra également des poètes de la Métamorphose.

    Un troisième temps nous permettra d’échanger sur de futurs projets inter-culturels avec des régions d’Italie.

    Ceux qui le désirent peuvent participer aux préparatifs de cette rencontre-intervalle en nous adressant un texte de leur choix, accompagné de sa  traduction, d’un auteur italien contemporain qui les a marqués, ou toute réflexion utile sur les tendances de la poésie italienne d’aujourd’hui (livres, revues, festivals, etc).

    agenda Tablée1biais.jpg
  • Frontière de l'absence

     

     

     

    Femme de l'absence

    Femme assoiffée

     

     

    Où sont tes mots ?

     

     

    Le vide creuse sa morsure au ventre de l'âme

    le feu remonte la gorge

    sel au bord des paupières

     

     

    Quel est ton nom ?

     

     

    La lame t'aspire vers l'abîme

    Avant la parole

    Avant le souffle          Avant

    le regard

     

     

    Quel est ton cri ?

     

    L'inutile

      

    Ph Serge Vincenti.jpg

     

     

     

    Le soleil

    s'est fait nuée noire

     

     

    Où vas-tu ?

     

    Je cherche un pays perdu

     

     

    Filigrane du doute

    Les désirs s'altèrent dans une nuit marine

    Le pas se fige dans une douleur calcaire

     

     

    Intégrité broyée

    Mort ébréchée

     

    L’écriture  redresse l'abîme

     

     

     

    Geneviève Bertrand

    (extrait de Frontière de l'absenceÉclats d'encre, 2008)

     

     

  • René Char : son pays est mon pays

     

    QU'IL VIVE !

                                                                    

    Ce pays n'est qu'un voeu de l'esprit,

    un contre sépulcre.

    Dans mon pays, les tendres preuves du printemps

     et les oiseaux mal habillés sont préférés

    aux buts lointains.

    La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie.

    Le verre de fenêtre est négligé.

    Qu'importe à l'attentif.

    Dans mon pays,

    on ne questionne pas un homme ému.

    Il n'y a pas d'ombre maligne

    sur la barque chavirée.

    Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.

    […]

    Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles

    sur les arbres de mon pays.

    Les branches sont libres de n'avoir pas de fruits.

    On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.

    Dans mon pays, on remercie.

     

    René Char,

    dans La Sieste blanche in Les Matinaux,

    Gallimard, 1950

     

     

     « Ce pays n’est qu’un vœu de l’esprit, un contre sépulcre » nous dit Char, et pourtant, j’ai le sentiment tangible de sa réalité, de sa vie par-delà la naissance et la mort. Les oiseaux, l’aurore, la bougie, le verre de fenêtre ; la liberté des arbres et le remerciement, touchent concrètement la terre et l’idée. Ce pays n’est qu’un vœu, mais il est en amont de toute vérité.

    Cela, René Char le sait : « Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému. […] Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays. […] On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté. […] Dans mon pays, on remercie. ». Je retrouve dans ces mots simples l’épure râpeuse des phrases courtes et nettes de mon grand-père vigneron, l’idée d’une éthique accrochée à la terre, parce-qu’elle est sous nos pieds et nous fait tenir droit.

    Si le pays de René Char est un pays mental, il n’est pas éthéré ; sa poésie est foncièrement étrangère à toute évanescence. Sa vérité s’ancre dans la terre de Vaucluse et la chair des hommes qu’il côtoie. Char est un paysan qui charrue le pays avec ses mots, un paysan pour lequel la terre nourrit la poésie. L’éditeur José Corti disait de lui : « Char ne croit probablement pas beaucoup à l'inspiration ; mais, au hasard d'une rencontre, à l'aimantation des êtres et des choses. Il sait que le poète est un médium qui perçoit, sait le lieu et la prise. Quand il laboure, il pèse sur la terre ; il va toujours plus loin ; il revient sur le sillon autant de fois qu'il faut. Un manuscrit de Char est toujours la recherche de la dernière perfection. ». Sa poésie est attentive à la nature et soutient l’homme, « […] hiver de 1943,  hiver de la nature confidente et de l’homme pourchassé. », en est un témoignage dans sa pleine dureté.

    Dentelles de Montmirail.jpg
    Les dentelles de Montmirail (cliché O. Bastide)

     

    Le pays de René Char est un pays parcouru, arpenté ; Char est un géomètre de la base et du sommet. Son regard prend l’espace et foudroie : « Dans la plaie chimérique de Vaucluse je vous ai regardé souffrir. Là, bien qu’abaissé, vous étiez une eau verte, et encore une route. Vous traversiez la mort en son désordre. Fleur vallonnée d’un secret continu. ». Il va, le plus souvent, en son cœur, entre Dentelles de Montmirail, Ventoux et Luberon. Là est son pays, au pied du « mont Ventoux, miroir des aigles » ; là, où « L’aphyllante lunatique », « l’aubépine […] verte et blanche », poussent  près de « routes qui ne promettent pas le pays de leur destination », près d’un « sentier qui ne mène qu’au cœur ensanglanté de soi, source et sépulcre du poème », qu’il soit Le Thor, Venasque, Thouzon, Sivergues, lieux mythiques, et non exhaustifs, de l’attachement. Il parle « aux riverains de la Sorgue », car ils sont ses voisins, car ils sont aussi « l’homme granité  […] de Lascaux » et  « l’homme de l’espace ». S’il fallait lui assigner une adresse précise, il serait l’homme des Névons, l’homme des Busclats, l’homme qui reconnaît l’alouette et la bergeronnette, désigne le vipereau. 

     

    Partage eaux Sorgue.jpgQuand « Le pays natal est un allié diminué » signe le lien viscéral du poète avec les terres qui l’ont vu grandir, cela signifie encore son absence de nostalgie véritable d’un passé révolu ; il lui importe plus de porter « les chants matinaux de la rébellion ». Parfois, pourtant, s’exprime la tentation des regrets : « dans le sentier aux herbes engourdies, la chimère d’un âge perdu souriait à nos jeunes larmes ». Mais la « chimère » laisse place à la « vie future » de « ton visage quand tu dors ».

    René Char, homme à la gueule terrible des révoltes humaines, parle, avant tout, de l’homme à l’homme. Son pays est assentiment, parce qu’il est résurgence ; il est bras et verbe tendus vers le ciel adossé à la falaise de Vaucluse sans volonté d’échappatoire :

     

    « Un oiseau chante sur un fil

    Cette vie simple, à fleur de terre.

    Notre enfer s’en réjouit.

     

    Puis le vent commence à souffrir

    Et les étoiles s’en avisent.

     

    Ô folles, de parcourir

    Tant de fatalité profonde ! ».

     

    Son pays est le mien, si je suis à l’écoute des pierres, si je le sais part de ma chair, presque mon être. Son pays est le mien quand je suis attentif au souffle d’un ruisseau, quand le gouffre sous mes pas ouvre le cosmos. Son pays est le mien par l’écriture du drame nourri des lieux et des feux qui l’habitent :

    « Quand s’ébranla le barrage de l’homme, aspiré par la faille géante de l’abandon du divin, des mots dans le lointain, des mots qui ne voulaient pas se perdre, tentèrent de résister à l’exorbitante poussée. Là se décida la dynastie de leur sens. ».

    Là naquit le poème, dans le soupçon incontesté de sa parenté avec les dieux, l’inatteignable et l’espéré…

     

    Olivier Bastide

    (Malaucène, Carnets du Ventoux n°57, octobre 2007)

     

     

    Rare le chant...

     

    Rare le chant du bouvreuil triste,

    L'hiver admiré du Ventoux ;

    L'an nouveau décuple les risques ;

    (...)

    L'écervelée source séduite.

    Le soleil divisé devient ce soir gravide.

     

     

    René Char, in Éloge d'une soupçonnée

                                      (Gallimard, 1988)

     

     

     

     

     

    interv PoP-PoV.jpg

             29.III.2008