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Le Scriptorium - Page 147

  • Transcontinentale, poètes du monde entier

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    Samedi 22 mars, a eu lieu au Centre Tempo-Sylvabelle à Marseille la première édition de la Transcontinentale de poésie, créée par l’association Le Scriptorium. Un pari hors du commun,  relevé de la plus belle manière…

    Qui sait que l’année 2008 a été déclarée par l’ONU l’Année  Internationale des langues  ? Objectif : favoriser l’échange et les traductions, et maintenir la diversité linguistique des 6700 langues parlées dans le monde dont une bonne moitié est aujourd’hui menacée de disparition.  Preuve que la langue est un bien précieux, au-delà des outils, un bien par lequel nous découvrons ce que nous sommes, nous préservons notre part de parole vraie et intense.  À Marseille, cette réalité n’aura pas échappé aux poètes du Scriptorium qui depuis près de 10 ans, à l’entrée du vallon des Auffes, travaillent les mots dans leurs vibrations, leurs façons de dire ce qui ne peut être dit autrement…

    Alors l’association fondée et animée par le poète Dominique Sorrente, il y aura bientôt dix ans, avait  décidé de fêter la Journée mondiale de la poésie  créée par l’UNESCO par un nouveau projet, nommé « La Transcontinentale - poètes du monde entier ». Défi audacieux pour une association indépendante qui compense l’absence de moyens par un fort engagement de groupe. Et le pari fut tenu dans la belle salle décorée du centre TEMPO: réunir à Marseille des voix de différents continents pour faire entendre la poésie d’une rive à l’autre.

    Un public dense (pour cette fois, la belle salle des réunions n’était pas assez grande) s’était mis à la hauteur de l’événement. Trois heures durant, chose rare voire exceptionnelle par les temps qui courent, on a vu se succéder les lecteurs évoquant et faisant entendre  des noms qui résonnent dans les mémoires à travers les lieux et les moments de l’histoire (plusieurs furent des prix Nobel en leur temps) et qui chacun à sa façon portent l’aventure des mots : le chilien P.Neruda, le mexicain O. Paz, l’indien R.Tagore, la russe M. Tsvetaeiva, le tchèque V.Seifert, les persans Hafiz et Khayyam…Une lecture polyphonique, mêlant langue d’origine et traduction française. Les voix des poètes disparus ont pu ainsi rencontrer celles des poètes contemporains invités pour l’occasion, dans un  itinéraire qui a conduit le public de l’émouvante voix argentine de Vivian Lofiego au brillant poète et astrophysicien Jean-Pierre Luminet. qui fit un choix saisissant de poèmes interrogeant le Cosmos en passant par l’iranien P. Albogassemi, dont la lecture profonde en persan, à la lumière d’une lampe de chevet nous plongea dans une parole immémoriale, ou encore ces poètes « native american » amérindiens, dont Béatrice Machet leur traductrice et leur porte-parole sut faire entendre les cris et les mots de sagesse.  D’une lecture à l’autre ( une quinzaine de lecteurs prêtèrent leur voix à ce périple), dans le rêve, la douleur le rire, souvent l’étonnement, chacun a ainsi pu découvrir la dimension universelle de cette « autre voix » qu’est la poésie, autre et proche, tout à la fois.   

    « Voilà donc notre humeur transcontinentale de poètes intuitistes,avait  annoncé Dominique Sorrente qui fut le maître de cérémonie de cette singulière aventure poétique.,  Une humeur  qui se joue de l’unité des lieux et des époques à seule fin de nous relier pour un soir sur la terre. La poésie n’est-elle pas contre les murs de langage  un chemin de traverse de l’universel ? » Tel le était le mot d’ordre de la soirée où la cause de trois femmes écrivains tibétaine  et chinoise emprisonnées ne fut pas oubliée. 

    L’UNESCO et  P.E.N. CLUB, réseau international d’écrivains, représentée ici par la poète suisse Laurence Verrey, qui œuvre justement pour les écrivains emprisonnés, ne se sont pas trompés sur la qualité et l’engagement de cette initiative née d’un rêve associatif marseillais. Ils avaient choisi de l’accompagner, dès sa première édition, bien qu’elle manque encore du concours des collectivités publiques sollicitées. Ils lui ont reconnu l’énergie et l’enthousiasme des pionniers qui défrichent.

    Le rendez-vous est pris pour la seconde édition de la Transcontinentale. Mais d’ici là, on devine que le Scriptorium, dont la faim de poésie est contagieuse aura encore fait parler de lui.

    Et déjà le 29 mars avec son nouveau rendez-vous « Poètes phares et poètes voisins » dans son local à l’entrée du petit port de pêche du Vallon des Auffes de Marseille, dans le 7ème arrondissement, cette fois…

    Nul doute, les poètes intuitistes du Scriptorium croient comme  l’écrivain St Pol Roux que Marseille est « sœur du monde entier » (c’est d’ailleurs une des formules de la charte de l’association) ; et ils savent qu’ils auront toujours leurs mots à inventer, y compris dans le projet de « Marseille, capitale européenne de la culture ».

    Dans un environnement bruyant où les mots sont si souvent dévalués, les poètes, comme les langues, demeurent une espèce fragile.  Le lancement réussi de « La Transcontinentale - poètes du monde entier » est de ce point de vue une bonne nouvelle pour la bio-diversité de ces mots en liberté qui continuent  de naître sur toutes les rives.
                                                                                                           
                                                                                                             

    Anne Lofoten   

  • Contes de la Méditerranée

     

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    Voici quatre histoires vivantes, imagées, racontées sur un ton espiègle qui n’oublie jamais la fantaisie, tout en donnant de délicates leçons de sagesse.

     

    Le petit univers marin de Jeannine Anziani se découvre ici pour notre plus grand plaisir ; il devrait réjouir tous les adeptes de la Méditerranée. Grand enfant ou petit baigneur, chacun fera son délice de ces pages qui peuvent aussi bien être lues sur un tapis de plage que dans le secret de sa chambre.

     

    C’est que la « grande bleue » à la sauce Jeannine Anziani ne manque pas d’attrait. Elle est peuplée d’insolites habitants que la conteuse fréquente depuis longtemps et que son imaginaire nous fait re-découvrir.

     

    Et nul besoin d’avoir le pied marin pour s’embarquer avec Pimpon le voilier rêveur, partager les émotions de Pouloupou, trembler sur le sort réservé à Fifi Filipi la petite sardine, suivre les aventures de Philomène avec sa nasse…Il suffit de devenir lecteur au fil de l’eau ou de plonger un peu dans les profondeurs, ce que facilitent grandement le style alerte de l’auteur, ainsi que    l’ attrayante mise en page et les illustrations variées qui accompagnent l’ensemble de ces petits récits. 

     

    Bienvenue à bord de ces contes, pleins d’allant. À mettre devant tous les yeux. Le rivage de Jeannine Anziani n’a pas fini de nous raconter sa Méditerranée des jours parfois agités mais toujours heureux de vivre. Et qui s’en plaindra ? Philomène le sait bien : les bons contes font les bons amis, c’est bien connu !

     

     

    Dominique SORRENTE

     

     

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    Contes de la Méditerranée de Jeannine ANZIANI

     

    illustrations Isabelle Nègre-François et Arnaud Timsit
    Édition Le Lutin Malin - décembre 2007 (11 €)

    ISBN  : 978-2-915546-45-3 

     

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  • Voix intuitive

    Ce 19 janvier les scripteurs sont redevenus coudoucens et coudoucennes. Ils n'avaient pas oublié les oliviers et la fête jazzy de juillet dernier, lors du Chapitre 1 du Scriptorium. Ils ont rendez-vous cette fois pour un autre Intervalle fondateur. Le Conseil d'Administration de ce même jour a célébré la naissance des Poètes intuitistes.

     

    « Poètes intuitistes ». Qu'on se le dise !
    Intuitiste, comme on entend le tuit tuit qui appelle l'oiseau inconnu.

    Comme on devient zuitiste de l'intérieur des terres.

    Comme on fait danser autour du mot intuition les expériences de laborantins : temps du toujours présent, plaisir de la coïncidence, goût de la création tressée à plusieurs voix, pratique nouvelle avec d'autres arts ouvrant à la chorégraphie des mots, à la poésie chorale.

    Intuitiste : la Voix avec le corps, tout un. Pas de séparation mais des traversées.

     

    Après le soleil provocateur sur la terrasse du milieu de la journée qui exhorte à se mettre «aux abris !», voici donc le temps du feu dans la cheminée protégée par sa crèche d'Épiphanie. On se regroupe autour, comme en scène de veillée à l'ancienne. Une dizaine, bon nombre pour l'échange, l'écoute, les vibrations éprouvées. Chaque moment doit trouver son bon pluriel. En voici un réussi.

     

    Le thème qui les rassemble : «la Voix intuitive». Mais que nous veut la poésie lorsqu'elle précède l'écriture ou qu'elle la suit, qu'elle l'accompagne, la traverse ?

     

    « La poésie est l'autre voix » dit Octavio Paz en introduction du moment. Le nom de poésie zébrée, ni blanche ni noire, a été lâché par le drôle de zèbre qui officie. Hé oui, ce temps sera zébré en effet.

    Où alterneront les voix tranchantes et les voix promenées, voix qui affirment et voix qui caressent, voix pulvérisées et voix infimes de haute dilution... De tout il faudra donc pour faire le monde intuitiste de cet intervalle ; et plus encore de tout et du rien, et de leur aller-retour incessant.

     

    Honneur à un premier absent, Jacques. Des perles de haikus dont il a le secret.

            « Rivière au plus bas

             les truites sont presques nues

             le pêcheur a honte. »

     

    La voix intuitive s'amorce donc ainsi par la plainte de la nature, siècle en péril, le peu de mots né du regard, la respiration d'un haiku à l'autre.

    Slam survient alors du petit Bouddha, présenté par Philojane, qui sait dire «Ok baby» «de tête» et de coeur. Slam par coeur, pour qu'un enfant garde toujours son Bouddha en soi pour accoster au monde. «Ta petite main s'abat sur mon oeil gauche...» Et les participants rompus désormais à la poésie chorale que Nicolas nous a fait découvrir reprendraient volontiers « Allez baby au lit » en rythmique connivence...

     

    Slam encore de Gilbert, Slam à ch'val, qui délivre son texte dans un mouvement de derviche tourneur tempéré. La parole déliée atteste le plaisir, mais aussi la quête de nommer juste, lâche quelques perles et poursuit son énonciation dans une manière de présence instable, «poésie affolée» dira fort pertinemment Françoise.

             « J'ai appris à t'écrire des mots de cheval dans une langue de petit galop » et l'on se prend à suivre cette galopade inquiète et amoureuse, un peu perdue et appelante. « Il y a tant de gens qui me font des signes de la main, tant de gens, tant de gens...»

     

     

    Martial a-t-il fait un signe de la main singulier ? « la poésie intuitive est une méprise ! » lâche-t-il. Gilbert qui a vu des « lâchers d'étoiles » dans sa poésie affolée reconnaît soudain en Martial la figure de l'imprécateur, celui pour qui la cause est déjà entendue. Profération noire, parce que le monde qu'éprouve Martial court à ses pertes et qu'il ne se reconnaît pas dans l'autre poésie. Figure inverse de l'éloge de l'autre, à sa manière. Dialogue serré s'engage alors. L'image de Habacuc, le prophète, est convoquée dans cette séquence de tempête. La voix de l'imprécation est pourtant indispensable, dit un écho qu'il faut aussi savoir accueillir.

      

    Une participante s'étrangle soudain ce qu'il faut pour avoir besoin de sortir de la scène. Passée la surprise, on ne l'entend plus dans la pièce à côté. La question cornélienne du jour fuse alors de la bouche de Nicolas à l'adresse de l'imprécateur : « que choisiras-tu entre sauver une vie et lire un poème ? »  Rires reviennent avec le retour de la provisoire étranglée !

     

     

    Geneviève (Guenièvre) n'a pas de texte (sinon sa belle contribution à la poésie intuitiste) et le regrette à présent. Lui revient le désir du texte manquant. Il y a des textes auxquels on pense toujours lorsqu'ils ne sont pas là. Elle est là, plus que jamais alors, dans une de ses stations secrètes, pour se remettre à l'écoute. Un intuitiste sait bien qu'écouter est le premier commandement du jour...

     

    Béatrice a la voix ferme des mots abstraits pointés en flèches. Elle place, sûre de son tracé, au moment juste de parler. Sa voix sort souvent de l'infinitif présent. Laborantine à son oeuvre de feu. « Aile de flûte.  Cristal magnétique. Forêt » puis plus loin « D'ors et d'ours  ~ Sidéral silence ». Voix de syncopes, voix syncopée. Faut-il tomber dedans ? Ou bien en épouser le rythme ? Plutôt sans doute s'accorder à cette pulsation pour éprouver en soi « l"animal que donc je suis ».

     

     

    La page de Genevova est toute différente. fragments de phrases et de mots dispersés sur la page, et entrée marquée dans le rituel de la prise de parole. Entre l'inclination philosophique et la tension de poésie, les silences du son rejoignent les blancs de la page. Une partition à la fois précise et improbable, car l'instant toujours dit autre chose que l'écrit.

             « Voix      vent     vol retenu      onde ronde     cercle en sa totalité.... » Genevova se voue à ce cheminement qui apprête la voix, l'explore dans ses mutations, à ce temps de l'indicible qui parcourt la parole en tous ses états jusqu'à ce moment d' «alors la voix devient prière ». Le temps des mots, entre l'inarticulé et le dit, en bas de page aura tourné sa meule.

     

    Autre et pourtant le même...

     

    Un instant, le plaisir des qualifications reprend parmi les intervalliers ; il ne désertera guère le lieu et le moment. On repère les formes psychiatriques des traceurs d'écriture : les obsessionnels, les schizoïdes sont les figures dominantes. Ici, dans cet Intervalle, l'obsessionnel qui règne dans l'air ambiant de la poésie française contemporaine n'est pas à la fête. Plusieurs scripteurs parlent de ces commencements toujours glissants, des jeux de formes toujours à l'oeuvre, de l'oeuvre qui n'est pas ce mastodonte certifié conforme rêvé par certains surmoi... Diversité, kaleïdoscope, mouvement de propositions... Les intuitistes se découvrent cette vertu-là de la recherche toujours en état d'alerte, avec le petit démon de l'éclatement pour viatique. Douce schizoïdie de ce temps poétique... Vécue à plusieurs, on l'apprivoise mieux sans doute.

     

    Françoise se lève. Elle a lu Gherasim Luca à la suite des voix slameuses. Puis elle a donné des Planches courbes de Bonnefoy pour faire entendre La Voix incertaine.

     

    C'est de là que Dominique a fait écho en lisant La Voix absente de Valérie. Voix doublement absente ce jour parce que l'auteur n'est pas là et qu'elle évoque un territoire d'arrière-monde, et pourtant voix étonnamment offerte, au milieu de l'instant, placée soudain dans l'énergie du cercle par la lecture de l'officiant. On entend le refrain « Elle est » tourner et revenir derrière l'absence jusqu'à l'assertion finale « Elle est passerelle ignorée vers le monde ».

     

    Françoise lit Porto. Dans l'émotion limite des mots qui se libèrent et qui éprouvent. « J'ai fait l'amour avec les vagues / Qui m'aime m'a aimée m'aimera / Jamais / Jamais / J'ai fait l'amour avec la mer.» Le poème suit son périple entre impression du sordide et lumière fichée sur la hauteur. Dobrigado, Françoise ! Porto obtient son billet es géographie intuitiste pour conduire une avenue jusqu'à l'acropole, avec son "a" minuscule majuscule.

     

    Nicolas dit par coeur quelques vers que sa tête penchée vers l'avant et de ses mains concentrées l'une à l'autre sont allés sortir de terre. La poésie intuitiste est aussi là de savoir surgir et s'effacer sans laisser de trace. Écologie suprême du langage...

     

    A la passerelle de tout à l'heure répondent en bout de route les Aphorismes de l'oiseau passeur de Dominique. «Dans la tourmente, garde toujours près de toi une queue de sirène» a la faveur de certains. D'autres préfèrent «l'océan à la hanche de sel». Poète est passeur pour celui qui écrit cet aphorisme-là, être d'aller-retour, de nulle discipline, parce qu'il les traverse toutes.  Et oiseau, dans son désir aérien d'un autre état. Pratiquant de l'aphorisme, une de ses respirations formelles qu'il affectionne, parce qu'il appartient à l'ouvert, au jeu des demi-cercles du monde. Intuitiste, cette démarche des mots-brèches, hors le «cristal arrogant du concept».

     

    C'est l'heure du gâteau des rois qui réclame à présent.  Intuitistes devenus soudain fringaliers ! Quelques dents heurteront la fève et les sujets. On se couronnera au son du champagne et de denses conversations sur les houillières de Gardanne. Terre souterraine et ciels tutoyés, quand confettis seront lâchés sur la terrasse en autant de poèmes pulvérisés....

     

    Le Script épiphane aura vécu. Intervalle en voix plurielles et mêlées.

     

     

                                                                                       D. Sorrente

     

     

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    Auteurs du Scriptorium cités : Jacques Ferlay, Jeannine Anziani, Gibert Arbogast, Martial Teboul, Béatrice Machet, Valérie Brantôme, Geneviève Bertrand, Geneviève Liautard, Nicolas Rouzet, Françoise Donadieu, Dominique Sorrente.