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Le Scriptorium - Page 141

  • Nuit de Chine pour la Tablée des poètes 2002

     

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    La deuxième Tablée des poètes du Scriptorium s'est tenue le 14 décembre 2002 au restaurant Le Phénix d'or à Marseille. Un bout de muraille percée à côté des clameurs du Vélodrome. Nous y étions…

     

    " Nous suons, nous peinons, comme bêtes de somme.

    Et pour qui ? Pour lui seul ; nous n'en profitons pas :

    Notre soin n'aboutit qu'à fournir ses repas."

     

    La Fontaine, Les membres et l'estomac, III, (1668-1678)

     

    J'ignore si les messires Gaster, papilles et autres consoeurs ont apprécié la pause gourmande organisée pour la seconde année consécutive par le Scriptorium. Mais sur la table du Phénix d'Or, on a pu voir circuler de part en part, des assiettes royales avec beignets de nems, salades au crabe et raviolis chinois. Puis, dans une deuxième phase, toujours en regardant ses baguettes, tâter tout à tour du poulet sur plaque, du porc sauce piquante, du canard laqué et des crevettes aux légumes. Sans oublier le riz cantonais qui coulait comme de la soie à côté d'un rosé servi frais. Plus tard, il m'a semblé que l'invisible cuisinier qui nous nous nourrissait était venu nous parler de laque, de nacre et d'ivoire. Évidemment, c'était pour nous désigner de succulents dés de nougatine, le dessert.

     

    Impossible également, lors de cette rencontre "Poésie de Chine" proposée par le poète Dominique Sorrente à ses convives et amis poètes, de ne pas tirer l'aliment poétique qu'ils étaient venus chercher. C'est que le souci pédagogique que le poète partage de coeur avec ses discernements imaginaires nous ont vraiment permis d'engager cette marche tant attendue vers la poésie. Marche nonchalante vers laquelle il sait nous conduire " la main tenant" comme il le confiait déjà dans un des ses précédents parcours poétiques "La terre accoisée". Par exemple, à l'un des carrefours de paroles de la tablée, il eut cette trouvaille un peu intrigante. À l'origine , disons une sorte de jeu de dix-neuf cartes (nous étions dix-neuf à table), et sur chacune, la possibilité d'inscrire une forme poétique librement inspirée de la Chine.

     

    À chaque invité donc, sa mesure de grains de poésie. Leur réunion, on l'aura compris, a ainsi pu constituer le socle de notre univers présent. On a pu ainsi apprécier un distique de Geneviève Liautard :

     

    "Lorsque passe une cigogne, suis-là du regard :

    Elle porte sur son dos, n'en doute pas : un Immortel."

     

    Ou bien encore, un alexandrin d' André Ughetto, dédié à la paix, terme dont le caractère chinois permet en l'espace d'un ou deux tracés simplifiés de voir fraterniser l'équilibre et l'harmonie :

     

    " La paix étale comme un lait de lune sur le lac."

     

    Sans oublier l'ivresse triomphante, jamais morose d'autres "bijoux" poétiques dans le cadre étroit d'un quatrain ou dans l'envol fougueux d'un verset de l'Empire du milieu.

     

                          Chantal Leclerc-Jouisse

     

               DÉCEMBRE 2002

     

     

     

     

     

  • Rencontre des commencements : une soirée avec A. Gence

     

    En préambule.

    L'automne prochain signera les dix ans du Scriptorium. Au fil des pages de cette rubrique "Rétro", viendront prendre place quelques-uns des rendez-vous marquants dans la vie de l'association. Traces colligées, réveillées de leur sommeil d'archives, inscrites en partage dans l'univers virtuel du blog. Une manière "à rebours" de donner vie à la «légende» du Scriptorium... 

    Novembre 1999. Rencontre des commencements. Le Scriptorium, exprimant par là son attachement à explorer les axes qui joignent la poésie aux autres arts, reçoit le peintre André Gence. Moments de partage des rythmes du pinceau qui disent la Vie dans leur recherche de la cohérence des formes. Aux croisements de la poésie.

                                                                                                                                               VB

     

     

    *

     

    « Entrer dans un rythme, c’est se rendre disponible

    à la pensée pure, libre et créatrice de nouveauté »

     

    *

     

    A-Gence.jpgCette rencontre est à marquer d'une pierre blanche qui pourrait bien être une stèle à la veille de débarquer dans l'an 2000.

    Elle salue en effet la naissance du Scriptorium dans son lieu-dit, un cabinet de pédiatrie dans l'ordinaire des jours qui, ce soir-là, s'ouvre à ces rencontres dont la poésie est la médiatrice. Le premier invité est une insolite et remarquable figure de la vie artistique et spirituelle contemporaine, habitant à Marseille : le peintre et prêtre André Gence. Peintre subtil et orateur intarissable, André Gence a la passion du témoignage qui semble défier son âge vénérable. De son oeil pétillant, de sa voix fragile et prenante, il communique une énergie pour tout ce qui le fait vivre.  Il sait s'indigner quand il le faut et attiser les enthousiasmes, d'où qu'ils proviennent. Ce soir-là, André Gence dans son inséparable costume gris, emporte l'auditoire vers une méditation, entre sourires et convictions,  qui ne sera pas oubliée. Homme à soulever des montagnes, au moins dans les esprits trop humains, il montrera aux premiers habitants du Scriptorium que la première page est toujours à écrire. 

     

                                                                          « La nature est un texte »

     

              Extraits du mot de bienvenue de Dominique Sorrente

     

    « On inaugure aujourd'hui les rencontres du Scriptorium. D'entrée de jeu, disons-le : inutile de comparer ce moment singulier avec la Cité de la Réussite qui se tient actuellement au Pharo à Marseille... Le Président de la République n'est pas annoncé. L'auditorium est plus confidentiel. On garde près de nous la devise de Pierre Seghers: "seuls quelques-uns"...

     André Gence est l’exemple d’un artiste complet, au sens où Thomas More parlait « d’homme complet ». Seul avec son chevalet, mais aussi créateur de vitraux pour des églises ou des lieux publics, animateur d’ateliers pour enfants des quartiers pauvres, inventeur de sessions de peinture, et, bien sûr, prêtre dans son ministère… Complet, parce que tout cela en lui n’est pas séparé. Aujourd’hui, nous allons regarder des peintures en présence de celui qui les a fait naître. Et en agissant de la sorte, nous aurons aussi une leçon de vie intense à partager… 

    …C’est un homme qui sait que « tradition » signifie transmettre, passer de la main à la main. Rien de celui qui se drape dans sa petite gloire.  André à 82 ans n’en finit pas d’agir au quotidien. Son oeuvre expérimente la parabole des pains multipliés. Pour tout artiste, pour tout amateur d’art, la conscience de ce passage de signes à travers le temps est une expérience capitale. Avec André Gence, le Scriptorium peut éprouver la vérité d’un art qui relie les hommes… 

    …Il y a moins de dix ans que nous nous connaissons, cher André. Dès notre première rencontre, il y avait pour moi une évidence : celle d’une amitié nourrie à plus qu’elle-même : la source première où fin et commencement se rejoignent et s’allient.

     Cher André, je suis heureux que ce premier moment du Scriptorium soit placé sous le signe, ô combien fraternel, de ton aventure artistique ».

    Marseille, le  20 novembre 1999

     

    *

    « Je suis en moi quand je suis relié

    à un Autre que moi   » 

     

    *

     

     

    Regarder un tableau d’André Gence

     

     

     

    La première émotion : ténue comme une braise

    survivant sous la cendre .

     

     

    Aux ténèbres surmontées, devant le seuil  Demeure du mystère - AGence.jpg  

    perlé que l'aube franchira

     

     

    - et quelquefois, avant de s'élancer,

    colombe de feu vif, elle s'annonce

     

     

    pareille au crépi d'une tiédeur,

    frémissement de tourterelle à la face d'un mur -

     

     

    le peintre est le témoin de la lumière essentielle

    plongeant son ombilic au goudron de la nuit,

     

     

    émanation par la nuée d'inconnaissance pure

    et signature de la Joie .

     

     

    Icône de la liberté passant les portes,

    révélée, révérée comme le centre

    de toute profondeur,

     

     

    on ne te représente pas .

     

     

                                                 André UGHETTO

     

     * 

     « En peinture, je voile et je dévoile » 

    *

     

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     *

     

    « La couleur est secondaire, fille de la lumière »

     

     

     *

     

     

    Sur André Gence, biographie sur le site de Terre de Lumière.

    Voir aussi  Art et spiritualité.

     

     

  • Le sens de l'humeur

     

     

    L’époque requiert autre chose que de fades ressassements, des discours de mise en conditionnement sur la sortie d’une crise dont nous ne savons pas même épeler le nom et qui nous tient lieu de réserve en hystérie. La vie mérite plus que joliesses en sucre, visages dépités devant une caisse d’hypermarché ou exercices douteux de mise en urne.

     

    Devant l’enchaînement des rouages qui nous gardent collés à la métaphore de la machine, que proposer, que dire ? Nous n’avons que faire de « faire bouger les lignes » (laissons aux pêcheurs et aux poissons ce grand art) comme s’exténuent à le répéter ceux qui ont le "sentiment" de tout dans leurs commentaires journaliers. 

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    Nous sommes démunis, c’est un fait. Un fait et une chance. La pauvreté essentielle des mots, dont le sac dans lequel nous piochons, appartient à tous. La seule question alors qui importe est la suivante : quels mots choisirons-nous pour passer le trottoir, brouiller les codes, risquer un vrai bonjour, adresser les messages personnels  qui  annoncent un débarquement de l’âme ?

     

    Ce que nous voulons apprendre à vous offrir, toujours mieux : des humeurs de sacre et de massacre, spontanément distribuées. Au gré d’événements manifestes ou insoupçonnés. Tentatives d’aller visiter l’envers du décor, le trou dans la serrure, les dévastations au réveil et le génie du millimètre accompli en tenue d’insecte. Elles sont colères sans auréoles contre les lieux communs qui nous badigeonnent malgré nous ; elles s’espèrent salutaires, au moins comme les planches qui n’ont pas encore atteint leur état de moisissure sans retour.

     

    Le Scriptorium, en doutiez-vous,  est aussi un petit village latin qui résiste contre tous les envahisseurs de la parole-poésie. Pays de flèches acérées qui rêvent de surprendre un jour la surprise, sans pour autant en faire tout un plat. Terre meuble d’une caravane invisible qui passe. Geste d’insurrection des phrases et d’avènement du rire nouveau.

    Un cryptorium, si l’on veut ! 

     

    Pour saluer le tournant de l’année qui vient, notre vœu pour vous et vos proches est que la joie d’être ensemble circule de fond en comble, de la cave au grenier, et par toutes les trouées du jour, parce qu’entre nous et ceux qui nous rejoindront, il y a de plus en plus à voir comme à entendre et à toucher.

     

     

     Dominique Sorrente