
Saint Hilaire en Lubéron
"L'abbaye est un continent avec son navire de pierre". La petite troupe y trouve une escale au soleil d'un jour de paix momentanée "pax momentanae".
S'il est rare que des comédiens se produisent au soleil, il est pourtant des lieux où la poésie tire la scène vers la lumière. A Saint Hilaire en Lubéron, quelque part entre un treizième siècle de retour de croisades et un vingt et unième au milieu de cailloux d'orient, la parole était aux scènes et aux poèmes, aux dits et aux monologues, dialogues et actes en vers et proses.
Coté jardins, entre les gradins de dalles irrégulières plantés d'olivier, le Giono de la leçon d'avarice de Noé s'était fait discret. Entre les sonnets de Shakespeare, les réparties de Molière, un poète nous a indiqué "je me sais habitant de ma belle endormie".

Coté cour, à l'ombre des grands murs et du clocher de pierres bien taillées, la Locandiera nous a accueillis. C'est là que nous avons reçu un courrier venu de quelque part du coté d'Epidaure qui nous a dit:" On inspire les yeux et on expire longuement".
Et si les ermites du lieu tenaient ce jour là une auberge italienne, où la parole était la première pensionnaire, il ne manquait que le mistral. Certains diront qu'il nous aura épargnés: il ne nous a pas fait son coup, il n'est pas venu se glisser sous nos vêtements et nos cheveux ne se sont point trouvés ébouriffés. Nous n'avons fait alors que "suivre le poème quand il devient coup de théâtre".
De fait, Cyrano n'était pas venu, nous n'étions pas dans la grandiloquence, dans le monde des poèmes, des mots et des jeux de mots, dans le simple langage. Le mistral n'est pas venu et comme la écrit Edmond R. à propos d'un nez théâtral et emphatique:" Aucun vent ne peut...t'enrhumer tout entier, excepté le mistral!".
Nous l'avons échappé belle, "expirons longuement".
Gérard Boudes

photos Hélène Chambon