UA-156555446-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les feuillets de poésie - Page 6

  • Exil, retour ~ Henri Tramoy

    Train_nuit.jpg

    Source

     

    EXIL, RETOUR

    (extrait)

     

     

     

     

    Y a-t-il place pour d'autres dire

    Plus hauts que cathédrales et leurs démons de pierre

    Accrochant aux nuages les vestiges des siècles

    Voici mon chant ma danse et mon espoir L'exil

    Est au dedans de moi mais déjà je reviens

    Vers mon Esclavonie.

     

     

    ***

     

     

    Là-bas dans l'ombre londonienne

    Aux couches des bourgeois j'ai changé les draps surs

    Et appris quelque écho de leurs rites

    Les traces qui maculaient leur linge

    Écrivaient mon malaise quand tôt passé le goût

    Du dépaysement du folklore de l'exotisme

    Le despotisme de salon des droits qu'ils s'arrogeaient

    Me renvoyait l'image de ma roture

    Ô le chant de ce train qui ramène au pays

    La fierté de mon peuple

    Et ma soif s'apaise à la chair

    D'une tomate olive et mon palais s'égaie

    D'un fromage de brebis

    Sur les chemins de mes orages

    J'ai rencontré mes frères aux barreaux de vos bagnes

    Au fond des fosses creusant l'humidité des villes

    Dans le chahut des marteaux-piqueurs

    Et le silence des rues sur eux retombe

    Criant l'angoisse des heures sans sommeil

    Alors ce train

    Traversant les frontières comme on célèbre un rêve

    Renversant les alliances les leurres

    Roule vers l'avenir

    Ô fumer en silence cigarette sur cigarette

    Des américaines de préférence avec un bout doré

    Demain

    Se lèvera le premier jour de ce qui me reste à vivre

     

     

    ***

     

     

    La porte du compartiment s'ouvrit il savoura ton regard l'idée déjà

    de te connaître deux exilés à se chercher à se connaître et pourquoi

    pas au hasard on partagera les victuailles et notre angoisse s'efface

    un paysan projette le linge blanc de son repas et le convoi s'égare

    tiré par deux colombes la nuit est un alcool et ses heures bleues

    vacillent le printemps renaît au plein coeur de l'été s'avance

    il pose son regard par la chemise ouverte entrevoit leur histoire

     

     

    ***

     

     

    (une mouche troubla l'instant qu'il chassa)

    Et déjà les jours à venir

    La traversée des sables des villes des tunnels

    Déjà leurs mains qui se hèlent

    Les yeux plongés au plus secret de l'autre

    Les jours et les nuits l'oubli de l'exil des mondes armés

    Quand la Terre se décrit comme patrie commune

    Au vent des frontières socialistes la belle le rebelle

    Et l'autre encore son pays se dit yol

    Parti se vendre au nord de l'homme

    Et plus au nord encore que personne ne croît

    Que Günther écrivit et vécut à sa place

    Dans sa chair et son âme

    Crachant sa germanité aux pieds de ses bourreaux

    Pour mieux la regarder en face

     

     

    ***

     

     

    Laisse entrer la nuit dans ton compartiment

    Smiljka aux yeux de camomille

    Ton chant au plus intime gonfle ta robe

    D'un orbe palpitant qu'appelle la caresse

    Et l'humide de ta lèvre le désaltère

    Chassé des cuirs endimanchés de têtières blanches

    Quand la première classe exclut du rang des voyageurs

    Les hommes des figuiers et des orangeraies

    Et le gardien des règles suisse de préférence

    Colle une amende en douce pour usage usurpé

    Des moquettes réservées

    Ah écraser une cigarette encore rouge

    Sur ses galons glacés

    Ô laisse entrer la nuit dans ton compartiment

     

     

    ***

     

     

    Vous parlez un sabir

    Qu'aucune académie ne saurait reconnaître

    Mais la tienne au grand jour

    Vaut bien cet écart de langage

    Entre tes dents s'égare sa langue

    Dans le silence qui rythme la conversation de vos yeux

    Tu restes énigme

    Et pourtant tu te livres

    Et se délivrent les lignes sages

    Ô livre à peine un corps ouvert

    Effleuré de peur d'y découvrir des cités interdites

    Au bout de tes secrets un à un arrachés

    À la musique muette de ton regard mica

    Une eau mêlée de cobalt et d'ozone

    Smalt d'azur écrin des îles de Dalmatie

    Luit

     

     

    ***

     

     

    Dans les sommeils de mon enfance

    Il me souvient d'avoir grandi au sein d'une louve

    Ô ouvre ta chemise de violettes noires

    À la bouche égarée qui me mord

    La soie de ton sourire when you smile en silence

    Ô l'oiseau de ta peau ton sein de miel

    Retrouver avec toi les courses de rivière

    Et les flots de soleil

    Les frontières s'effacent les grands oliviers bleus

    Ta terre mouillée et ses chevaux de nuit

    T'emportent sur leurs vagues

    Ce train file et au bout du voyage

    Est le commencement

    Ta main se pose sur les heures qui se comptent

    Et mon pouls bat l'amble de nos espoirs liés

    Voici ton chant ô Smiljka de miel et de mica

     

     

    [...]

     

     

    Henri Tramoy

     

    extrait de “Exil, retour

    Bulgarie 1968 / France 1987

    in Ecrits poétiques rassemblés (volume I)

    Ed. Presse & cousoir, 2011

     

     _________________________________

     

    H_Tramoy.jpgHenri Tramoy est poète. Il dirige également les éditions Les Solicendristes et co-anime la revue Soleils et Cendre.

     

  • Rire ~ Pierre-Albert Jourdan

    fleur de rocher.jpg

    Rire

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L'agitation est telle que cette boue des pensées devient nuage, que dispersion devient ce grand nuage sombre dans ton  ciel. Cela tu es à même de le constater : car la page est blanche, toujours blanche !

    Peut-être as-tu senti jusqu'à l'écoeurement cette triomphale présence des choses comme l'extase d'un monde dispensé de justifications. D'un monde, non de silence mais où le silence ne fait pas tache. Et toi, tu es mélange et toutes ces griffes lancées dans le vide composent ton visage. Laisse-le donc déposer le fardeau, nettoyer cette boue. Élève-le jusqu'au rire du ciel clair.

     

     

     

    Pierre-Albert Jourdan

     

    (L'espace de la perte,

    Éditions UNES, 1984)

     

  • Poèmes Au fil de l’eau

     

    Il y a dans la campagne une pluie qu’on ne sait

    pas lire encore, elle n’a pas commencé à tomber

    mais déjà, elle fait refermer le livre des malheurs

    dont on n’a su qu’effeuiller les pages.

     

    À peine

    cette pluie entrouvre-t-elle

    une ancienne monotonie qui vient avec le soir

    et cela suffit

    aux manières d’oiseaux,

    au chemin qui part devant soi ravir la lumière.

     

     

     

    oiseau de pluie.jpg

    Source 

      

     

    Sous le pont de Peut-être

     

     

    Peut-être écrivons-nous

    sans cesse

    une scène d’avant le déluge,

     

    ou bien un récit

    qui s’emploie nuit et jour

    à déchiffrer la source,

     

    ou bien encore une tribu de fantaisies

    à multiplier les alibis

    au creux des eaux dormantes.

     

    Peut-être écrivons-nous en goutte à goutte

    pour ne pas désespérer de trop

    la liturgie du vert.

     

    Peut-être écrivons-nous

    sous le tumulte des rivières,

    sans faire attention au niveau

    qui descend, qui descend.

     

    Peut-être écrivons-nous en polissons indignes

    pour tirer la nappe phréatique

    à la barbe des prévisionnistes.

     

    Peut-être écrivons-nous

    pour rejoindre l’exact partage des eaux

    entre l’insignifiant et le décisif.

     

     

     

    Peut-être écrivons-nous

    pour atteindre le lac

    dans sa gloire anonyme.

     

    Peut-être écrivons-nous

    pour nous désengorger,

    pour nous désaltérer,

    pour nous offrir la poire

    jusqu’à plus soif.

     

    Peut-être écrivons-nous

    pour ne plus nous baigner deux fois

    avec Héraclite

    dans le même fleuve pollué.

     

    C’est autant de raisons pour quoi

    les fronts des auteurs que nous sommes

    parfois

    ruissellent.

     

    Dominique Sorrente 

     

     

    Partage des eaux.jpg

    Source

    Le Partage des eaux

     

     

    le seuil délivre l’eau en partage le sens de belles stries j’étais ici un soir je me souviens du vent des sorties familiales du poète ses mots ceux qui allaient par barques poussant de longs bâtons dans le courant

    sortie il y a peu du roc en gouffre avide et résurgent en bascules comptables des millénaires et des fournaises nues fumées des matins neufs porte entrouverte vers midi et le soleil crissant d’oiseaux énigmatiques

    hommes qui marchent d’un pas simple qui mangent à leur table qui parlent car il faut dire les distinctions notables de la beauté des eaux en deux cours dévolus être la fonte des massifs des maquis la dilution des fugues en cascades le cours le glissando d’algues et de fraîche envie

    c’est le soleil musqué les renoncules et le doux et le frais et l’ample déraison qui s’ébrouent vivement à l’arrondi des plaines

    c’est moi c’est toi l’aube et le crépuscule l’étoile le désir bleu l’eau sans cesse issue de nous qui délivrent des maux

     

     

    Olivier Bastide

     

     

     

    >> Détour en poésie aussi ICI