à Patricia Le Roux,
décédée le 17 octobre des suites de ses blessures lors d'un accident, à Paris.
Dans la constellation de ses vies (mère de 4 enfants, pédiatre en cabinet, urgentiste à l'hôpital de la Timone, chercheuse en homéopathie, auteur de plusieurs ouvrages scientifiques en langue anglaise, allemande et française dans cette discipline, syndicaliste, membre des Officers du Comité européen d'Homéopathie, pratiquant la flûte traversière dans des ensembles de chambre, directrice d'un groupe de chant choral, navigatrice, généalogiste familiale, polyglotte en anglais, allemand, italien russe...), elle accueillit aussi comme mécène les poètes du Scriptorium dans son cabinet de pédiatre au vallon des Auffes à Marseille, à partir de 1999.
Voici quelques mots pour la saluer en poésie.
Saison, couleur de Sienne
Il y a une femme, devine que c’est toi,
qui revient harassée de tous ses soins d’enfants,
une femme au manège à la tête de cœur.
Elle range au jardin d’été les anecdotes des insectes,
balaie les cendriers d’un regard,
elle enfonce en terre les impatiences.
À table, on lui demande : remplis bien
les carafes qui font parler dans tous les sens,
distrais l’ange joufflu de la fontaine,
sur les charbons désoriente la braise
pour alerter les oiseaux du bonheur
Mais elle, sorcière déconcertante
aux jambes de plein soleil offertes en alibi
comme si de rien n’était
acquiesce.
Dominique Sorrente
Extrait de Mandala des jours , 2007
Traversière
En ce temps-là,
la flûte s’en va,
lissant le monde de sa durée et de sa hâte.
Elle passe à travers les murs,
logeant ses habitations dans le vent.
L’air travaille sous les plateaux. L’air joue
sur les dunes immenses.
De colonne en colonne, sa royauté respire
bien au-delà de nos mémoires d’aigle
ou de serpent ou de danseur
jouant son pas sur la grand-place.
Ainsi par elle
se dresse l’arbre.
Traversière en ce temps-là,
traversière de ce temps-là.
La flûte va
jusqu’à la plus infime tige d’herbe
qui se souvient de Dieu.
(extrait de La Terre Accoisée, 1998)
Celle qui devient abeille
Seule avec tous, sans mot d’ordre,
elle se hâte en héritière de nos traces,
noyau gonflé de miel.
Sur les barres de fer du futur,
de ses pieds libres et soulagés, elle danse.
Parfois elle s’amuse
à ne plus du tout parler sur nos lèvres.
Avec le quotidien
qu’elle sculpte en son corps,
elle fait silence.
Silence
à la nuit rousse des collines,
dans les prémisses de l’éclair.
Et puis un jour, vous la voyez vraiment.
Interminable et fugitive, c’est elle,
l’abeille enceinte de l’été.
DS
(extrait de La terre accoisée, 1998)
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