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Le Scriptorium - Page 108

  • Hommage à l'épouse disparue ~ Dominique Sorrente

    Patricia LE ROUX SORRENTE 1958 - 2011.JPG

     

        à Patricia Le Roux,

    décédée le 17 octobre des suites de ses blessures lors d'un accident, à Paris.

    Dans la constellation de ses vies (mère de 4 enfants, pédiatre en cabinet, urgentiste à l'hôpital de la Timone, chercheuse en homéopathie, auteur de plusieurs ouvrages scientifiques en langue anglaise, allemande et française dans cette discipline, syndicaliste, membre des Officers du Comité européen d'Homéopathie, pratiquant la  flûte traversière dans des ensembles de chambre, directrice d'un groupe de chant choral,  navigatrice,  généalogiste familiale, polyglotte en anglais, allemand, italien russe...), elle accueillit aussi comme mécène les poètes du Scriptorium dans son cabinet de pédiatre au vallon des Auffes à Marseille, à partir de 1999. 

    Voici quelques mots pour la saluer en poésie. 

     

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    Saison, couleur de Sienne

     

     

    Il y a une femme, devine que c’est toi,

    qui revient harassée de tous ses soins d’enfants,

    une femme au manège à la tête de cœur.

    Elle range au jardin d’été les anecdotes des insectes,

    balaie les cendriers d’un regard,

    elle enfonce en terre les impatiences.

     

    À table, on lui demande : remplis bien

    les carafes qui font parler dans tous les sens,

    distrais l’ange joufflu de la fontaine,

    sur les charbons désoriente la braise

    pour alerter les oiseaux du bonheur

     

    Mais elle, sorcière déconcertante

    aux jambes de plein soleil offertes en alibi

    comme si de rien n’était

    acquiesce.

     

     

    Dominique Sorrente

    Extrait de Mandala des jours , 2007

     


     ange_joufflu.jpg


     

     

    Traversière

     

     

    En ce temps-là,

    la flûte s’en va,

    lissant le monde de sa durée et de sa hâte.

     

    Elle passe à travers les murs,

    logeant ses habitations dans le vent.

    L’air travaille sous les plateaux. L’air joue

    sur les dunes immenses.

    De colonne en colonne, sa royauté respire

    bien au-delà de nos mémoires d’aigle

    ou de serpent ou de danseur

    jouant son pas sur la grand-place.

     

    Ainsi par elle

    se dresse l’arbre.

     

    Traversière en ce temps-là,

    traversière de ce temps-là.

     

     

    La flûte va

    jusqu’à la plus infime tige d’herbe

    qui se souvient de Dieu.

     


     (extrait de La Terre Accoisée, 1998)

     

     

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    Celle qui devient abeille

     

     

    Seule avec tous, sans mot d’ordre,

    elle se hâte en héritière de nos traces,

    noyau gonflé de miel.

     

    Sur les barres de fer du futur,

    de ses pieds libres et soulagés, elle danse.

     

    Parfois elle s’amuse

    à ne plus du tout parler sur nos lèvres.

     

    Avec le quotidien

    qu’elle sculpte en son corps,

    elle fait silence.

     

    Silence

    à la nuit rousse des collines,

    dans les prémisses de l’éclair.

     

    Et puis un jour, vous la voyez vraiment.

    Interminable et fugitive, c’est elle,

    l’abeille enceinte de l’été.

     

     

    DS 

    (extrait de La terre accoisée, 1998)


    _________________________________________________

     

  • Les siècles de l'hiver

     

    Montagne aride.jpg

    source

     

     

     

    Le gris, l'agacé, le brun, le farouche

    tu craques dans la beauté fantôme du froid

    dans les marées de bouleaux, les confréries

    d'épinettes, de sapins et autres compères

    parmi les rocs occultes et parmi l'hostilité

                           

    pays chauve d'ancêtres, pays

    tu déferles sur des milles de patience à bout

    en une campagne affolée de désolement

    en des villes où ta maigreur calcine ton visage

    nous nos amours vidées de leurs meubles

    nous comme empesés d'humiliation et de mort

     

    et tu ne peux rien dans l'abondance captive

    et tu frissonnes à petit feu dans notre dos.

     


    Gaston Miron



    extrait de La vie agonique, L'homme rapaillé,

     [NRF, Poésie/Gallimard, 2007]

     

     

     

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    Voir aussi Gaston MIRON sur PIERRE DE LUNE 

     

  • De James U. Curtin à Martino Baldi

     

    Grenade_Quarantine Point.jpg

    Source

      

     

     

    Sulla tomba di James U. Curtin, nel centenario della morte

            A Quarantine Point, un promontorio roccioso proteso a mezz’aria verso il mar dei Caraibi, che lo circonda quasi a trecentosessanta gradi, all’estremo sudovest dell’isola di Grenada, in mezzo a grandi pietre rade sparse su un prato misteriosamente verde e apparentemente curato in mezzo alla foresta bruciata dalla stagione arida, c’è una sola tomba con un piccola modestissima lapide, ai piedi di un piccolo arbusto sempreverde. Probabilmente è il primo e l’ultimo punto della costa da cui si avvista il sole rispettivamente all’alba e al tramonto. Sulla lapide è incisa una scritta, orientata non in direzione dei passanti ma in direzione del mare e del tramonto: In loving memory of my dearly beloved husband James U. Curtin. Born Toronto Oct. 29, 1875 - Died March 24, 1907.


    Infine giungerai a questo palmo
    di terra, a questo assurdo tuffo
    di un prato inglese strappato alla foresta,
    al gesto di una mano di roccia aperta verso il mare
    e troverai, forse, le ragioni che mossero
    ogni tuo illecito passo verso il nulla, ogni respiro
    strette in convivio poco prima dell'alba
    sulla lapide azzurra dell'oceano, e sull’altra
    minima e ferma
    le tue labbra ritrarsi nel silenzio
    che si irradia prima e dopo la scena.
    E troverai nel nome di un fratello,
    my dearly beloved husband
    James Umbert Curtin
    ,
    ancorato e steso
    qualcosa che ti stringe e lì saprai
    che c’è, che esiste, che non muore
    il qualcosa nascosto che si perde,
    il patto segreto del viaggio.
    E forse per qualcosa avrai dovuto
    attraversare i cieli e le foreste, sentire
    il canto acuminato delle scimmie e dei serpenti
    mentre cala la nebbia notturna nel vulcano
    e nel verde più verde, nell'azzurro
    più azzurro, nel nero più nero
    per qualcosa, forse, avrai dovuto
    vedere spalancare le fauci
    della bestia letale e l'omicidio perfetto
    pronto da estrarre nel fodero della notte.

    Oh, beloved wife, Miss Curtin,
    che cent'anni adesso gravano sulle tue lacrime,
    quale errore mi guida qui, testimone in ritardo
    del doloroso culmine del tuo amore, ignota
    invidia degli amanti che non sanno
    che la luce dell'inizio è la luce della fine
    e la luce della fine un tepore eterno
    e che i nostri stupidi gesti altro non sono
    che l'ombra della tua infuocata speranza
    di salvare qualcosa che non esiste
    se nessuno la nomina.
    Miss Curtin, in nome della luce
    del cui mistero è ombra, io ti chiedo
    cosa è accaduto veramente qui,
    ti chiedo di conoscere il miracolo
    che ti spinse ad amare quest'uomo
    fino a offrire per sempre alla sua fronte il mare.
    Lo invidieranno adesso Elena e Didone
    e le più nobili amanti dei poeti a cui
    cuori di carta offrirono pomi di cartone,
    non questa felicità improvvisa della sorte
    questo perpetuo bacio sulla fronte
    un infinito "buongiorno (o buonanotte), amore"
    che con l'andare del sole gli ripeti
    e che insegni adesso a chi si spinge
    fino alla soglia marina del cercare,
    in questo piccolo spoglio e nascosto
    definitivo mausoleo della luce.

    Martino BALDI


     

    tombe.jpg

     

     

    Sur la tombe de James U. Curtin,  au centenaire de sa mort.

     

      À Quarantine Point, un promontoire rocheux penché au milieu des airs, sur la mer des Caraïbes  qui le ceint quasiment à 360 degrés, à l’extrême sud-ouest de l’île de Grenade, il y a, au milieu de quelques grandes pierres éparses  en un pré mystérieusement vert et apparemment entretenu au cœur de la forêt brûlée par la saison aride, une sépulture unique avec une petite pierre tombale très sobre, au pied d’un arbuste toujours vert. C’est probablement le premier et l’ultime endroit de la côte duquel on aperçoit le soleil tant à l‘aube qu’au crépuscule. Sur la pierre, en direction de la mer et non des passants, est gravée une  inscription : In loving memory of my dearly beloved husband James U. Curtin. Born Toronto Oct. 29, 1875 – Died March 24, 1907.

     



    Pour finir, tu parviendras à cet empan
    de terre, à ce plongeon absurde
    d’un gazon anglais arraché à la forêt,
    à ce geste d’une main de roche ouverte sur la mer
    et tu trouveras, peut-être, les raisons qui ont mu
    chaque souffle, chacun de tes pas illégitimes vers le néant,
    entassées au banquet peu avant l’aube
    sur la plaque azur de l’océan, et sur l’autre,
    infime et immobile
    tes lèvres faisant retraite au silence
    qui irradie l’avant et l’après-scène.
    Et tu trouveras dans le nom d’un frère,
    My dearly beloved husband
    James Umbert Curtin
    ,
    ancré et allongé sans vie
    quelque chose qui t’étreint, et là tu sauras
    qu’il y a, qu’existe, que ne meurt pas
    ce quelque chose enfoui et perdu,
    le pacte secret du voyage.
    Et sans doute c’est pour quelque chose que tu auras
    parcouru cieux et forêts,
    pour entendre le chant perçant des singes et des serpents
    quand la brume nocturne descend au volcan
    et dans le vert plus vert, dans l’azur
    plus bleu, dans le noir plus noir,
    c’est pour quelque chose sans doute que tu auras
    vu s’ouvrir béante la gueule
    de la bête meurtrière, vu le crime parfait
    mûr pour être extirpé du fourreau de la nuit.

    Oh, beloved wife, Miss Curtin,
    cent ans maintenant pèsent sur tes larmes, 
    quelle erreur me conduit ici, témoin retardataire
    du pic tourmenté de ton amour, jalousie
    ignorée des amants qui ne savent pas
    que la lumière de l’aube est  lumière du couchant
    et la lumière du couchant, une éternité tiède,
    et que nos gestes insensés par ailleurs ne sont
    que l’ombre de ton ardente espérance
    de garder sauf quelque chose qui n’existe pas
    si nul ne le nomme.
    Miss Curtin, au nom de la lumière
    dont le mystère est ombre, je te demande
    ce qui réellement est advenu ici,
    je te demande de connaître le miracle
    qui te conduit à aimer cet homme
    jusqu’à lui offrir la mer pour façade éternelle.
    Et l’envieront dorénavant Hélène ou Didon
    et les plus nobles amantes des poètes auxquelles
    des cœurs de papier offrirent des pommes de carton, 
    non cette euphorie impromptue du destin
    ce baiser à vie sur le front
    un sempiternel « bonjour (ou bonsoir) mon amour »
    que tu lui répètes dans la marche du soleil
    et que tu enseignes aujourd’hui à celui qui s’aventure
    jusqu’au seuil marin de la quête,
    en cet ultime petit mausolée,
    nu et dérobé, de la lumière.


    Martino Baldi,

    Trad. Valérie Brantôme