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Le Scriptorium - Page 106

  • Alain Freixe, Yves Ughes, Daniel Schmitt, trois poètes au Comptoir

     

    CdP_Podio.jpg



    Dans le cadre du Comptoir des Poètes,   


    LE SCRIPTORIUM


    vous invite à venir partager un temps de rencontre-lecture

    avec Alain Freixe, Yves Ughes et Daniel Schmitt

    le samedi 18 FÉVRIER 2012 à 18h00

    à la salle Tempo-Sylvabelle à Marseille 

    (69-71, rue Sylvabelle, 13006 Marseille)


     

    affiche cdp18fev_web.jpg

    (cliquer sur l'image pour agrandir)



    - ENTRÉE LIBRE -

     

    *


    Alain Freixe, Yves Ughes et Daniel Schmitt, trois poètes de la région de Grasse qui animent l'association PODIO, trois voix méditerranéennes à découvrir qui, livre après livre, affirment leur singularité et témoignent de leur engagement poétique.

    Selon la pratique du Comptoir des Poètes, les auteurs et artistes du Scriptorium feront écho aux voix de ces trois poètes dans la deuxième partie de cette rencontre, avec pour thème retenu celui des Commencements.

    Premiers mots, découvertes des paysages, annonces des mondes rencontrés: autant de façons d'inviter à voir surgir ce qui vit à l'état de promesse. Le poème d'un seul tenant avec le plaisir de ce qui advient.

     

    • A_Freixe_portrait.jpgAlain Freixe est né le 3 décembre 1946 en terres catalanes. Il vit à Nice, entre parcours philosophique et poétique. Président de l'Association des Amis de l'Amourier et directeur de publication de la gazette Basilic, vice-président du Centre Joë Bousquet et son temps (Maison des mémoires, Carcassonne), il chronique la poésie au journal L’Humanité et dans le Patriote Côte d’Azur et contribue à de nombreuses revues de poésie parmi lesquelles Friches, Lieux d’être, Jointure, Arpa, Europe, Triages, Coup de soleil, Poésie première, Les Archers, Diérèse, Nu(e).

    En 2007, il publie Dans les ramas (collection Grammages, éditions de l’Amourier, Frontispice d’Anne Slacik), puis Dans l’effilé de la lumière (peintures d’Anne Slacik, éditions Rivières, Trente exemplaires, 2008),  Douze pétales pour Sehsat, gravures de Fernanda Fedi, cent exemplaires, Quadrige, La Diane française, 2009), Dans les couleurs du froid (éditions de la Margeride, deux aquarelles originales de Robert Lobet, 2010) et Nuit, livret avec Max Partezana en 2011.

    À paraître en 2012 aux Cahiers du Museur :

    • Vers les visages, peintures de Béatrice Englert (collection Connivence), Ombre et mur sous le ciel, avec des photographies de François Fernandez,  L’arbre des morts, gravure d’Alain Puygrenier (collection À côté), Oui, des images, avec deux photographies de Didier Devos (collection À côté).
    • Aux Éditions de l’Amourier (2012) : Vers ce pays dont on est l’homme (collection poésie).


    *

    Comme au comptoir
    Mes yeux cherchent dans la glace
    Qui pour le dernier verre

    Qui quand cela tombe derrière le mur de l’air et que le ciel se soulève et pèse de tout son poids d’étoiles. Que cela remonte haut, plus haut par delà le rideau noir des arbres. Que cela éclaire toujours ce qui finit par s’évaporer : sueur, sang ou larmes. 
    Parfums de vie.


    *

    Quand ma soif en robe noire
    Crisse sur le dos nu du monde

    Et que ma faim voit ses gants d’ombre glisser sur mes mains pâles. Cela qui ne cesse pas, cette foudre remonte du fond du sang jusqu’aux étoiles, laque rouge où toute la nuit se mire.
    Cela, mon désir. Et ses braises dans le vent.


    Alain Freixe,

    extrait de Derniers restes

    (Livre d’artiste avec Martin Miguel, emboîtage en céramique d’Yvan Koenig, 2006)

     

    * * *


    ·     Y_Ughes_portrait.jpgYves Ughes est né à Nice en 1951. De racines italiennes, il découvre la poésie à l’adolescence, véritable onde de choc dont la force ne cessera jamais de le porter. Après des études de lettres modernes qui l’ont conduit à enseigner du Nord au Sud, il s’installe définitivement à Grasse en 1986.  Il y découvre l’association Podio, vouée à la mise en valeur de la poésie en terre grassoise, où il prend une part active dès 1992, se fixant un rythme régulier de conférences ; les auteurs abordés témoignent d’un  ancrage méditerranéen qui n’échappe pas pourtant à l’influence américaine. Pavese, ou la trace de la couleuvre. Montale, ou la souffrance des pierres. Reverdy, homme de main, homme de peine. Audiberti, ou le cri confus des catastrophes, Kerouac ou les rues de la lumière vide.

     

    Il a publié :

    • Décapole, éd. L’Amourier, 2002.
    • Épaisseurs, avec Martin Miguel, éd. Cahiers du Museur, 2002.
    • Notre Dame de Vie, avec des photographies de David Giordanengo, éditions Tac Motifs, 2004
    • Boîtes, avec Gérard Serée, éd. Gestes et Traces, 2004
    • Par les ratures du corps, éd. L’Amourier, 2005
    • Capharnaüm, douze stations avant Judas, éd. L’Amourier, 2010.


    *


    dépôt de marchandises

    au rayon des surgelés Judas le sicaire cherchait des convictions    Il s’était laissé glisser en fin de marche avait laissé partir les apôtres loin devant
    devant lui dans le cours des siècles        aucun d’eux        n’avait d’ailleurs remarqué son absence

    il en avait eu sa claque de ces cantiques de sable mêlés aux émotions

    ici : Produits de pommes de terre – légumes – fruits de mer – poissons
    ici tout semblait plus simple
    pourtant revenaient toujours certains mots lancinants je vous ferai pêcheurs d’hommes
    les filets tirés auraient dû se déchirer sous le poids de l’abondance 

    faudrait-il donc repartir et veiller aux mêmes feux aux mêmes cris de fatigue de l’homme lépreux

    tendant la main 

    si seulement pouvait suffire la crème apaisante
    douceur intime
    mais la caisse là-bas présentera à coup sûr un prix hors de portée

    et ces vieilles bancroches triant les fruits légumes comme formulaires de salut faudrait-il encore faire semblant de les aimer alors que les soldats oppriment les villages et qu’il conviendrait d’ensanglanter les lames
    vois donc ces vigiles faits de prothèses mesurant de l’œil les dessous des caissières

    Judas se redressa respira profondément et présenta sa carte de fidélité
    aux grandes surfaces il restait fidèle
    il jeta le montant demandé        aussi négligemment qu’avec rage il avait jeté
    les trente deniers

    saura-t-il ce soir se hisser à la hauteur de cette recette qui mêle la senteur des fenouils à la chair subtile des rougets
    son palais saura-t-il enfin apprécier le vin rosé château Sainte Pasteline qui doit en bonne logique parfaitement convenir à ce plat
    sur le seuil des tonnelles


    Yves Ughes,

    Station 1

    Extrait de Capharnaüm, douze stations avant Judas, éd. L’Amourier, 2010.

     

     * * * 

     

    ·     D_Schmitt_portrait.jpgDaniel Schmitt est né le 27 février 1929. À douze ans, il découvre la poésie en chanson par Verlaine (qu’il prenait alors pour un prénom féminin), mis en musique et chanté par Trénet, puis via Cocteau et Prévert. Depuis cette première rencontre, il ne cesse d’écrire. Il publie Le taureau au corps  en 1963 (XXXX), suivi de Fredonnaisons, Je suis un arbre, La barbe des saisons aux éditions Lo Païs d’Enfance, et Un long saxo d’automne – avec Jean-Marie Pouey, Dernier comptoir avant la neige – avec Claudie Poinsard et Le jour des pluviers – avec Gilles Bourgeade, aux éditions Tipaza.

    Dernières publications : Secrets d'alcôve d'un haïku, avec André Villens, aux Cahiers du Museur (2009) et Petits Pains Poèmes, aux éditions du Jasmin (2011).

    Il rédige et édite La Besace à Poèmes, feuille poétique qu'il partage au gré des rencontres.


    *


    Mes résidences


     

    Je n’habite pas du côté de l’océan

    mais du côté de la goutte d’eau

     

    Je n’habite pas du côté de la forêt

    mais du côté du brin d’herbe

     

    Je n’habite pas du côté de l’ouragan

    mais du côté du courant d’air

     

    Je n’habite pas du côté de l’aigle

    mais du côté du pingouin

     

    Dites-moi où vous habitez

    si vous habitez mon quartier

     

    Je viendrai un de ces jours

    vous dire un petit bonjour

     


    Daniel Schmitt, La Barbe des saisons, Lo Païs d’Enfance.

      

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  • Jean-Philippe Salabreuil ~ La chambre à feu

     

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    © Photo Helder Reis



    La chambre à feu


    Au bord du livre que j'écris tourne le ciel et ses montagnes. Une chose plus essentelle que la vie est le matin du monde en fleurs à travers nous. La hauteur bleue nous habite et nous dédaigne non remaniée depuis les âges nous qui changeons. Voici l'automne de nouveau qui toujours se ressemble. Et lorsque l'âme à la fin s'émerveile un cri plus pur de rouge-gorge enfile nos sombres haies de buis jusqu'au silence.

    Écrire ici pour moi n'est plus ouvrage de lumière. Ailleurs m'interpellent des morts à la dérive qui n'ont encre ni papier ni plume en leur barque si noire. Et puis quelques vivants de même démunis parmi l'enclos des monts branchus. Mais l'aube me retrouve à pic entre deux lucarnes de l'espace où je balconne et ne me laissera jamais semblable. Une heure ou deux le grand parti des rossignols a pris ma chambre à feu pour un pin de ténèbres. Ils sont mots violents que la nuit range mal et dérange. Ainsi les mains levées plus fréquentes et tremblantes. Ainsi le coeur tardif. J'y gagne une rigueur.

    Aux soirées lisses et dévidé le fil ténu des jours cette allégresse m'a recommencé. Mise en doute la fatigue un ruisselant sommeil m'élève au profond visage des nues. j'ai pour témoin ma vieille lampe avoir à sa lueur défoui les menées blanches d'un pays d'érables. Et l'éternel glissement d'astres en route pour l'hiver. Ô douce lune es-tu venue quand je me suis tourné vers la muraille ? À  minuit les roses de novembre ont quitté mon jardin pour le ciel.
    Une à une les pages de livres lus et refermés les montagnes s'enneigent et s'effacent. Au monde limpide entier ma fenêtre ouverte demain secouera sa charge de bois obscurs.

    Jean-Philippe Salabreuil

    La Liberté des feuilles, Gallimard, 1964

  • Le Bleu de l'eau ~ Leonor Gnos

     

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    Bleu de l'eau

    un horizon sur mon visage

    les vagues dans les yeux

    le miroir de la mémoire

    avant que l'écume s'érige

    en fontaines géantes

    les mouettes se précipitent

    contre le vent tombent soudain

    comme des pierres

    j'aimerais les caresser

    je sais qu'elles ont peur elles aussi

    par moments la confusion le fracas

    je devrais sauter dans l'eau

    me battre contre l'irradiation

    sans la tentative de m'accrocher

    à l'écho du matin

    car le soir commence à chavirer

    et la nuit se remplit de voix

    qui se plaignent

    un arôme de nécrose sur la langue

    le flot arrive il est immense

    il coupe le chemin à tous les cris

    et le mot n'a plus aucun sens

    à la première lumière du ciel

    je recherche le bleu de l'eau

    l'horizon aux mille visages

    les yeux dans les vagues

    pleines de contes de mort

      

    Leonor Gnos