30 juin 2016
RETOUR SUR LA SIESTE POÉTIQUE à la Campagne Pastré
Campagne Pastré, Marseille. Ce 25 juin.
Entre deux matchs de l’Euro de foot, après la mauvaise blague du Brexit, l’invention idéale promise à la saison d'été qui, cette fois, annonce la couleur.
Joëlsonne et Medjina en plein travail
Oui, une sieste poétique, la première du genre au Scriptorium, avec ses règles à énoncer. Entre deux campements de nénuphars.
ICI on peut dire des textes passionnants ou soporifiques, sans être inquiété par la police du ras du sol.
Chaque lecteur reçoit un chamallow comme récompense. Ça encourage étrangement les audaces.
L’auditeur a le droit de ronfler. Et le lecteur aussi…
Le scripteur en chef en pleine posture méditante
À chaque intervention, on salue, à la façon des sourds, en agitant les bras vers le haut.
La guitare pourra lâcher ses accords au gré des chansons et des comptines.
L’yeuse proposera son abri généreux aux nattes en tous genres.
Le temps s’étirera à la mesure de l’intervalle ouvert.
Un ange sous l'yeuse lit son voyage vers les îles
Hic et nunc. Une quinzaine de participants ont goûté ce plaisir-là. Où fut également proposé un micro-atelier, inspiré du livre de l’Art de la sieste et de la quiétude, tiré de la sagesse chinoise.
Écoutez comment vient cette Sieste au milieu de l’été (Liu Ch’ian)
dans la solitude désœuvré au cœur de l’été
contre les murs sous l’auvent, je suis en quête de vent frais
mes plans politiques ambitieux n’intéressent personne
mieux vaut donc être un dragon endormi au soleil du sud.
Les réponses sont venus, écrites sur les genoux, au bord des tiges, en palabrant avec les insectes. En voici quelques-unes :
"sous le pin parasol
les soleils s'affolent
les puissants n'en ont cure
les marchés en armure
l'Angleterre s'est fait la malle
l'Europe entière
est à repenser
mais il faudra pour commencer
avant toute chose se reposer
la carpe koï pour alliée
Emmanuelle Sarrouy
Que t’apportera cette attente de vent frais ?
L’attente d’autres mondes, d’autres cieux,
d’autres dragons éveillés…
Appel des humains éblouis…
Thérèse Dufresne
slam à deux voix venues du Var
vers dans le vert, sous les arbres,
rimes qui roulent à bicyclette
vers un ailleurs caché-
on roule, on roule, on se perd…
cercles d’enfants qui jouent, qui rient,
ballons en vol, ballons au sol,
on joue aux boules,
on chante « joyeux anniversaire ! »…
on applaudit…Pour qui ?
Marthe Paoli
Au bivouac des poètes, assis sur leurs nattes,
en bord de nénuphars,
nous sommes en quête d’immobile,
mes petits comptes d’apothicaires sur les résultats des matchs
n’intéressent personne,
mieux vaut donc laisser le temps devenir
papillon qui rêve
Dominique Sorrente (1)
*
Mieux vaut préférer ce qui est farfelu
S'échapper, oui mais en vain
Pour aller où ?
Alors :
Courir, contre quoi, pour quoi, contre courant
Rouler comme un ballon
L'herbe ailleurs reste verte
Et des cris et des cris et des craquements
Toujours dévaler pleins phares, pleins feux
Qu'importe que ça soit
Lu, ou non
Vu, ou non
Entendu, ou non
Le vent emportera les lettres et les couleurs
Sur les pages
Et les gros titres cracheront leur encre
Dans la sueur de joueurs
Effondrés, ou non
Puis la chorégraphie hilarante, peut-être
D'un dragon
Puis quarante carats
Ou quarante jours plus loin
On oubliera
Et on recommencera
Mieux vaut préférer ce qui est incongru
Glisser, oui mais en vrac
Pour aller où ?
Alors :
Courir, contre quoi, pour quoi
MÜ
*
Au milieu des bruitages des campements voisins,
vautré sur mon plaid au tartan d’Ecosse,
je digère mille chamallows
mes soucis de capsulite rétractile n’intéressent personne,
mieux vaut donc dériver
jusqu’à ici et maintenant
en applaudissant les mains en l’air
Dominique Sorrente (2)
*
Sur le vert allongé et sali
Balancée par le son de la ville d’à côté
Je pense à l’espace
Séparant la chose de son contraire
Mieux vaut être aujourd’hui
Que tous les jours de toutes les autres semaines
Sylvie Combes
Et pour s'abîmer tout à fait dans ce temps qui fut nôtre, cet extrait d'"Un homme qui dort" de Georges Perrec:
"Il y a d'abord des images, familières ou obsédantes ; des cartes étalées que tu prends et reprends sans cesse, sans jamais parvenir à les ordonner comme tu le voudrais, avec cette impression désagréable d'avoir besoin d'achever, de réussir cette mise en ordre, comme si d'elle dépendait le dévoilement d'une vérité essentielle, mais c'est toujours la même carte que tu prends et reprends, poses et reposes, classes et reclasses ; des foules qui montent et descendent, vont et viennent ; des murs qui t'entourent et dont tu cherches l'issue secrète, le bouton caché qui fera basculer les parois, s'envoler le plafond ; des formes qui s'esquissent, s'esquivent, reviennent, disparaissent, s'approchent, s'estompent, flammes ou femmes qui dansent, jeux d'ombres.
Plus tard, des souvenirs qui ne parviennent plus à se frayer un chemin, des preuves qui ne prouvent plus rien, sinon, peut-être, qu'un Observatoire à Aberdeen, à Inverness, a effectivement réussi à capter des signaux venant d'étoiles lointaines : était-ce la Nébuleuse d'Andromède, ou la Constellation de Goll et Burdach ? Ou les Tubercules quadrijumeaux ? La solution immédiate, évidente, du problème qui jamais n'a cessé de te préoccuper : le cavalier n'est jamais maître à cœur à moins que le fausset n'ait été défaussé. Des mots sans suite porteurs de sens embroussaillés tournent en rond autour de toi. Quel homme est enfermé dans quel château de cartes ? Quel fil ! Quelle loi ?
Il faut être précis, logique. Agir avec méthode. À un moment donné, il faut à tout prix savoir s'arrêter, réfléchir, bien peser la situation. S'il y a un lac au milieu de ta tête, ce qui est non seulement vraisemblable, mais normal, encore qu'on ne puisse l'affirmer sans précautions, il te faudra un certain temps pour l'atteindre. Il n'y a pas de sentier, il n'y a jamais de sentier et, près des bords, il te faudra faire attention aux herbes, toujours dangereuses en cette époque de l'année. il n'y aura pas de barque non plus, bien sûr, il n'y a presque jamais de barques, mais tu peux traverser à la nage."
Les photos de la Sieste poétique ont été réalisées par Audrey Gambassi. Avec tous nos remerciements ainsi qu'à tous les participants de l'après-midi.
16:27 Publié dans Hors les murs | Lien permanent | Commentaires (0)
03 juin 2016
UNE SIESTE POÉTIQUE ENTRE DEUX MATCHS: MARSEILLE, ce 25 juin
Qu'il est doux de se laisser caresser l'oreille quand tout trépigne autour de soi...
La der des ders de la saison du Scriptorium approche.
Elle aura lieu le SAMEDI 25 juin, à la Campagne Pastré à Marseille (9ème) de 14 heures à…le temps qu’il faudra.
Et c’est un grand moment à vivre : une SIESTE POÉTIQUE…où vous pourrez à loisir vous laisser porter par les phrases, partir dans la divine torpeur de l’instant, chuchoter des mots venus d’on ne sait où à vos voisins déjà assoupis…bref, vous mettre en état d'attention flottante...
Chacun choisira les poèmes de circonstance, y compris les plus soporifiques, évidemment. Tous les auteurs, connus, anonymes, à découvrir, sont les bienvenus pour cette lecture à plusieurs voix.
Pas plus de 3 minutes, cependant, par intervention. Si tout le monde n’est pas endormi, on pourra faire un tour, puis deux, puis trois, au gré des doux ronflements des cigales.
Le rendez-vous a lieu à la Campagne Pastré que vous rejoindrez en voiture ou par le bus 19, à vélo ou même à pied.
Vous monterez l’allée principale sur une cinquantaine de mètres, puis bifurquerez à droite à côté des bassins à nénuphars. C’est là près d’un pin parasol que notre petite troupe a rendez-vous.
Pensez à apporter une couverture, un plaid, une natte, une rabane, un tapis, bref un quelque chose sur lequel vous pourrez vous étendre à loisir. Et puis, un coussin pour votre crâne délicat...Les plus zélés apporteront une glacière pour la cause commune...
Merci de nous confirmer votre présence, avant le 18 juin.
Nous vous attendons avec plaisir pour ce moment dont nous ne sortirons évidemment pas indemnes, mais peut-être doucement différents. Sous l’emprise de ce "pénéqué" d’un autre type.
Pour toute information, écrivez-nous à poesiescriptorium13@gmail.com ou téléphonez à 0650912617. Si l'on ne répond pas immédiatement, c'est que la songerie du moment a déjà fait son œuvre.
La rencontre est gratuite pour les adhérents. Une participation de 5 euros sera demandée aux participants occasionnels. du jour.
"Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude
Tout dort sous les grands bois accablés de soleil..."comme disait J.M. de Heredia
Et donc, à tout bientôt.
18:10 Publié dans Hors les murs | Lien permanent | Commentaires (0)
23 avril 2016
UN COVOITURAGE DE MOTS SUR L’ÉPERON D’OPPÈDE, ce 16 avril
Ainsi a commencé cette journée des Quinze ans du Scriptorium.
Une caravane comme on les aime.
Nous étions près de trente sur le parking, au pied des jardins et du vieil oppidum. Sur la ligne de départ, Dominique Sorrente, maître des cérémonies en casaque orangée, Nicole Mignucci à la double casquette de guide de Pierre sèche en Vaucluse et de semeuse en chef de Trace de Poète, Giacomina aux pieds de panthère, régionale de l'étape et Olivier Bastide, bouilleur de cru, et cadreur du printemps.
Apprenant au milieu des feuilles naissantes et des floraisons que la Caroline odorante a pour vrai nom la coronille, les poètes ont lâché leurs propos du siècle précédent, « le grand XXème siècle ». Cela a commencé avec les mots d’Andrée Chedid, l'une des pionnières du Printemps des Poètes, qui nous parle de poursuite de l'aventure par la voix de Brigitte ; puis vient Jules Supervielle, enfant de la Haute Mer, pour emboîter le pas. Nous prenons le large par les interventions de Gérard Boudes et d'Isabelle Alentour. Giacomina lit Emmanuel Loi dans Marseille Azur, le temps d’arriver au port, de fournir ses coups de griffes, au son d'une mob des cités.
Mais il nous faut reprendre le cours d'un fleuve décrit par Jeanne Benameur et dit par Isabelle. Toujours marqué par l'eau, Aragon, et son poème des deux mois de Kaanoun, emprunte les cordes vocales d'Henri Tramoy. Le groupe progresse et approche du village. Il est temps de parler de maison. Ce sera la maison de Michelle, avec ses tomettes écrite par Christopher Middleton, et exposée par Thérèse Dufresne. Nous voilà désormais à l´intérieur d'un monde de pierres. C'est l'occasion pour Jean François Jung de nous rappeler la passion minéralogique de Roger Caillois, les dessins et formes libres des agates qui circulent de mains en mains. Cela libère le distillat de notre bouilleur de cru, qui nous apprend le démon de l'analogie de ce même Roger Callois, au détour d'un infime bruissement de feuilles.
Arrivés au centre de l'aire de battage, en terrain découvert et en vue des terrasses principales, Sophie nous lit du Boris Vian, une histoire de Dormeur du Val racontée par lui même, juste au moment où après s'être désaltéré à une source, une abeille de cuivre chaud le foudroie. De l'abeille au crabe, il peut n'y avoir de distance que celle d'une longueur de patte, surtout s'il s'agit d'une terrible bête que l'on porte en soi. Françoise achemine ainsi la parole de Monique Flosy, peintre et auteur présente parmi nous, sur un texte intitulé « Jour et Nuit" : « Sable dans ma bouche, je suis coquillage, je deviendrai fossile". La fulgurance du geste de Fabienne Swiatly donne à dire par Antoine Gallardo qu'il y a nécessité de fictions et haut débit des émotions. C'est là qu'un homme à chapeau rouge, tel un cardinal laïc, mais avec un prénom de pape, puisqu'il s'appelle Benoist (Magnat), évoque trois pensées poétiques d'un Grand Timonier, un peu piraté : " Les lacets du soulier/ S'enroulent autour du pied/Êtes vous déjà partis?" Avant de tomber ainsi ficelés, un Ange Gabriel du Nord, Marie Ginet, nous invite à descendre l'Escaut avec Franck Venaille, là où le fleuve s'élargit avant de rejoindre la mer:" la concorde, qu'à moi même je m'octroie, je marchais pour me suivre..."
Mais nous sommes ici en Vaucluse, et le Ventoux domine la vallée, tel " le baouf toujours enneigé ", comme l'a écrit Boris Vian. Et ainsi nous le dit Daniel qui reprend Henri Michaux dans un grand combat où :
« Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;
Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l’écorcobalisse. »
La cure est radicale. Olivier Bastide, notre bouilleur, nous indique que selon le même Henri Michaux, nous sommes prêts pour la disparition. Rien que ça…
Passé la place, nous entamons l'ascension vers le haut du village. Nous voilà parvenus à La Chapelle Sainte Cécile, assemblés devant sa porte. Roselyne Sibille donne la parole à Octavio Paz, puis à Roberto Juarroz, l’homme des humeurs verticales: "On frappe à la porte, mais les coups résonnent au revers. On ne distingue plus l'endroit de l'envers"
Et ainsi, nous voilà tout mélangés et pourquoi pas écocorbalisés? Leonor Gnos alors, reprend de droite à gauche, pour nous lire les vers du poète syrien, Chaouqui Bagdhadi:" Il est des portes verrouillées, des hommes en sourires creux,...histoires d'amours...survivant aux armes". Cela nous a conduit au sommet et à la Collégiale Notre Dame Dalidon avec le parfait octogone de son clocher de pierres taillées, quasi contemporain de la prise de Grenade en 1492, thème du livre Le fou d'Elsa. L'homme au chapeau rouge, que certains surnomment Croco, intervient alors en énigmes : "Les vieux et les vieilles parlent sans dents, Le diable est à l'écoute Tandis que Dieu enregistre l'émission Une Éternité… » Nous voilà donc arrivés?
Nicole Mignucci nous convie à un nouveau voyage en nous donnant quelques vers en anglais de Jane Hirschfield, qui nous rappelle que « d'écarlate, il n'est point de chapeau ici, mais seulement un oiseau qui chante ». Au moment de conclure cette étape du matin, Olivier ira de son aveu: "Dans l’hypothèse du couchant La terre écartée des embruns... Homme de peu de vie, Prenez la chair, le sang et la conquête." Dominique donne le dernier mot, d'une Chine authentique, rêvée de l’intérieur par Victor Segalen, dans ses Stèles. Conseil de circonstance, conseil aux bons voyageurs : "Repose toi du son dans le silence, Et du silence, reviens au son." Et double le duo avec Marie Ginet d’une biographie en débâcle, lue à deux voix, réclamant en bout de course, parole haletante, « sur le bord de comptoir, un peu de salive égarée »…
Arrivés à cette fin de matinée, que l'on me pardonne ce que j'ai pu oublier, tout comme les écorchures des noms et citations. Le moment, ce jour là, était rare, il n'allait pourtant pas disparaître. Il y eut aussi une après-midi, faite de quinze vues/quinze voix et d’un livre « accordez-on » joué à plusieurs. Une autre histoire dans l’Oppède-le-vieux rayonnant de ce jour.
GÉRARD BOUDES
Sous la halle, la lecture d'après-midi
André Ughetto, Olivier Bastide, Dominique Sorrente,
le livre "Accordez on" se raconte...
Les quinze ans déplacent les meubles
Merci à Yvon Javel pour ces deux compositions imagées aux quinze fenêtres anniversaires
17:13 Publié dans Hors les murs | Lien permanent | Commentaires (0)