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Hors les murs - Page 9

  • ASHRAF FAYAD , POÈMES EN RÉSONANCES

     

    Le poète Ashraf Fayad a été condamné à mort pour apostasie en Arabie saoudite. À la suite d'autres manifestations de par le monde, une rencontre est organisée à Marseille le jeudi 21 janvier à 20h au théâtre Toursky pour soutenir l'action et encourager la mobilisation en faveur de ce poète. Cette action est conduite par le Scriptorium, l'Union des Poètes & cie, le théâtre Toursky et la revue des Archers.

    Vie sauve pour Ashraf Fayad ! Merci de répondre à notre appel.

     

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         À Ashraf Fayad 
     
    Mon poing se lève mon oeil se tend ma voix surgit
    À des amis il a dit son poème et bu
    Un verre mangé prédit
    La fin des nuits le jour
    Levé pour le meilleur des frères
    Son regard vers un ciel
    D'étoiles scintillantes plus
    Que toute prière sacrée
    Il n'a pas assigné son oeil
    Aux injonctions aux déjections
    Serviles aux fausses communions
     
    Voix que je sais sans
    L'entendre
    Visage figé d'une
    Photographie
    Poète seul entre
    Murs
    Mes mots de noire volonté sur
    Blanche certitude d'aimer
    L'homme avant tout...
     
                     OLIVIER BASTIDE
     
     
  • DES MOTS ENTRE LES GOUTTES, À LA VALLÉE DE SAINT-PONS

     

    Cascade.jpg

    « Info météo : ici c’est le déluge ». Le sms du matin balance son sac de doutes. Mais non, on ne va pas annuler ce premier pique-nique avec ses phrases d’automne dans la vallée de Saint-Pons, près de Gémenos. Les voitures sont prêtes, et les lectures, et le parcours, et les vivres à tirer des sacs, et les feuilles ocre sur la promenade. On parie sur l’accalmie du gris, les humeurs des micro-climats. On ne demande rien d’autre que de pouvoir mêler les mots et les mets, pleine nature.

     Les scripteurs, participants d’un jour ou fidèles praticiens de nos expériences de poésie partagée sont une quinzaine à défier la grisaille du ciel. Ils ont bien raison. Une petite marche jusqu'au bivouac: la cérémonie peut s’ouvrir. Dégustation. On prend la parole, commencement timide, autour de la table de bois, puis plus haut au bord de la rivière, et encore sur le flanc de l’abbaye cistercienne. Queneau, avec ses expressions de gourmandise, écoute Erri di Luca dans la défense du mot « sabotage », le récit d’une fête de la solidarité dans la Crau croise la mémoire d’une parole d’ingénieur, les questions tournent autour de l’éclatement des mondes verbaux dans notre époque.

    table victuailles.jpgOn se reprend à marcher, à grimper en douceur vers la source. Elena nous convainc que le poème peut aussi se danser. Il y a une nouvelle halte à trouver pour cette petite troupe qui progresse jusqu’au monastère. Le dialogue du « je » et du « tu » est notre refrain choisi, auquel répond un étrange hérisson mutant sorti pour la fin du monde. Les pique-nique ont leur part d’insaisissable… Contre  la pierre de l’abbaye, une famille vietnamienne élargit notre assistance, écoute nos prises de paroles comme on cueille des fruits de saison.

    Une voix fredonne les trois mots de Jean-Roger Caussimon

    J’ai rayé de mon vocabulaire
    Trois mots qui me faisaient la loi :
    « Autrefois » , « Jadis » et « Naguère »

     

    Un homme s’approche, nous annonce qu’il est « le retardataire ». Il détient les clés de l’abbaye. Il nous annonce que nous n’y entrerons que si nous connaissons le nom de cet arbre qui étend ses branches nues devant nous. C’est un charme et il sait opérer.

     

    Le veilleur (à d’autres heures, garde forestier à cheval) nous dit qu’il ne laisse pénétrer dans cette demeure que les gens motivés et les poètes. Nous a-t-il reconnus ?  Privilège du moment, là, derrière la nef, après le cloitre, tout en haut sous les dernières arcades, le…scriptorium.

     Nous sommes dans notre élément, copistes de l’instant.

    Seuls et côte à côte. Mêlant notre minuscule récit groupé à celui des pierres vénérables. Et nous nous redisons les formules de la sagesse reçue en ce lieu :

    « Hier raconte une histoire. Demain demeure un mystère. Aujourd’hui seul est un cadeau. »

     Dans cette vallée de Saint-Pons, on a lâché des conversations furtives, accompagné des tremblements  de voix. Sans préséances, sans signaux de distinction. Avec cette part d’humilité retrouvée qui fait signe au pied des arbres centenaires.

     Les pique-niqueurs auront aussi appris que deux parapluies magiques suffisent parfois à écarter la pluie.

     En aparté, un dyslexique a avoué que le nom de Scriptorium était pour lui imprononçable. Peut-être est-ce parce qu’il est la patrie toujours nomade des « poètes de la coïncidence ».

     

    L'équipe Saint-Pons.jpg

     

     

     

     

     

     

  • LA CARAVANE DES HAUTEURS, un témoignage

      

                                        Monter le Ventoux

     

     Ce rêve découvert peu à peu : telle cette vue de pierres brillantes, souvent nues, encore distantes et qui s’approchent.

     

     

    Le vent à flanc de montagne.jpg

     

    C’est grâce au Scriptorium fondé par Dominique Sorrente voici quinze ans, que j’ai pu participer à cette fête poétique collective en ascension paisible, le 14 mai 2015. Caravane poétique conçue en duo par Dominique Sorrente et son complice, Olivier Bastide.


    Je remercie le poète de m’avoir confié la mémoire des moments où la Poésie et l’Histoire se croisaient : treize poètes-ami(e)s allant de mètre en mètre gravir cette haute nature de Provence en son printemps.

     

    Départ matinal et brumes soudain limpides, ces passionnés se sont retrouvés au bistrot des hauteurs, le Chalet Reynard,  en cette montée. Route surchargée d’autres passions, vélos, 6x6, allant et descendant jusqu’à ce qu’enfin le sentier s’offre à nos pas, libre. Dans l’alternance solaire et feuillue, nos voix s’accordèrent aux pierres, aux arbres, au monde, aux troupeaux, plus loin que l’espace.

     

    Dès ces premiers pas, pause, où fut évoqué Jean-Henri Fabre, ce célèbre botaniste qui, au 20ème siècle publié, étudia fleurs boréales, espèces végétales, chants scandés d’oiseaux de la campagne provençale… et les abeilles qui tiennent la vie du monde entre leurs ailes !

     

    Le « Rendez-vous des Chimères » accompagna nos pauses, aviva la mémoire de quinze ans du Scriptorium en réunissant les écrits de chaque poète. Ces brèves citations en éveillent les traces : « valse lente des aiguilles", "un arbre qui bat en ralingue", « là est le vif aussi», "sa quinzaine en habits de fête"...Ces "mots qui naissent" » résonnent à nos étapes.

     

    Ce fut ensuite la lecture d’une partie du début de « l’Ascension du Mont Ventoux » de Pétrarque. Dès son départ de Malaucène, entreprise sur le versant Nord du Mont Ventoux, Pétrarque s’exprime avec humour : « Je voulais différer la fatigue de la montée, mais la nature ne cède pas à la volonté humaine, et il est impossible pour un corps de gagner les hauteurs en descendant… »

     

    Puis la voix de Sophie Leenknegt laissa retentir celle de René Char « Le mont Ventoux, miroir des aigles était en vue ».

     

    La troupe ayant franchi les 1000 mètres, Henri Tramoy et Dominique Sorrente rappelèrent la place du Ventoux durant la Résistance (1942-1943) face à l’enfer nazi, et les fusillades que, parmi tant d’autres, endura Laurent Pascal. Aujourd’hui, c’est l’espoir que cette ombre prenne distance, sans l’oubli.

     

    Henri Tramoy un lecteur parmi les feuilles.jpg

     

    À l’approche des 1428 mètres s’élancèrent les poèmes « A pic » et cet autre poème « Paysages croisés » d’André Ughetto où le Mont Ventoux croise la Butte Montmartre. Lectures de quelques haïkus incisifs et tendres, inventés par Benoît Magnast et d’autres textes s’envolèrent.

     

    Dont la voix de René Daumal, dans les dernières paroles du poète, jamais oubliées : « Le poème qui n’est pas écouté est une semence perdue ».

    Bientôt l’ombre, le repos. Tapis de feuilles rousses où les corps se roulent et s’enfoncent.

     

    Benoit Magnast.jpg

     

    Le texte à plusieurs voix du Scriptorium, créé à l’occasion des 15 ans du Scriptorium, avait accompagné chacune des haltes.

    Entendu avant que d’être lu.

    Car le poème ici au Scriptorium se veut de tous les éléments.

     

    Ouvert avec cette adresse « Tout devrait tenir dans le creux d'une main ».

     

    Et chacun redescendit, plus libre d’avoir vécu cette singulière caravane !

     

     

                                                    Thérèse Dufresne

     

     

    Fin de caravane ascension Ventoux 2015.jpg