17 septembre 2020
AU SCRIPTORIUM, SAISON LANCÉE AVEC LA PINK LADY
"à l'heure des liqueurs roses qui moussent sur le comptoir…"
On peut vous le dire maintenant : pour une AG réjouissante, c'en fut une... au milieu d'une collection de nouvelles rabat-joie, nous avons sauvé à Marseille un moment de poésie partagée. Sous le signe de la Pink Lady solidement frappée et du Vacherin gourmand, nous avons, une fois de plus, fêté les 20 ans du Scriptorium... Une paille... Et le pire, ou plutôt le meilleur, est que ça va durer jusqu'à la fin de l'année...
L'AG fut l'occasion de rendre hommage à Frédéric Jacques Temple disparu le 5 août. Dominique Sorrente évoqua avec émotion le parcours du poète ami -parcours ayant aussi entre autres croisé les route d'Henry Miller et de Blaise Cendrars…-, rencontré au temps de la revue Sud. Il lut le poème "Merry go round" et présenta le dernier livre de Temple, "Par le sextant du soleil" (éditions Bruno Doucey).
Puis vint la rétrospective de la saison écoulée, autrement appelée le rapport moral. Une saison vivante, où les Morceaux de bravoure ne manquèrent pas en dépit des vents contraires.
Sophie Leenknegt enchaîna avec le rapport financier. Les comptes sont solidement équilibrés, merci pour eux et pour nous.
Après l'adoption des deux rapports, vint la présentation des projets de la nouvelle saison 2020-2021. Temps forts liés à chaque saison ( pique-nique marin, veillée, caravane, sieste poétique...), nouveau projet "portrait-vidéo-poème" lancé par Emmanuelle Sarrouy, blog, mise en route d'une chaîne youtube... évocation du projet de scène ouverte en extérieur pour le Printemps des Poètes du Désir... atelier expérimental de poésie chorus, atelier d'écriture du sourire... et collaborations diverses et variées à poursuivre, entretenir, initier…
La rencontre s'ouvrit ensuite aux lectures et prises de voix des uns et des autres. Des poèmes de Marie-Philippe Joncheray lus par l'auteure à ceux de Christian Bobin dits par Charlotte Hamer et Robert Trinh, ceux d'Adonis dits par Wahiba Bayoudia, en passant par la création "Pink Lady" d'Emmanuelle Sarrouy, on voyagea entre chien et loup, monde d'arbres et digue du large... On n'oubliera pas les absents dont les poèmes ont fait signe, Eva Maria Berg, Olivier Bastide, Laurence Verrey...Et cette halte inattendue au bar Au Quincampoix, poème de Marc-Paul Poncet mis en musique et interprété par Dominique Sorrente.
Les 20 bougies furent ensuite soufflés sous les lampions.
Puis on fit tourner les poèmes autour de l'acacia.
Signe de lancement d'une saison qu'on espère féconde, heureuse, pleine de débords et de réjouissances.
Et parce que rien n'est meilleur au Scriptorium qu'un geste prononcé en commun, rendez-vous est pris pour le samedi 26 septembre. En bateau, à l'embarcadère du Vieux-Port pour expérimenter la "pratique de la traversée"...
Dream Of The Pink Lady
Le rêve de la Dame Rose
La Dame Rose rêve
De flamants oranges
D’éléphants étranges
De lutins verts
La Dame Rose met
Du rouge sur ses ongles
Pour effacer les cauchemars noirs
Et pour reprendre un peu d’espoir
Pour ralentir le temps
Et rallumer la flamme du monde
La Dame Rose s’arme
Du rouge des peuples en colère
Enfile blue jeans et gilet jaune
Et puis métamorphose
Au fil des heures et de la prose
S’en va cueillir des roses
Et quelques bouquets de larmes
De bonheur sur la table dispose
La Dame Rose de fêter est fière
Malgré ce monde morose
Son vingtième anniversaire
Marseille, samedi 12 septembre 2020
Emmanuelle Sarrouy
Au Quincampoix
Qui fait quoi avec qui
Et que dit-on de moi
Voilà toute la vie
De celles qui sont là
Elles t’avaient promis
Le paradis pardi
Mais au bout de tout ça
Il n’y avait que toi
Car au fond des miroirs
Est-ce bien elles ou pas
Qui se donnent à voir
Dans des dessous en soie ?
Quand la nuit soliloque
Au fond du bar loufoque
Le blues du « Quincampoix ».
Triste et beau à la fois...
Marc Paul PONCET
*
la peur le désir et la forêt
promenons-nous dans les bois
pendant que le loup n'y est pas
si le loup y était
il nous mangerait
- cours forêt – pieds nus sur la terre – dans le ventre les feuilles mortes – chair en putréfaction – métamorphoses – feuillage aérien – tapis volant – azote – carbone – oxygène – cours forêt – craquements d'os blanchis – feux des abattis – tes racines fouillent la boue – siècles de peaux mortes amoncelées – mourir renaître – cycle – cours forêt – ronciers – halliers – fourrés épineux où se tapit la bête – mangroves échasses puantes où grouillent les crabes gavés de gras limon – agonies et carcasses – au fond de ton ventre le hurlement douloureux – mais là-haut tes lianes s'élancent – cours forêt – tes branches bras montent au ciel prière étranglée – cours forêt – tes cheveux s'effeuillent – ta peau s'écorce – cours forêt – ton sang se sève – cours forêt – chauve-souris – chimpanzé – nid haut perché – mélodies gutturales – zézaiements infinis – la nuit au bord du fleuve – sa moiteur caïmane – boa constrictor – cours forêt – mygale déploie tes appâts – happe – gloutonne – empoisonne et digère – cours coule brise feule – singe-hurleur – papillon feuilles bleu métallique – serpent laiteux – iguane langue bifide – cours forêt – déborde ton lit –
avez-vous peur du loup
faites-vous chaque soir avant de vous coucher le tour de votre chambre
regardez-vous sous le lit
cherchez-vous la masse d'ombre les yeux phosphorescents
et votre main la nuit, de sous la couverture, ose-t-elle sortir
tendez-vous l'oreille aux grognements possibles de la fenêtre ouverte
avez-vous peur du loup
...
Marie-Philippe Joncheray
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09 juillet 2020
PARUTION "À LA DIGUE DU LARGE" de Dominique Sorrente - Gilles Bourgeade (Tipaza édition)
À LA DIGUE DU LARGE" de Dominique Sorrente vient de paraître. Ce livre de poésie, accompagné de 7 pastels de Gilles Bourgeade est publié à Cannes aux éditions Tipaza (www.editions-tipaza.com) . Prix public: 20 euros.
On retrouve ici la voix fervente et aventureuse de Dominique Sorrente en sa fibre méditerranéenne. Ancré dans son univers géographique immédiat, Marseille côté mer, le poète convoque des présences qui troublent parce qu'elle apprennent à voir du dedans: le beau-perdant qui trinque, la digue où les yeux pressentent, le marcheur du quai, la passagère clandestine, une chanson à perte de vue...Autant de façons de partir en mouvements coulés, d'explorer la vie constellée qu'accompagnent 7 saisissants pastels marins du peintre Gilles Bourgeade.
À la digue du large est une porte d'entrée vers les confins. Un livre écrit "sur la frise des matins vibrants". Porté par un souffle poétique qui vaut comme une promesse: Un jour, les yeux s'en vont sous la lumière.
Une nouvelle étape dans la coopération entre le poète Dominique Sorrente et le plasticien Gilles Bourgeade.
Dominique Sorrente et Gilles Bourgeade à la galerie Mosaïc (Marseille) -crédit: Béatrice Somville
pour commander: www.editions-tipaza.com
82 Avenue du Petit Juas, 06400 Cannes
18:18 Publié dans Agenda | Lien permanent | Commentaires (0)
13 mai 2020
LE HUIT DE SCRIPT: notre atelier de confinement
Le Huit de Script
ou la carte inopinée
Le Huit de Script est une carte à jouer qui était encore inconnue de tous, avant que nous ne la trouvions quelque part au détour d'un chemin, à la faveur d'une expérience commune.
Nous (un octette de poètes) nous sommes mis à jouer la création de huit poèmes à distance (au temps du confinement du printemps 2020), à modelages successifs, selon les instructions données par le meneur de jeu.
Après quelques coupes et remises, la partie s'est donnée. Les poèmes sont là. Objets nés de passages au tamis de l'hybridation. Chaque poème est donc à plusieurs voix. On pourra les lire, les parler. L'étrangeté est qu'on ne pourra pas dire le nom d'un auteur particulier lié à tel ou tel poème. Tout au plus, certains trouveront des fragments de leur travail ou de celui d'un autre, comme de petites pièces-pépites de reconnaissance, des bouts infimes d'identité. Histoire de se rassurer ou de s'amuser, en se voyant ainsi happé par le poème en mouvement.
L'atelier pose plusieurs questions (idéologie de la pratique, fondements de la création, réflexes langagiers, imitation des formes ou des émotions...).
Le Scriptorium est aussi fait pour cela.
Au-delà de l'écoute des créations et découvertes des uns et des autres, tenter des gestes collectifs. Sans jamais perdre le plaisir natif qu'on éprouve avec les mots, celui de jouer une partie toujours un peu inconnue de soi...
Ensemble, avec la carte du Huit de Script !
Ont participé à cet atelier:
Isabelle Alentour, Olivier Bastide, Wahiba Bayoudia, Elena Berti, Gérard Boudes, Marie Ginet, Emmanuelle Sarrouy-Noguès, Dominique Sorrente
***
Un Atelier d’écriture collective
Le poète est le plus souvent un créateur solitaire. Il aspire à une reconnaissance individuelle. Les poètes du Scriptorium ne font pas exception. Ils ont toutefois la particularité d’être du Scriptorium, de se dire Scripteurs, lorsque le moment découle d’un geste du collectif.
L’atelier Huit de Script est exemplaire de la gageure de faire groupe pour des poètes. Si la plupart des membres de l’octette signataire des huit poèmes issus de l’atelier publie habituellement nominativement, tous ont accepté, non le jeu de l’anonymat, mais celui de la signature collective. Ils ont accepté d’être bousculés dans leur écriture, leurs idées, leurs lexiques ; leurs poèmes ont été démantibulés ; ils ont emprunté ce qu’ils aimaient ou aimaient moins dans les textes qu’ils recevaient afin de proposer au poète suivant un poème qu’ils savaient être fugace. Ils ne connaissaient pas à l’avance les consignes de l’atelier, seulement sa destination.
Moi-même, pourtant concepteur de l’atelier, l’ai subi comme mes partenaires. Je ne sais plus ce que j’ai écrit personnellement, quelles bribes de textes seraient issues de ma tête. Je reconnais, et certains de l’octette me l’ont dit, l’hybridation de l’écriture.
Ces huit poèmes sont les nôtres ; ils ont fleuri dans Avril confiné en pied-de-nez à l’isolement.
Le meneur de jeu
Poème 1
À la Tombée de la nuit
Du balcon, la mer est à portée de mains ;
J'en écoute les cris
à la tombée de la nuit.
Le ciel remue encore
des îles de lumière.
Loin des tourments du monde,
je rêve un saut dans l’inconnu.
Poème 2
Dans le petit matin mes rêves
Je cherche dans le petit matin mes rêves ; je suis dans l’entre-deux, ni l'encore vivant ni l’oisillon qui se cogne aux vitres.
Il y a ceux que l’envol fait déjouer, ils vivent l’espace-temps premier ; ils errent aux alentours des feux, sujets aux mirages et aux fulgurances.
Et cette voix qui ne veut pas crier quand elle me dit : « Je sonderai l’écho pour connaître l’obstacle et, si tu sais m’entendre, nous nous évaderons au-delà des journées. ».
Sur la table de marbre, ce sera l'heure où l'on sirote un café.
Poème 3
Au joli mois de mai...
Au joli mois de mai,
les chansons sont parfois idiotes,
mais on les aime ainsi.
Elles aident à tourner les pages,
à avouer sans dose de ridicule excessif
que des cœurs pleurent.
La voix serait une caresse.
Un petit ruisseau suffirait ici
à vaincre la solitude.
On dirait : « Que les fleurs s'ouvrent ! »,
et le printemps viendrait
comme un avènement,
avec les sueurs animales sur le corps.
Les chansons descendent de la vieille tour
pour nous parler.
Et mine de rien, leurs mélodies
sont un défi au temps qui se retient
sous la voûte lactée.
Le mois de mai déjà sur toutes lèvres.
Poème 4
À ma vitre il a frappé
Flâner dans l'immensité.
Rêve de sirène,
fait de mer et solitude ;
un miroir dans une bulle de savon.
Un oisillon
posé sur des arbres,
à ma vitre il a frappé.
Poème 5
Au diapason des lunes
au diapason des lunes
elle s’était subrepticement évaporée
dansons !
lui avait-elle soufflé
sur d’extravagantes ritournelles
aux rythmes parfumés
dansons !
nos baisers pour unique paysage
sur la roue de nos souvenirs
en route vers d’étranges destinations
comment décrire alors cette échappée
importance d’un geste sans provenance
envolée vers l’azur qui efface les tourments ?
Poème 6
Ivresse
Ce que tu contemples à l’extérieur,
azur, grand printemps, étranges paysages,
tu l’absorbes,
baiser d’avril, envol d’hirondelles,
bien un peu rieuses
Tant d’oiseaux habitent sous ta peau,
boivent à la source de tes gestes
et du vent d’après,
éclairent l’Inconnu.
Vers l’immense bleu,
l’alouette et la mésange,
le rossignol ou le faucon
concerto à plusieurs voix
tu parcours les airs…
Poème 7
Dans l'espace-temps domestique
Le chant de quel oiseau ? Le cri de quel animal ?
Sorti d’un rêve étrange au milieu de la nuit,
À défaut de plonger dans la mer, dans l’écume, à l’horizon des vagues,
S’éclipser sous la douche, s’envelopper d’un manteau d’eau chaude,
Et soudain retrouver la mémoire ruisselante, réjouie à l’odeur du savon.
Hésitation lente à marcher dans cette énigmatique pénombre
Tel un astéroïde errant sans boussole dans l’espace-temps domestique,
Bousculé au hasard, semble-t-il, celui là même encore une fois
Impossible à convoquer, tant il est capricieux
Au sortir de ses draps, on dirait qu’elle se réveille.
Poème 8
Le parfum d’une nuit d’été
C'est une question de regard
ou peut-être d'écoute
ou même de sensation
se placer à l'affût de la vie
dans la contemplation
de l'immensité de l'univers et des petites choses courantes
non pas se laisser envahir
par les tournitures
les miroirs et leurs craquelures
non pas évoquer l'idéale éternité
S'attacher aux espoirs éphémères
mais s'émerveiller de ce que l'aurore est venue de
scruter
tâtonner
Sillonner dans la peau
comme l'argile ou le tournesol
qui lentement s'ouvrent à l'immensité
ne pas chercher à vaincre la solitude
mais la chérir comme une intime
part de douceur et de doute
elle est la lumière qui s'attarde
là où nous frémissons
Le parfum d'une nuit d'été après la pluie
On reconnaîtra ci-dessus "à vol d'oiseau" les huit participants au Script de pique d'avril 2020. Merci à Jo pour ces superbes portraits.
16:50 Publié dans Agenda, Intervalles, Jeux | Lien permanent | Commentaires (1)