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  • Poèmes des Commencements (II) ~ Angèle Paoli

     

     

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    Au commencement    il y a

    le silence       lettre muette

    dans la nuit qui engendre les rêves

    vagues de mots qui roulent leurs volutes

    sans fin    ni commencement 

     

    elle voit des cadratins à demi-mots

    ferrés à gauche ferrés à droite

    il faudrait avoir le courage

     

    de se lever    mettre la main

    au clavier   prendre des notes

     

    demain il sera tard

    elle se rendort sur sa pelote

    laisse les fils se débrouiller

    dans son sommeil

     

    Au commencement     il y a un rêve     

    rêve de chaleur nonchalante

    veillées festives sous le tilleul

    et les jeux des enfants

    leurs rires en étoiles

    pépites de bonheur cueillies

    au creux des mains

     

    S'en vient l'éveil   brumeux et lent

    s'envolute et s'enroule

    une journée d'hiver affleure

    glisse ses ondes sous le sommeil

     

    les rugosités surgissent âpres

    exigeantes sous la peau

    bûches à rentrer avant la neige

    ses longues heures de silence

    immobile dans le ciel blanc

     

     

    De quels commencements suis-je faite

    chevauchements d'écailles

    chevillées du jour à la nuit

    et de la nuit au jour

    par quels commencements

    ouvrir la marche

     

    de l'ailleurs et

    du temps ?

     

    Par les montagnes sans mémoire

    à travers ciels sans limites

    et souvenirs sans âge

     visages sans regards

    horizons sans nuages

    routes et sentes

    sans feu ni fin

     

    ou bien

     

    reprendre la page     blanche et lisse

    écrire la lumière pâle qui perce

    à travers volets et lucarnes

    se contenter de l'enchevêtrement

    intime de la nuit avec le jour

    dans la chaleur douillette de la chambre

    au creux des livres qui sommeillent

    ouvrir celui-ci ou celui-là plutôt

    s'engager sur la voie des possibles

     

    attendre que vienne le désir

     

     

    Et si commencement et fin

    n'étaient qu'un même entrelacement

    de mailles     l'une à l'autre tissées

     

    réseau serré de points

    un à l'envers un à l'endroit

     

    qui démêlera les feuilles

    soudées

    de demain et d'hier

    mille commencements identiques

    étroitement serrés dans la régularité

    des formes

    imbriqués l'un dans l'autre

    fil de tête et fil de fin.

     


    Angèle Paoli (inédit)



  • Poèmes des Commencements (I) ~ Amin Khan

     

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    Tu me tardes

    chute étincelante

     

    poumons ouverts

    au murmure des étoiles devineuses

     

    salut au poignard

    à ta hanche blanche et lasse

     

    tu me dardes

    mauvaise et nonchalante chance

     

     *

     

    Pitié pour la bête

    Percée de pure chaleur

     

    pour l’Arabe errant

    pleurant dans tes cheveux

     

    pitié pour le marcheur

    sans la source ni l’adieu

     

    l’éternel poursuivant

    de la poussière et du sel

     

    pitié pour l’homme nu

    l’abandonnée sentinelle … 

     

     

    Amin Khan Arabian Blues

    Éditions MLD, 2011

  • Du Scriptorium à Podio, paroles en écho

     

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     © Photo Bernard Meyran

     


                                   AUX COMMENCEMENTS PARLAIT PODIO


    Tout ce qui arrive est toujours un commencement, écrit Rainer Maria Rilke. C’est dans ce temps de l’ouvert, plaisir et risque, modulation et stridence, que ce 18 février, le Scriptorium a convié le public à rencontrer quatre poètes de l’association Podio venus de Grasse et ses alentours. Fidèle à sa formule, le Comptoir des poètes proposa le bel échange des voix, dans le parti-pris de ne pas gloser, mais de tenter des résonances.  C’est ainsi que successivement  la parole fut donnée à Daniel Schmitt, Yves Ughes, Alain Freixe, et  Brigitte Broc pour donner à entendre un peu du parcours de chacun,  en sa tonalité particulière. Au voisinage de la chanson, le goût d’enfance sur les lèvres, Daniel Schmitt comme une évidence des mots tendres et joueurs. L’emprise du tumulte des légendes urbaines pour Yves Ughes dans sa Décapole aventureuse. La vigilance solaire des empreintes et le questionnement insistant dans les ramas d’Alain Freixe. Le par cœur des rivières données en partage par Brigitte Broc. Quatre façons d’entreprendre la « défense et illustration de la poésie » à Vence, Nice, Cannes et à l’entour.

     

    Une deuxième tournée était alors proposée par les scripteurs présents ou les poèmes, intercesseurs des absents. On entendit ainsi Angèle Paoli, Nicolas Rouzet, Patrick Druinot, André Ughetto, Leonor Gnos, Valérie Brantôme, et encore des extraits du fertile Chant déraisonnable de Martial Teboul ou le saisissant Arabian Blues de Amin Khan*,  autant de formes de commencements à saisir comme des occasions inespérées. De fulgurantes brèves de comptoir, en somme…

     

    Aux poètes invités revenait le plaisir d’un contre-écho, comme la reprise des sillons après les échappées des scripteurs. Un troisième mouvement allegro ma non troppo, de quoi fixer à nouveau l’attention et nous laisser surprendre. Près de deux heures avaient passé quand le signal de la dispersion fut donné.

     

    salle_angèle.jpgCurieux sentiment que procurent ces confluences de mots, si rares, si insaisissables comme seul les transforme le mode opératoire de la poésie. Dont on ne sait pas dire grand-chose, et qui pourtant témoignent d’une accroche intime exposée à l’oreille comme un secret public. À l’image d’une salve de commencements toujours à réinventer.

    Le nombreux public qui avait répondu présent en ce samedi soir de février à la salle Tempo de la rue Sylvabelle à Marseille ne s’y est pas trompé. De Podio au Scriptorium, ils ont pu rêver à une nouvelle tâche à accomplir : relier les comptoirs de la poésie dans la promesse d’un paysage commun, et d’abord sur ce littoral méditerranéen. Et faire la part belle à cette minuscule communauté de destin des introuvables.


    Dominique Sorrente



     .........Textes et extraits à suivre.....  Album-Photo de la rencontre ICI ....