29 février 2012
Poèmes des Commencements (II) ~ Angèle Paoli
Au commencement il y a
le silence lettre muette
dans la nuit qui engendre les rêves
vagues de mots qui roulent leurs volutes
sans fin ni commencement
elle voit des cadratins à demi-mots
ferrés à gauche ferrés à droite
il faudrait avoir le courage
de se lever mettre la main
au clavier prendre des notes
demain il sera tard
elle se rendort sur sa pelote
laisse les fils se débrouiller
dans son sommeil
Au commencement il y a un rêve
rêve de chaleur nonchalante
veillées festives sous le tilleul
et les jeux des enfants
leurs rires en étoiles
pépites de bonheur cueillies
au creux des mains
S'en vient l'éveil brumeux et lent
s'envolute et s'enroule
une journée d'hiver affleure
glisse ses ondes sous le sommeil
les rugosités surgissent âpres
exigeantes sous la peau
bûches à rentrer avant la neige
ses longues heures de silence
immobile dans le ciel blanc
De quels commencements suis-je faite
chevauchements d'écailles
chevillées du jour à la nuit
et de la nuit au jour
par quels commencements
ouvrir la marche
de l'ailleurs et
du temps ?
Par les montagnes sans mémoire
à travers ciels sans limites
et souvenirs sans âge
visages sans regards
horizons sans nuages
routes et sentes
sans feu ni fin
ou bien
reprendre la page blanche et lisse
écrire la lumière pâle qui perce
à travers volets et lucarnes
se contenter de l'enchevêtrement
intime de la nuit avec le jour
dans la chaleur douillette de la chambre
au creux des livres qui sommeillent
ouvrir celui-ci ou celui-là plutôt
s'engager sur la voie des possibles
attendre que vienne le désir
Et si commencement et fin
n'étaient qu'un même entrelacement
de mailles l'une à l'autre tissées
réseau serré de points
un à l'envers un à l'endroit
qui démêlera les feuilles
soudées
de demain et d'hier
mille commencements identiques
étroitement serrés dans la régularité
des formes
imbriqués l'un dans l'autre
fil de tête et fil de fin.
Angèle Paoli (inédit)
20:57 Publié dans Les feuillets de poésie | Lien permanent | Commentaires (1)
Poèmes des Commencements (I) ~ Amin Khan
Tu me tardes
chute étincelante
poumons ouverts
au murmure des étoiles devineuses
salut au poignard
à ta hanche blanche et lasse
tu me dardes
mauvaise et nonchalante chance
*
Pitié pour la bête
Percée de pure chaleur
pour l’Arabe errant
pleurant dans tes cheveux
pitié pour le marcheur
sans la source ni l’adieu
l’éternel poursuivant
de la poussière et du sel
pitié pour l’homme nu
l’abandonnée sentinelle …
Amin Khan Arabian Blues
Éditions MLD, 2011
11:11 Publié dans Les feuillets de poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
26 février 2012
Du Scriptorium à Podio, paroles en écho
© Photo Bernard Meyran
AUX COMMENCEMENTS PARLAIT PODIO
Tout ce qui arrive est toujours un commencement, écrit Rainer Maria Rilke. C’est dans ce temps de l’ouvert, plaisir et risque, modulation et stridence, que ce 18 février, le Scriptorium a convié le public à rencontrer quatre poètes de l’association Podio venus de Grasse et ses alentours. Fidèle à sa formule, le Comptoir des poètes proposa le bel échange des voix, dans le parti-pris de ne pas gloser, mais de tenter des résonances. C’est ainsi que successivement la parole fut donnée à Daniel Schmitt, Yves Ughes, Alain Freixe, et Brigitte Broc pour donner à entendre un peu du parcours de chacun, en sa tonalité particulière. Au voisinage de la chanson, le goût d’enfance sur les lèvres, Daniel Schmitt comme une évidence des mots tendres et joueurs. L’emprise du tumulte des légendes urbaines pour Yves Ughes dans sa Décapole aventureuse. La vigilance solaire des empreintes et le questionnement insistant dans les ramas d’Alain Freixe. Le par cœur des rivières données en partage par Brigitte Broc. Quatre façons d’entreprendre la « défense et illustration de la poésie » à Vence, Nice, Cannes et à l’entour.
Une deuxième tournée était alors proposée par les scripteurs présents ou les poèmes, intercesseurs des absents. On entendit ainsi Angèle Paoli, Nicolas Rouzet, Patrick Druinot, André Ughetto, Leonor Gnos, Valérie Brantôme, et encore des extraits du fertile Chant déraisonnable de Martial Teboul ou le saisissant Arabian Blues de Amin Khan*, autant de formes de commencements à saisir comme des occasions inespérées. De fulgurantes brèves de comptoir, en somme…
Aux poètes invités revenait le plaisir d’un contre-écho, comme la reprise des sillons après les échappées des scripteurs. Un troisième mouvement allegro ma non troppo, de quoi fixer à nouveau l’attention et nous laisser surprendre. Près de deux heures avaient passé quand le signal de la dispersion fut donné.
Curieux sentiment que procurent ces confluences de mots, si rares, si insaisissables comme seul les transforme le mode opératoire de la poésie. Dont on ne sait pas dire grand-chose, et qui pourtant témoignent d’une accroche intime exposée à l’oreille comme un secret public. À l’image d’une salve de commencements toujours à réinventer.
Le nombreux public qui avait répondu présent en ce samedi soir de février à la salle Tempo de la rue Sylvabelle à Marseille ne s’y est pas trompé. De Podio au Scriptorium, ils ont pu rêver à une nouvelle tâche à accomplir : relier les comptoirs de la poésie dans la promesse d’un paysage commun, et d’abord sur ce littoral méditerranéen. Et faire la part belle à cette minuscule communauté de destin des introuvables.
Dominique Sorrente
.........Textes et extraits à suivre..... Album-Photo de la rencontre ICI ....
- Amin Khan, extrait d'Arabian Blues > « Tu me tardes / Chute étincelante...»
- Angèle Paoli > « Au commencement il y a / le silence lettre muette...»
- Gérard Boudes > « Au commencemen était le con»
- Daniel Schmitt > « Entre l'enfance et la vieillesse »
- Martial Teboul > « J'appelle à la croisée...»
- Yves Ughes > « La marche s'adapte...»
- Leonor Gnos > Aveu / Vertige / Voeu
- Dominique Sorrente > « Les commencements / Il y a un matin »
- Alain Freixe > « Des étoiles rouges... / Notre tristesse ce soir...»
10:33 Publié dans Rétrospective | Lien permanent | Commentaires (0)