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Le Scriptorium - Page 128

  • Rétrospective Danse ImproÉsie

    En novembre 2007

     

    Je me souviens que ...

     

     

     

    C'était pour moi une journée vraiment spéciale, l'occasion d'être "entière", l'occasion d'évoluer en un espace où les deux pôles d'atttraction (entre lesquels j'évolue souvent)  : danse et poésie,   seraient enfin rassemblés.  C'était comme le prolongement d'une résidence vécue à Chateauvallon où j'avais travaillé avec Jean-Jacques Sanchez et Jasone Munoz, tous deux danseurs et chorégraphes. C'était partager avec mes amis danseurs ma part écrite, partager avec mes amis scripteurs ma part danseuse. Offrir la disponibilité de mes deux amis danseurs à l'ouverture d'esprit de mes amis scripteurs.  À mon niveau une opération holistique.

     

    Il s'agissait de prendre contact avec le monde du gestuel, de l'éphémère, avec ce que peut le corps quand on le connaît bien et qu'on vit harmonieusement dans son enveloppe. Se sentir confortable et confiant, bien dans sa peau.

     

    Il s'agissait de trouver le lien entre poésie dite intuitive et revendiquée comme telle, avec l'improvisation dansée, qui à un niveau professionnel est pratiquée selon diverses voies  et lois.  Il s'agissait de vivre l'instant et que le corps l'exprime, le confie, le confesse. Il s'agissait de  savoir trouver  le plus court chemin "entre l’affectivité et le mental immédiatement et simultanément sollicités dans l’acte de création" comme l'écrivait après cet intervalle Geneviève Liautard.

     

    Il s'agissait peut-être de mesurer un désir, de prendre le temps d'écouter, de toucher combien vivre en se dévouant à la poésie, intuitive en l'occurrence, est apprendre à "perdre" pour mieux " gagner " par le biais de la conscience et du souvenir passant par le texte et par le corps. L'écriture laisse son empreinte sur une page, un écran, ou dans les muscles, une trace reste du passage du geste...  Ce qui revient à constater qu'on ne trouve pas, quelque soit la quête, on RE-trouve, RE-découvre,  RE-combine, RE-organise, RE-crée ... (quoi  l'éternité) ...  alors qu'est-ce qu'improviser sinon puiser et faire nôtre en toute ingénuité, l'authentique d'une émotion et la richesse d'une mémoire ? Débloquer le contrôle du mental, lever les censures de l'inconscient, se laisser surprendre, s'abandonner à l'inconnu tout en sachant attendre.... dans la latence du juste ; le mot ou le geste s'ajustent à l'émotion qui ne déborde pas, s'ajustent à l'espace de disponibilité et d'attention permises par la concentration, alors quelque chose de la jubilation est vécu ....

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  • Accostage de rentrée

    Septembre, au Frioul

     

     

                    Abordage, quarantaine, port d’attache… tout cela à la fois. Les scenarii les plus divers, depuis les boat-people en passant par la fidélité de notre hôtesse, jusqu’à la grippe porcine, auraient pu illustrer le titre donné à l’intervalle du Scriptorium. 

    Ce début de  Groupe Scripteurs (DV).jpgmois de septembre mal nommé septième,  puisqu'en réalité neuvième de l'année, évoque les vendanges, la rentrée des classes, un parfum de nostalgie l'accompagne... Le 5 septembre à Marseille, la nostalgie était balayée par un vent vigoureux tellement que notre hôtesse Adrienne Mequin sur son île de longues heures a craint  qu'il nous faille renoncer à notre traversée.   Les vagues ont salué notre équipée comme il se doit, généreusement, à leur façon pirate de nous narguer. Relever le défi était bien à l'ordre de notre jour, il nous fallait mener à bien plusieurs missions, dont l'assemblée générale de l'association où les bilans, moral et financier, ont été approuvés à l'unanimité. Je ne reprendrai pas le déroulement des opérations (qu’on peut retrouver sur la page de l’agenda), toutes les étapes ont été respectées et chacune nous a apporté son lot d'échanges, de discussions, de propositions, moments denses et concentrés, où chacun a pu faire la preuve de la bonne santé de l'association, chacun acceptant de jouer le jeu, c’est à dire d'assumer une tâche au sein des triades définies afin de piloter les divers chantiers et projets que le Scriptorium a l'ambition de proposer à ses membres comme au public.

     

    Me mettant dans la position de celle qui expose et témoigne, une question à présent  me traverse l’esprit : c’est quoi au juste rapporter ? Quelles choses à dire sur les êtres, sur les faits, quelles idées générales dégager de la somme des émotions, des rires, des éclats de voix et des remarques notées-entendues...? Je gage que touchés chacun à notre façon nous l’avons été par la grâce de certains instants ne serait-ce que face au paysage somptueux qu’offre le lieu,  ou par la découverte de trois nouveaux membres de l’association, grâce et privilège des premiers échanges que nous vivons lors d’une rencontre. Mais aussi dire la bonhomie du partage,  l’amitié contenue joyeuse  dans les taquineries ... c'est quoi le courant qui passe, la sensation d'avancer comme jamais peut-être il ne nous avait été donné de le faire depuis dix ans... car le Scriptorium fête cette année son anniversaire,  l'âge de raison est passé, la pré-adolescence pointe son nez à l'horizon du paysage poétique avec son blog né il y a un peu moins d'un an, avec huit directions de projets et chantiers pour que chacun puisse explorer son terrain de prédilection et offrir ce qu’il sait ou aime le mieux.  

     

    Cette séance de rentrée aura mis en évidence des potentiels et des ouvertures considérables, capables de soulever l'enthousiasme des plus pessimistes (timorés, réservés ?) ... tous les germes sont là, et nous sommes tous conscients qu'il nous faut à ce stade de la partie,  transformer l'essai. Pour cela  rendez-vous est pris  pour le 3 octobre, un nouvel intervalle nous verra réunis autour des thèmes du mouvement infime de la danse. Les danseurs contemporains japonais comme les traditions japonaises du Haïku et de l’Ikebana nous aideront à poser la question (et ressentir) du mouvement dans l’immobilité, c’est à dire faire l’expérience profonde bien que minimale, de l’essence du vivant. 

     

    Béatrice Machet 

     

     

     

     

    Autour de la table, les textes en lecture croisée ont restitué pour chaque scripteur sa traduction du thème retenu, avec en supplément cette approche particulière du rapport à la coïncidence, qui qualifie la démarche  des poètes du Scriptorium.   Qu'ils soient célèbres ou  moins connus, la palette des auteurs évoqués en contrepoint des productions personnelles a livré une belle richesse et d'étonnants  contrastes :  Jacques Prévert, clin d'oeil de Jeannine Anziani,  F-R. de Chateaubriand, dont notre hôtesse Adrienne Mequin a choisi de lire un passage du chapitre II des Mémoires d'outre-tombe, Fernando Pessoa en son Accostage, cité par André Ughetto, un extrait de Vents de Saint-John Perse lu par Olivier Bastide.  Ainsi qu'une ouverture sur quelques poètes, dont pour la plupart, nous partagions pour la première fois la parole, tels que José Gers, artiste, écrivain belge du début du XXème siècle, Yannis Ritsos, Jean Bouhier et Déborah Miranda, poète indienne d'origine Esselen, à laquelle Béatrice Machet a tenu à rendre hommage.

     

     

    Frioul_photo Elena.jpg
    © Ph. Elena Berti

     

     

     

    Port d’attache

     

                    Ouvert sur les arcanes de l’inconnu     

                    Lieu nourricier de l’âme dans l’odyssée des jours

                     

    Faire éclore dans la mémoire des eaux

    Un futur en germe à l’envers du geste

     

     

    Sortir du temps jusqu’aux cigales

    Libre rive     

    Port sans attache

     

     

     

    Geneviève Bertrand

     

    (extrait de Port d'Attache. 

    Texte intégral  ICI )

     

    Retour au port

     

     

    Bientôt l’échine de la jetée

    fixera la fin du périple

    L’auréole des collines

    camoufle la cible

    Finis le plus loin et l’encore

    Le ressac broie les mirages

    Solidaire du quai

    l’anneau guette l’amarre.

     

     

    Jean Bouhier

     

    (extrait de Fortune de mer,

    coll SUD n°14 / supplément à la Revue Sud)

      

    *

    Pour clore la rencontre sur l'île, les scripteurs et le public invité se sont rassemblés dans l'ultime partage du jour pour une lecture sous les colonnes du temple-chapelle. Dans la lumière du couchant, les voix des quatre lecteurs, Béatrice Machet, Jeannine Anziani, Olivier Bastide et Dominique Sorrente se sont élevées, claires et hardies malgré un Mistral véhément ! Entre Shapeskeare et Leonard Cohen en passant par Paul Fort, les écrits de chacun, présents mais aussi absents du Scriptorium qui avaient confié leurs mots, ont trouvé leur place au grand air de la poésie.

    Prochain intervalle le 3 octobre 2009 : " Mouvements infimes " (danse et poésie). Programme et informations bientôt dans la rubrique Agenda du blog.

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    • quelques-uns des poèmes du jour dans la rubrique Feuillets de poésie
    •  album-photo de la rencontre         
       

     

  • D'une colonne à l'autre... Textes d'accostage

     

     

     

    « Accostage : rencontre entre l’embarcation et le bord d’une autre embarcation qui peut être une terre, en 1492 par exemple, passage d’un élément à l’autre, choc de contact ou rencontre aventureuse, alliance de la mer et de l’île…Nous sommes dans un monde d’accostages permanents. Tantôt le geste d’une silhouette étrangère, tantôt le heurt d’un récif invisible. Tout dépend moins, paraît-il, des corps étrangers l’un à l’autre,  que de leur façon de négocier la rencontre. Accoster comme vivre l’autre côté de l’intimité. »

     

    Dominique Sorrente

    (Notes sur la coïncidence)

     

     

     Houache(DV).jpg

     

     

      

    Port d’attache

     

    Ouvert sur le plein ciel       la pleine Etreté 

    dans sa mouvance liquide

     

    Port… altier – couronné de chênes et de charmes et de saules et d’érables

    Royauté première

     

    Creusé dans la roche en aplomb du ciel       ce passage utérin

    Seuil de l’invisible

     

    Attachée la racine           Détaché le regard

    Oubliée l’araignée d’enfance      l’obscurité du doute

    Vol libre d’épervier

     

     

     

    Port d’attache

    Ouvert sur l’impossible

    Mort détachée au fil de l’eau

    Nuée de têtards dans le repli de la rivière

     

     

    Marcher / Nager /le sec / l’humide / le rocher /la vallée

    Même respir          Même solitude

    Même présence dans la fissure hiatale entre l’air et le souffle

     

     

    Peau dilatée

    Jusqu’aux quatre points cardinaux

    Pétrie d’écorces, de cigales  de rides familières

    Peau végétale                          

    ardente à dissimuler l’envers des apparences

     

     

     

    Port d’attache

                    Ouvert sur l’illimité

    À l’heure de l’effacement

    Celle du corps déconstruit cellule par cellule

     

    Temps remonté à contre courant          

    Énergie des muscles qui exultent dans la puissance vive de l’eau

    Force à l’état brut qui n’a pas épuisé son compte

     

     

    Port d’attache 

    Tache de sang mêlé de sève

    Ombilic du monde

    Adhérence fibreuse à la matrice première

    Lovée à l’envers du rocher

     

    Cœur  à vif dans l’éclat calcaire

    Regard inversé

     

    Falaise de chair

    Marquée de ce  sceau d’éternité à l’aplat de la roche

    Cercle de mystère serti dans la falaise

     

     

     

    Port d’attache

    Ouvert sur les arcanes de l’inconnu     

    Lieu nourricier de l’âme dans l’odyssée des jours

                     

    Faire éclore dans la mémoire des eaux

    Un futur en germe à l’envers du geste

     

     

    Sortir du temps jusqu’aux cigales

    Libre dérive     

    Port sans attache

     

                                                  

    Geneviève Bertrand

      (inédit, août 2009)

     

     

     

     

    Entre ciel et colonnes.jpg 

     

     

    Chant d’entre les colonnes

     

     

     

    Ce soir, je chanterai en accostage au milieu des colonnes.

    J’ouvrirai le pont pour des mots qui se préparent

    à débarquer en phrases.

    Je porterai l’entaille au verbe pour découvrir son sang de troubadour.

    De mon île de fortune, ce sera le regard de loin

    qui me fera pencher au-dessus des saisons.

     

    Par une goutte de septembre, j’irai chercher

    les bénédictions de la mer en ses prises inconnues.

     

    Ce sera bien

    le temps, sous cette heure révolue

    des arrivées et des départs,

    le temps ôté des montres digitales, le point exact

    où le séjour s’allume et se dérobe

    avec à distance de quelques bords

    la grande ville offerte dispersée dans son sofa de lumières.

     

      

    Ce sera bien

    l’intervalle des dieux

    qui font de maintenant

    un lieu aux noms multiples, mandala

    de l’insaisissable.

      

     

    Ce sera bien

    une installation pour la nuit

    et son rangement

    et son dérangement

    au rythme des voix des diseurs du vent

    et des silences ouverts à l’aimant des oreilles.

     

     

    Accostage fervent, pour que s’écrive en sémaphore

    notre assemblée de l’éphémère

    parmi les vagues. Ce sera bien.

                                                                                               

      

     D. Sorrente

     

     

    gabarre.jpg
    POUSSIERE LOINTAINE

     

     

    Les chevaliers de chrétienté arrivaient là.

    au port de Saint-Jean d’Acre.

    reprenaient force.

    Se congratulaient d’avoir survécu,

    oubliaient le pendule des planches,

    la puanteur des entreponts.

    Retrouvaient là des amis, en faisaient d’autres,

    entamaient quelques rixes ;

    au caravansérail couchaient en paille fraîche,

    en sursis de combat

    dans le nid de la forteresse.

     

    Aujourd’hui point de chevaux

    émergeant éblouis des gabares.

    Aux quais ocres d’Akko

    des chats malingres accourus,

    première clientèle des pêcheurs,

    disputent leur repas aux mouettes criardes.

     

    Automnal glaive de midi sans dureté dans les ruelles

    mais le gradient du soir l’émousserait bien vite

    et le royaume à voir s’offre au delà des portes

     

     

    Nous avons voyagé

    dans l’espace du Nom

     

    L’aridité ceignait

    de bure notre vue

     

    Nous avons voyagé

    dans l’espace du Nom

    sur le sentier

    des syllabes interdites

    ensemble dépourvues

    de prononciation

     

    Nom de l’Unique sur nos têtes

     

    Tétragramme sacré

    de secrète acception

     

    L’aridité vêtait de bure les collines

    dont le reflet marcha sur la rive du lac

     

    Lyrique « mer de Galilée » que nourrit le Jourdain,

    la montagne où le Fils prononça le Sermon,

    l’anse où les rets de la Parole

    furent lancés vers les disciples,

    restes devinés de Capharnaüm

    et port de Tibérias près duquel se prélassent

    encore des baigneurs en l’eau jadis

    plus au sud baptismale.

     

    Nous n’avons guère accosté à cette rive,

    nous étions étrangers, nous reprenions la route

    en lacets s’élevant à hauteur de Carmel :

    Cana, mine de rien, au passage vous vend

    le vin des noces et plus loin Nazareth

    retient en ses méandres une des cryptes de la foi.

     

    Mais le plus beau de cette promenade

    ce fut le don de l’amitié entre nous trois.

     

    A Yvon Le Men et à Georges Guitton 

     

    André Ughetto