Intervalle du 27 avril 2013 à Marseille

Se laisser balbutier
par un mot juste ouvert.

Cette fois, c'est décidé, nous ferons bref.
Et évidemment, ça prendra un peu de temps…celui d’un intervalle avec les mots.
Nous tournerons résolument le dos aux sommes poétiques, odes interminables, et autres morceaux de bravoure épiques (tous aussi admirables les uns que les autres) pour nous rapatrier vers un pays à inventer ensemble : celui du presque rien, de la parole rare, des instantanés…Pierres de ricochets, mots en plume d’ange, phrases logées dans une coque de noix, à chacun ses élans minuscules, ses travaux d’approche « minimaliste ».
La littérature, et particulièrement la poésie, fourmille d’exemples de ces textes courts qui nous laissent délicieusement en suspens. Micro-fictions, aphorismes, maximes, distiques, épigrammes, vers unique… Selon notre humeur du moment rieuse ou grave, pensive ou facétieuse, à nous d’inventer nos instants de comptoir poétique, de dessiner ensemble le pays des formes brèves qui nous ressemblera, le temps d’un intervalle.
Et l’unique cordeau des trompettes marines - Apollinaire
Qui n’aura trouvé le ciel ici-bas
Le manquera là-haut -
les anges louent la maison d’à côté
partout où nous allons –
Emilie Dickinson (traduction Charlotte Melançon)
Je voudrais être une petite souris pour voir la tête des choses quand il n’y a personne - Henri-Frédéric Blanc
L'éternité, c’est long. Surtout vers la fin. Woody Allen
Pour participer à la rencontre-intervalle, merci de nous écrire à: poesiescriptorium13@gmail.com


Martial Teboul nous a quittés à l'été 2012. Habitant singulier du Scriptorium des premières années, il avait sa manière bien à lui de dicter la parole dans son emportement, avec ses phrasés multipliés, sa quête impétueuse d’une « beauté qui gouverne dans les angles du monde ». Lors des rencontres poétiques auxquelles il participait, il notait avec son encre résolue des successions de mots, à la façon de listes, attendant le moment fortuit pour que « l’hiver étincelle ». Il croyait peu à la possibilité du livre (il nous en laisse un pourtant, ce Chant déraisonnable, paru quelques mois avant sa disparition), convoquant plutôt dans ses versets la laisse des séquences fuyantes, la part d’inaccessible à traquer encore et encore. Il disait : « Il me faut un autre chemin pour retrouver au-delà de moi-même/ dans ma main, cette poussière devenue boue dont je fais des stèles… ». Complètement investi dans son activité de médecin gynécologue, Martial Teboul témoignait dans sa relation à la poésie de cette part brisée, volontiers rageante, parfois hautaine et en même temps chaleureuse, démunie, insatiable et toujours pèlerine qui nous fait étrangers de passage. « Tout dire, ne serait-ce qu’une fois, lâcher les fauves ! » : telle était la vigueur inscrite. Martial Teboul revendiquait cette brûlure de vivre quand « nous agrippe l’indicible ». Il penchait du côté de l’excès comme on tente de faire advenir une joie véhémente sur un ciel décousu, tandis que « lentement glisse l’escalier du temps ».
