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Le Scriptorium - Page 89

  • LES FOLIES DU MONDE du côté des scripteurs

     

    Ci-après, quelques contributions recueillies sur le thème du jour. 

    Intervalle prolifique de ce 7 décembre où il fut aussi question des naufragés de Lampedusa, du corps de Toutânkamon, de la boîte de Pandore, de Fernando Pessoa sortant la nuit sous ses lunettes noires, d'Andrée Cheddid loin des berges stridentes, sans oublier l'Annonce faite à Marie donnée par la Compagnie de l'Égrégore.

     

                                                                   * 

     

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    à Ossip Mandelstam

     

                                             Je marche


    Je marche

    Pieds à pieds

    Les pieds nus

     

    Vers ce ciel

     

    Sur une échelle

     

    Aux multiples barreaux ornés de poignards

     

    Une lourde pelisse à mes épaules

    Rejetant loin

    Ce siècle fauve

    L’odeur fauve

     

    Le cadavre de la raison

     

     

    NICOLAS ROUZET

     

     

    *

     

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    S'asseoir, debout, marcher

     

    S'asseoir, debout, marcher.

    Cela fait un certain temps déjà que bruissent autour de moi mondes et contredanses. Je le sais quand mon front s'alourdit, quand s'affirme avant toute autre chose le sentiment de chute. Je me repère alors aux yeux de cette femme, qui valse seule et qui, tour après tour, semble dicter ma conduite de son regard direct.

     Elle n'existe pas ! Elle n'existe pas ! Je dois frotter fort mon front de mes mains ; je dois circonscrire ce petit mal avant de trébucher les pieds gourds de peur.

     Cela passe par l'exploration minutieuse des recoins, le soin apporté au remue-ménage. Quelle est cette question qui se pose sans cesse, revient, s'oublie, revient, s'oublie mais laisse son souffle déposé un peu partout ?

     

    De part et d'autre du clos

    Qu'est-ce que mon regard ? Dois-je lui confier mon abord des choses ? Dois-je le penser comme un élément nécessaire du mystère ?

     

    Je vais mon chemin. Je lis. Je parle. J'écris. Je mange de bons petits plats. J'aime. Je n'aime pas. J'entre. Je sors. Je suis ému.

     

    Qu'est-ce qui est vrai ? Je questionne chaque lueur. Je questionne jusqu'au battement de mon cœur. Puis j'oublie.

     

    Le point focal décide du constat. Rien n'existe si je ne le sais, si je ne le prends par l'œil, si je n'incise la scène et l'arrière-rideau, soumis à l'impression et à son excision, dans l'écartèlement du cerveau.

     

     Achevé sous un cèdre

    Toujours au pied du mont. L'écume jaune preuve d'échec. Nulle eau ressurgie du gouffre. Serai-je proie  au gré des fauves ?

     

    Sur la crête, l'abrupt noir d'arbres mis en frontière, l'azur propice au rapt.

     

    A l'instant, je suis aigle. Le vaste espace et ses vertiges sont envolées  sauvages.

     

    Belle illusion. Nécessaire illusion. Aigle ou simplement homme serein, savoir le croire par instants. S'échapper du trop vrai, du trop cru, de l'addition strictement sue.

     

    Je viens de terrasser tout un jardin. Le vent, doux, joue avec les herbes encore vivantes. Un fond d'eau dans la bouteille évoque toute source.                                                         Pourquoi ces roses-là sont-elles  si rouges ?

     

                                                                           OLIVIER BASTIDE

     

     

    *


     

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    La vocation du fou

     

    Ô vous, tireurs de biais, honorez-le. À lui seul, l’honneur des astigmates !

     

    Au pays du bizarre,  la reine volontiers le dépêche.

    De naissance et pour la fin du jeu,  il tracera ses lignes, corridor  tout en blanc, corridor tout en noir, comme le sort l’aura jeté.

     

    Destin voué. On ne métisse pas la folie, on la traverse de bord en bord.

     

    Un fou n’en cachera jamais un autre.

     

     

                                                                DOMINIQUE SORRENTE

     

                            ( extrait de Le Jeu d’échecs et du mat, Pays sous les continents, MLD, 2010)

    Toit de Dunkerque 1.JPG 

     

     

     

     

     

     

     

  • L'HIRONDELLE (extrait)

     

     

    Feuilles décembre 2.JPG

                                                                                                                                                                                                

     

    Un matin effilé comme un songe elle s'avance

    D’un pas lent

    Vient de loin

    Me couvre du regard


    - deux lacs d’ambre limpide, soudain le calme

     

    Me dit qu'il est cruel

    D’épuiser la parole

    En futiles verbiages

     

    Assieds-toi tout au bord, me dit-elle

    Assieds-toi en retrait

    Et écoute en silence ce que te dit le monde

     

    Attends que les mots viennent

    Attends qu’ils viennent à toi

     

    Accueillir les mots nus, blessés, ou démunis

    Voilà tout ce que tu peux exiger de toi

    Et c’est déjà la moitié du chemin qui est fait

    Le chemin que l’on ne -

    Le chemin qui ne se -

     

    Premier poème écrit à coups de plumes d’anges

     

     

                                                                        *

      

    - Souvenir -

     

    Je pense souvent à elle.

    Et je ne peux penser à elle sans que résonne à mes oreilles les bruits de la forêt, ceux qu’elle m’apprenait à écouter au cours de nos balades printanières dans le sous-bois de la forêt de la Sainte-Baume. Un mélange de silence, de souffles du vent dans les hautes futaies et de pépiement des oiseaux, aussi chatoyant que l’étaient les éclats de lumière qui filtraient au travers des frondaisons.

    Notre consigne curieusement, pendant tous ces week-ends passés dans la maison de campagne, c’était : « Aucune musique ! ». « No music ! ». C’était se couper pendant deux jours du déferlement de rock qui roulait dans nos oreilles d’adolescentes le reste de la semaine. Evidemment nous avions nos grands classiques, Les Beatles, Albums Bleu, Rouge et Blanc. Nos chouchous, Stairway to Heaven de Led Zep. Et nos inconditionnels : Genesis… Mais le week-end, c’était : Silence !

    Car Frédérique, ma meilleure amie, ma confidente, mon Hirondelle, avait un projet : apprendre le chant des oiseaux. Parvenir à imiter leurs chants, à siffloter, chanter, pépier, gazouiller comme eux. Et elle y réussit. En pas même une année, elle parvînt à reproduire à la perfection une gamme incroyable de chants de différentes espèces.

    Son projet avait un deuxième volet, plus improbable sans doute : elle voulait apprendre à voler. Aussi vite, aussi haut, et aussi beau que les hirondelles qui traçaient là-haut dans l’azur. Elle assurait qu’elle y parviendrait.

    Simplement, cela prendrait un peu plus de temps.

     

     

                                                                          *

     

     

    Elle avait enlevé son manteau comme on dépose sa vie

     

    Parvenue au bout de la planche

    Mouvement suspendu

    Un pied dans le vide

    Les yeux fermés

    Elle appela

     

    Et tous les autres étaient absents

     

     

                                                                     * 

     

      

    Ce matin n’est pas un matin

    C’est un effacement

    Une discrétion

    Un retrait

    Une place faite à l’absence

    Un hommage feutré du silence à la nuit

     

     

    Marseille calanque fin de jour.JPG

     

                                                                              ISABELLE PELLEGRINI

     

     


     


     

     

  • PONCTUATION EN OCTOBRE

     

           Ponctuation forcenée de l'ordre des choses

     

    Si l'ordre des choses existe nous le devons à notre extrême volonté de ponctuer d'un tempo ferme l'inextinguible avancée du courant contre lequel rien d'autre que le ralentissement d'une virgule le point serré qui forge l'arrêt avant la crise de nerf ou encore la suspension par triple points ne saurait faire loi déclarative donc point et plaçons à la ligne cette autre chose bienvenue et bien heureuse

    exclamation

      

                                                                OLIVIER BASTIDE

                                                              


    à consulter le blog Dépositions d'Olivier Bastide

                                    

     

    Frioul graffiti DS - collection particulière.JPG

                                                                                                                                       collection particulière D.S. 

     

    L’intervalle « Ponctuations » s’est tenu le 26 octobre à Marseille autour de l’acacia résistant de la montée de l’Oratoire. Passé le temps fertile et prometteur de L’Assemblée générale, les scripteurs ont ponctué le moment, entre virgules, exclamations, suspensions, et variations de rythme pour quelques phrases. Hommage à l’invité - surprise de la fête, apporté par Henri Tramoy : le point d’ironie (point d’interrogation à l’envers) tombé en désuétude, mais non disparu.

     Le débat passionné entre coupes et flûtes de champagne, anniversaire oblige, a prolongé l’appel à témoins de vivre,  en rythme, bien sûr. D’un point à l’autre…Olivier Bastide nous a confié pour l’occasion ce poème d’humeur exclamative. Petit concentré de ces signes séparateurs qui nous ont, ici, réunis pour la meilleure cause qui soit.  Un intervalle de plaisir rythmé, en attendant l'entrée en scène de celui sur "Les folies du monde", le 7 décembre.

                                                                                            D.S.