LA RENCONTRE « INTERVALLE » sur les Folies du Monde s’est tenue ce samedi 7 décembre après-midi.
Failles de l’esprit, débordement, folie douce, mots ruptures : l’écriture a bien des choses à dire aux déchirements qui traversent notre temps comme notre vie personnelle.
À chacun de tracer à l’encre sa diagonale du fou plus ou moins zigzagante…
Autour de la table du jour, nous étions une dizaine de fervent-e-s pour explorer un peu de ces voix déchirées, de ces paroles qui tournoient, de ces regards aux prises avec le chaos.
Chacun essayant de nommer les signes de l’absurde d’hier et d’aujourd’hui (violence de l’apartheid, tyrannie des pouvoirs, solitude de la rue, folie quantitative…); chacun visitant ces états du cœur indicible, entre le songe d’Hölderlin, l’écho à Mandelstam, le rêve de Zinzi (une des filles de Nelson Mandela), l’enfer musical d’Alejandra Pizarnik, et d’autres paroles encore, perforant la nuit ou recousant dans la trame des mots.
Un entrelacs de phrases échangées entre écoute et prononciation, avec la Pierre de Folie pour témoin. Et l’Espérance, restée à la traîne, dans la boite de Pandore.
Prolongement attendu de ce moment tournoyant : une rencontre au théâtre du Gymnase autour du Caligula de Camus dans la mise en scène de Stéphane Olivié Bisson, avec Bruno Putzulu en Caligula et Cécile Paoli (la fille de notre si fidèle Marthe, présente à notre Intervalle) dans le rôle de Caesonia.
MORCEAUX CHOISIS
Exercice pour la main gauche
En passant dans l’obscurité
vers un nuage de silence
vers un nouveau silence compact
qui brûlera lorsque je ferai silence
différemment
ce sera comme un tatouage
comme ses yeux bleus
soudain enchâssés dans les paumes
de mes mains
indiquant l’heure du silence
le plus beau
auquel nul n’a jamais imposé silence
alors
je n’aurai plus peur
d’être moi et de parler de moi
car je serai diluée dans le silence
ce que je dis est promesse
Alejandra PIZARNIK
(extrait du Journal 1964 traduction Anne Picard)
On lira une belle présentation d’ Alejandra PIZARNIK sur le site « esprits nomades » avec des traductions de Jacques Ancet
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/pizarnik/pizarnik.html
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On pourra écouter également Luc-André REY dans ce poème prenant « Qui a connu la rue »,
Texte écrit et présenté au 4ème Fiestival de MalstroemReEvolution en mai 2010 à Bruxelles
http://www.youtube.com/watch?v=x3SGgE1vQFA
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…Quand la folie eut tout à fait recouvert l’esprit de Hölderlin, sa poésie elle aussi, se renversa. Tout ce qu’il y avait de dureté, de concentration, de tension presque insoutenable dans les derniers hymnes, devint repos, calme et force apaisée. Pourquoi ? Nous ne le savons pas. C’est comme si, brisé par l’effort pour résister à l’élan qui l’emportait vers la démesure du Tout, pour résister à la menace de la sauvagerie nocturne, il avait aussi brisé cette menace, accompli le retournement, comme si, entre le jour et la nuit, entre le ciel et la terre, s’ouvrait désormais, pure et naïve, une région où il pût voir les choses dans leur transparence, le ciel dans son évidence vide, et dans ce vide manifeste, le visage lointain de Dieu.
Maurice BLANCHOT, L’espace littéraire
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Mais quoi donc à la fin, toi, le fou ?
Moi, cette langue entre quatre gencives
cette viande entre deux genoux,
ce morceau de trou pour les fous.
Mais justement pas pour les fous.
Pour les honnêtes
que rabote un délire à roter partout ?
Antonin ARTAUD, Le retour d’Artaud, le Momo
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O la folie et ses soleils, tout à coup blancs !
O la folie et ses soleils plombant
A rayons lents,
A rayons ternes,
Sinistrement,
La fièvre et le travail modernes !
Émile VERHAEREN, Les forces tumultueuses
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Docteur EY : N’est pas fou qui veut.
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CALIGULA- Où vas-tu, Hélicon?
HELICON- Te chercher la lune
Albert CAMUS, Caligula
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« et ce que le procureur a dit c’est qu’un homme ne doit pas mourir pour si peu »
Laurent MAUVIGNIER, Ce que j’appelle oubli (éditions de Minuit)
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La destinée nous tend parfois un verre de folie à boire. Victor HUGO,
L'homme qui rit - 1869.
inscription (extrait du Bateau ivre) en voie d'effacement qu'on peut lire sur le monument à Rimbaud- sculpture d'Amado, plage du Prado à Marseille
Commentaires
Tout s'était envolé en dehors de la boite
Et parti bien au loin, évasion éternelle
tout au fond ne restait, repliée en un coin
Que l'espérance.
Dans son sac, elle l'a emballée doucement
C'est ainsi qu'elle partit aux chemins
De l'errance
Elle s'appelle Pandora.
La folie a aussi valeur prophétique ( Saint Paul ). Le fou vient nous rappeler avec une sagesse destructrice que tout n'est que toc ici. Rien ne tiendra de l'édifice de ce monde. Nous sommes de pauvres comédiens qui prennent leur masque pour un visage.
Nicolas Rouzet
POESIE AU CŒUR DE L’ART
POESIE AU COEUR DE L'ART
Faut il dire : art au cœur de la poésie
Ou
Poésie art du cœur ?
Peut-être ?
Mais, peut on dire aussi :
Poésie au quart de l’heure ?
Est ce donc, poésie tous les quart d’heure ?
C’est plutôt, poésie au quart, comme pour le marin.
La poésie est à la veille du cœur,
A sa cadence elle bat.
Comme l’horloge, elle compte le temps,
Elle n’est ni à la demie, ni à l’heure.
Elle est de service pour toujours,
Si elle est à son quart.
Et ainsi, elle bat la mesure de tout art.
Gérard Boudes 10 mars 2014