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Hors les murs - Page 13

  • Jumelage poétique Toscane-Provence - 2ème mi-temps

     

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    D’un paysage à l’autre, écrire en mouvement comme on relie des pages inconnues. Le pari de nos mots échangés : celui des couleurs qui s’ignorent encore mais se devinent complémentaires. Notre désir de jumelage poétique est fait de cette matière-là à inventer ensemble.

    DS

     

     

     

    Pour la deuxième année, après le déplacement en Toscane au printemps 2009 où le Scriptorium avait été reçu par la commune de Pistoia, l'association organise un temps de Jumelages poétiques. Il aura lieu du 13 au 17 avril 2010 en Provence. Le principe de cette initiative est double : tisser des liens de sympathie poétique entre auteurs de différents pays, favoriser des instants de création partagée sur les lieux de vie des poètes.  Et pour cela, vivre des temps forts d’écriture en situation.

     

    À cette occasion, le Scriptorium établit un partenariat avec l’association POIEO, sise à l’Isle sur la Sorgue. Sont également parties prenantes du projet la commune de l’Isle sur la Sorgue, l’Accademia del Ceppo de Pistoia, l’Institut culturel italien de Marseille et la Fondation Pro Helvetia.

     

    Moulin à eau Isle sur Sorgue 1.jpegLe temps des jumelages se déroulera en deux épisodes : le premier à l’Isle sur Sorgue, le second à Marseille. Il permettra de prolonger la rencontre avec la ville de Pistoia (Italie) et d’ouvrir sur une nouvelle relation avec la ville de Morges en Suisse prévue pour avril 2011 ( Journée internationale du Livre -UNESCO).

     

    Le groupe sera constitué des participants suivants :

    • Pistoia/Accademia del Ceppo : les poètes Paolo Fabrizzio Iacuzzi, Maura del Serra, Martha Canfield et  Martino Baldi ainsi que Francesco Dreoni, Ilaria Tagliaferri,  Moreno Fabbri (traducteur et accompagnateurs)
    • Scriptorium : les poètes Dominique Sorrente, André Ughetto, Angèle Paoli, Olivier Bastide et Laurence Verrey (Suisse) ainsi que Valérie Brantôme et Yves Thomas (traductrice et accompagnateur)
    • Mario Passerini, poète (Anagni, Latium) s’associera à la rencontre dans le cadre du jumelage intercommunal entre l’Isle sur la Sorgue et Anagni.

     

    Outre les moments de rencontre en écriture et en ateliers de traduction, ce temps de jumelage sera ponctué de deux rendez-vous  publics,  l'un pour une première lecture le jeudi 15 avril à l'Isle sur Sorgue (Salle de la Congrégation), l'autre le lendemain pour un second temps fort à Marseille à l'Institut culturel italien, au cours duquel le professeur Alessandro de Francesco, représentant la revue florentine de poésie comparée Semicerchio, viendra présenter le n°40 de la revue consacrée à Piero Bigongiari et la France.

     

     

    Écrire la montagne, la rivière. Plus tard, écrire la mer riveraine et les ports. Faire de toutes ces péripéties des occasions pour activer nos instincts de lumière

     

     

     

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    Les poètes du Scriptorium et leurs hôtes parmi les Pomone du Musée Marini à Pistoia (avril 2009)

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    Institutions partenaires :

    Voir aussi :

     

     

     

  • PISTOIA : le temps du jumelage poétique IV

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    Époque 4 -  UNE FERVEUR TOSCANE 
                               Marino Marini : dans la contemporanéité de l'artiste 
     
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    Voisine de la gare, installée dans le vénérable Palais du Tau, la Fondation Marino Marini expose des tableaux, des dessins préparatoires, des statues – en marbre ou plâtre – de ce grand sculpteur (né à Pistoia en 1901, mort à Viareggio en 1980). En sortant de ce lieu, j’avais  l’impression d’avoir découvert l’essentiel de l’artiste – sensation que j’avais éprouvée lorsque j’entrai pour la première fois dans l’Hôtel Salé abritant le musée Picasso à Paris ; sans doute  la visite du « Centre de documentation » pistoiese ne dispense-t-elle pas de celle du « Musée Marino Marini » installé dans l’ancienne église de Saint-Pancrace à Florence, mais elle y prépare, dans l’intimité d’une dizaine de petites salles d’exposition occupant deux étages, par sa belle intelligence muséographique, combinant la chronologie et les genres des oeuvres. Tout au long du parcours effectué avec le groupe des voyageurs venus de France, sous l’autorité de Paolo et la conduite d’une employée de la fondation, deux amis italiens -  l’un peintre (Claudio Frosini), l’autre critique d’art, essayiste, nouvelliste que l’on m’a beaucoup loué (Gianfilippo Paganelli) -  m’ont grandement éclairé sur le travail en profondeur de Marini. Si l’archaïsme grâce auquel les Picasso, les Braque, Brancusi… ont construit leur identité artistique était retrouvé par eux dans les  « arts premiers » d’Afrique ou d’Océanie, celui de Marini est alimenté par la mémoire autochtone de la vieille civilisation étrusque, ce pilier enfoui de la civilisation romaine. D’où les « Pomone », déesses-mères de l’inspiration du sculpteur ; d’où les chevaux qui me rappellent Tarquinia et d’autres figures équestres dans l’art funéraire de l’Etrurie. Avec Marini on est ramené – sautons dans le jeu de mots ! – à l’élémentaire de l’élément Terre, dont la représentation symbolique la plus ancienne est le carré, comme chacun sait - tandis que le ciel est désigné par le cercle. Il en est ainsi par exemple dans les pièces de monnaie chinoise, depuis la plus haute antiquité : circulaires, comme le ciel dont l’empereur est le « dragon », mais percées d’un carré central car elles servent aux échanges terrestres. Dans la méditation de Marini, le quadrilatère obsédant de Pistoia joue également sa partie[1]. Son art, ancré au plus profond d’une tradition arrachée à des cimetières, n’en revendique pas moins la liberté moderne de jouer avec les formes, de les abstraire pour atteindre l’évidences dans son noyau. Et comme l’appréhension de l’espace nécessaire aux statues passe d’abord chez lui par une approche picturale, l’acte de peindre et de sculpter sont dans une complémentarité organique[2]. D’où résulte, avec un sentiment de grande unité, un équilibre très apaisant pour celui qui regarde. C’est beau parce que c’est juste : spectacle extériorisé d’une vérité intérieure, interne.

     

     

    André Ughetto

     

    [1] « Pistoia è la città dove sono nato, naturalmente e umanamente tutti siamo attaccati alla nostra particella da dove siamo nati. Pistoia è in me, anzi, insegna anche qualcosa, un certo ordine gotico, una certa struttura, una certa costruzione medievale. Ci sono delle bellissime cose a Pistoia, di primissimo ordine, cominciando dal Pisano. Certamente l'artista italiano nasce con questa grande tradizione sulle spalle, ed è una grande fatica perché è difficile misconoscerla. »

    Marino Marini, Un Aureola di sole, Confessioni sull’arte e otto disegni inediti, Fondazione Marino Marini edizioni, e Via del Vento edizioni, 1991.

    « Pistoia est la ville où je suis né, naturellement et humainement nous sommes tous attachés à la parcelle qui nous a vu naître. Pistoia est en moi, bien plus : elle enseigne aussi quelque chose, un certain ordre gothique, une certaine structure, une certaine construction médiévale. Il y a de très belles choses à Pistoia, des œuvres de premier ordre, en commençant par celles de Pisano. Certainement, pour l’artiste italien qui  naît avec ce grand poids de tradition sur les épaule, c’est un énorme labeur car il est difficile de l’ignorer. » (Trad. A. Ughetto)

     

     

    [2] Selon L’Arte è un gioco, Pensieri di Marino Marini, Via del Vento edizioni, 2007. 

     

     

     

     

     

     
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    Pomona

     

     

    à Marino Marini

     

     

     

    ― Innombrables ―

     

         les sculptures

     

    ― monumentales ―

     

     

    déclinent à l’infini des miroirs leurs ventres

    généreux

    plis et replis rebonds stéatopyges

    fesses cuisses hanches et seins vastes croupes larges

    matricielle abondance de chair blanche

    courbes du sexe clos

    sur son silence lisse

     

     

    ― Pomone ―

    Ô déesse-mère

    étrusque de toujours

     

     

    tes nudités amples offertes à la caresse

    ― vierge ―

    de mon regard nu

     

     

    tu déplies dans l’écho du silence

    tes visages lunaires regards absents

    ouverts sur l’invisible

     

     

    rendu à la pleine lumière par le souffle

     

    sculpteur.

      

    Angèle Paoli

     

     

     
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    La lumière a posé sur le blanc l’insistance charnelle des Pomone. Là, dans leur alignement, elles feignent l’immobilité, mais notre propre frémissement est preuve de vie sous-jacente, de marbre incandescent ! Et les chevaux affirment l’éveil du bronze, l’huile coule ses teintes dans des rectangles stricts. Je tiens un nombril bleu au sein du bleu, l’œil cerclé de rouge n’est pas un œil… il vit cependant d’offrandes en sa pupille. Ce sont matières et forces qui tiennent tête au vide. Se comprend un moment notre utilité.

     

    Olivier Bastide

     

     

     

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  • PISTOIA : le temps du jumelage poétique III

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    Époque 3 -  UNE FERVEUR TOSCANE 
                               Voyage dans la peinture florentine du XVIIe siècle 
      
     
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    Pistoia : la « ville rocheuse » (évoquée par Bigongiari[1]) est au final un quadrilatère, qui a repoussé, élargi par trois fois (VIIIe, XIIe, XIVe siècle), les murailles autour de son Duomo planté au cœur : tra i palazzi che la circondano sono stato stupefatto dallo spazio della piazza.  Je ne peux dire cela qu’en italien.

     

      

    Dans l’ancien palais des évêques, entre la cathédrale San Zeno et le Baptistère de San Giovanni in Corte, cette fabuleuse collection de peintres toscans du dix-septième siècle - que Piero et Elena Bigongiari avaient rassemblée – nous fait découvrir, grâce aux commentaires stimulants de notre charmante guide, comment une « morale » pesant sur des artistes est par eux contournée. Comment l’érotique s’exprime à travers le sacré, emprunte le véhicule des tableaux religieux, actualise dans l’allure et la vêture des contemporains les commémorations, histoires et légendes, bibliques et mythologiques. Comment le symbole visuel « parle » mieux qu’un discours.

     

    baptêmeChrist_Vignali.jpgD’une intense émotion est le « Baptême du Christ » de Jacopo Vignali, où le Baptiste au  manteau rouge semble déjà comme en un bain de sang ; coquine la toile d’Agostino Melissi : « Pan e Siringa » (Syrinx : une nymphe dont le faune luxurieux apprécie les nudités - et aussi l’instrument musical du genre flûte ) ; sublimes, chez Lorenzo Lippi, les visages de l’Ange Raphaël et du jeune Tobie découpant le poisson dont les organes doivent guérir la cécité du vieux Tobie ; jolie la scène imagée/imaginée par Giovanni da San Giovanni, où Cupidon (putto traditionnel) s’amuse à chausser les souliers rouges de Vénus, qui tolère le jeu de l’enfant - le sien dans une des versions du mythe.

     

    Plus bas dans la même montée d’escalier, on avait vu le Christ anticipant son agonie au mont des Oliviers ; une sueur rouge teinte sa face aux longs cheveux bouclés, si parfaitement androgyne dans sa complète humanité ; à sa droite, c’est-à-dire à la gauche du tableau, un ange qui tient un calice ensanglanté, est attentif à un murmure que Jésus n’adresse qu’à lui-même ; il est en train de consentir à son sacrifice ; derrière lui sur son épaule gauche deux autres anges pleurent, connaissant l’imminence de la Passion ; ce chef –d’œuvre, dont Bigongiari a souligné l’« expressionnisme », est d’un Cecco Bravo qui porte bien son nom. Mais encore plus m’a frappé quand s’achevait notre visite, le somptueux tableau de Simone Pignoni, représentant David et Abigaïl, l’épouse du général Nathan que le roi enverra à la mort pour lui prendre sa place auprès de la femme désirée. N’est-il pas significatif que le thème soit si fréquent dans la peinture du siècle ? Les intrigues qui écartent de la Cour de France les maris des favorites de Louis XIV ont dû avoir leur équivalent en de nombreux Etats de l’Italie. Lumineux, tourné vers le sombre profil de son amant, le visage d’Abigaïl est d’une extraordinaire modernité, qui fait songer à celui d’une actrice de cinéma dans un film historique en couleurs dont Cécil B. De Mille aurait signé la mise en scène.
    André Ughetto


    [1] Piero Bigongiari, Una Città rocciosa, Via del Vento edizioni, 1994.

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    Peinture : Jacopo Vignali - Détail du tableau  Le baptême du Christ

    [collection Piero e Elena Bigongiari - Cassa di Risparmio di Pistoia e Pescia]

     

     

     

     

     

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    L’escalier est antre fantastique. Eux, au sombre des tableaux, veillent le temps et la mémoire. Gravir les marches côtoie d’indicibles secrets. Rance est le sang épaissi des blessures. Deux yeux sont au fond d’une assiette ; leur regard fixe un lieu que je ne définis. Les seins gonflés de vie, elle implore en retrait d’elle-même son devenir. Ce sont proies sacrificielles, enfant qui nous étonne par le jeu de son pied menu dans ce grand escarpin, l’ange et la mort nos confidents. Les corps s’envoûtent, s’enchevêtrent de stupre et de mythes que le poète dit têtes à son chevet.

     

     

    Olivier Bastide

     

     

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    Capte-moi.

    J’épouse tes marches, montée d’escaliers dans le vent et la splendeur, une à une tes salles aux avancées multipliées sous l’écho mesuré de l’objectif.

     

    Capte-moi.

    Concentration. La bouche se fait mécanique. Passation de langues – elle dit, je redis – translation d’une époque oubliée qui gouverne en convenances  le cérémonial de la brosse et du pinceau.

    Aujourd’hui, mémoire. À réveiller les silences quémandés à l’esprit dans le défilé des pas, je cherche encore  aux grands murs blancs du palais le secret des ors et des bleus de Madone, celui des regards affranchis qui parlent l’âme du maître. Là où carcans et libertés consomment leur union, la chronique des portraits donne en savants drapés de velours passions andrinoples et véhémences du corps.

    Mystère inouï de ce siècle florentin qui peint mâtines ses jouvencelles toutes nimbées de leur sainteté, qui convoque au banquet des regards la grâce toute d’offrande des carnations, dans la célébration des étoffes et des rubans, qui de ciel, qui de corail.  Mais pourquoi, au fait ?

    Le temps est celui de vivre. Cette flamme créatrice qui semble dire : de férule, je ne subirai que celle de la couleur.

     

    Capte-moi.

    Magie des ateliers d’antan où se broie dans l’ivresse voulue la fabuleuse histoire des pigments.

     

     

    Valérie Brantôme

     

     

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    Peinture : Mario Balassi - Détail du tableau  Santa Reparata