20 mars 2020
PASSAGERS DE LA TOURMENTE, POÈME Dominique SORRENTE
Ce poème a été écrit en ce premier jour du printemps d'une année singulière. Avec une musique des Doors, revenue d'un autre temps, qui me faisait signe.
Version youtube (non répertoriée):
coquelicot solitaire sur la colline
PASSAGERS DE LA TOURMENTE
SOUDAIN IMMOBILISÉS
Passagers de la tourmente, soudain
immobilisés,
nous nous retournons,
la route tout d'un coup n'est plus là,
la mer si proche interdite.
Rentrez chez vous, beugle le haut-parleur.
C'est la rumeur qui, cette fois, a les yeux rouges
et ne ment pas,
elle dit qu'il y a un tueur sur la route
qui cache son visage aux vieux qui soufflent,
aux enfants shooters de ballons, aux poignets de portes.
Les corps se badigeonnent nus
en gels miracles
comme ils empilent l'une sur l'autre des bouées de sauvetage
qui se dégonflent vite.
Ponce Pilate n'est plus le seul à se laver les mains,
et plutôt trois fois qu'une.
Et les vagues continuent
mais sans nous
à lécher nos plages.
L'été, ce sera pour demain. Ici, on le raconte en rêve.
Étranges, nos soucis
de passagers de la tourmente
qui tirent sur imprimante le laisser-passer
de sortie.
Rentrez chez vous, répète le mégaphone.
Sur les branches de l'acacia,
les deux moineaux n'y entendent rien,
ni les mésanges, ni les goélands voleurs,
ni les guêpes qui font leur premier nettoyage de printemps.
Le buis est d'une forme insolente dans son exposition
de plein air.
On voit des chiens qui tirent leurs maîtres de compagnie.
Et les questions errent dans les rues.
La rumeur qui rôde remontera-t-elle la pente?
Comment respirent-ils, les poumons envahis ?
Que deviennent les morts sans sépulture ?
Comment dans l'appartement
régler la journée des enfants et les chamailleries ?
Ici une maman apprend à se faire appeler "maîtresse"
par son fils. Elle en sourit et se demande combien
de temps durera le rôle.
On dit qu'à Wuhan, ce fut un temps de pain bénit
autant pour les divorces et que les naissances.
Alors les zélés travaillent, il y en a toujours eu,
ceux qui se jettent à corps perdus sur les instants,
plus que jamais les zélés dévorent leurs écrans
qu'ils trouent de plus en plus
pour inventer des tunnels, des sas, des passerelles.
Tandis qu'aux fenêtres à huit heures,
à côté des linges qui pendent, les casseroles
inventent un orchestre de bruits
en hommage aux gens masqués et aux soldates en blanc.
Et toi, passager de la tourmente, soudain
immobilisé, tu entends
des hurlements dans tes oreilles:
qui viendra prendre le dessus ?
Fini l'ouest,
fini l'autobus bleu.
Finis cinoche et troquet,
les embrassades de peau à peau.
On s'encapsule.
On se parcourt de baume.
On se met camisole de distance
et on découvre à tous petits feux
les lettres du mot: cellule d'isolement.
Passager de la tourmente. Et alors ?
Tu es chanceux.
Infiniment.
Pour le moment.
Apprends juste les couloirs,
le bout de table,
la pomme à croquer,
la poussière dans l'œil du tiroir.
Et ce n'est pas la fin d'en rire!
Apprends
l'incroyable silence
qui avait déserté la place.
Et pourquoi faudrait-il en avoir peur ?
Après tout, dans cet habitacle de fortune,
jeté avec les autres,
c'est l'heure de reconnaître
des tas de choses qui n'avaient pas de noms.
Tous les enfants
ne deviendront pas fous
dans l'attente des pluies espérées.
Allez, chanceux, tu ne pourras pas disparaître
d'une dose de trop
dans les toilettes sordide d'un bar.
Fais quand même gaffe à ta baignoire trop pleine
ou au court-jus. Aux engueulades qui cognent trop,
aux vengeances des monstres de l'intérieur.
Pose doucement ta tête absente
sur mon drap blanc teinté de rouge.
Lançons-nous des signaux,
à la façon des autochtones.
Les choses ne sont pas ce qu'on pourrait croire,
mon docteurs demain aura retrouvé son visage.
Agrippons-nous au mot "confiance"
qui s'amuse de tout et voit pousser
sur la butte blanche de calcaire
les premiers pissenlits.
On se donne rendez-vous,
mes passagers de la tourmente.
Une coupe de champagne à la main.
On va traverser la dalle et les cristaux liquides.
Slainthe ! comme on dit en Irlande.
Santé! Prosit! Prost ! Cheers! Plus que jamais.
Et jusqu'à ce que Vie s'en suive.
Dominique SORRENTE
20 mars 2020
18:20 Publié dans Le sens de l'humeur, Marseille Bateau Ivre... | Lien permanent | Commentaires (1)
J-2: LE BATEAU IVRE DU SCRIPTORIUM EN PHOTOMONTAGE...
Oui, "mettons ensemble nos Morceaux de Bravoure!" C'est le voeu le plus cher que je puisse formuler pour le Scriptorium et ceux qui l'accompagnent.
Voilà donc le photomontage des Scripteurs réalisé par Paola Leone pour notre rencontre désormais "à distance" de ce dimanche 22 mars. Merci à Paola!
Lorsque le temps des retrouvailles viendra, ...un jour..., nous nous retrouverons au Bateau Ivre. Et nous rirons de savoir que l'image a précédé le réel...En espérant que les absents d'aujourd'hui nous rejoindront.
Gérard Boudes nous propose un portrait décalé, au fil de la semaine.
Portrait à la semaine
Se tirer un portrait ?
Un lundi on m’a dit : va à la machine
Et fais lui la gueule.
Il faut du je, il faut du me
Pour parler de soi
Du jeudi, du mercredi.
J’étais donc assis sur ce tabouret gris bleu
Et j’avais devant moi
Moi.
Rien n’est plus compliqué que sa propre face.
Qui suis-je ? Je suis
Attends ! Regarde !
Je prends ! Tu vois !
Et la photo de la gueule a jailli
De la fente de la machine.
**
Un rectangle en plastique avec sa gueule
Cela prouve que l’on est.
Je suis donc document avec un sang écrit
Et un code barre pour résumer mon corps.
Quand je passe un portique un lundi
On me donne une tête.
Quand je roule au métro le mardi
On me rend mes deux pieds.
Quand ma gueule apparaît au guichet mercredi
On consent après tout à livrer mes deux bras.
Et jeudi c’est pour moi je le dis, c’est ici
Transmettez tout mon jeu et mes jambes sur les prés.
Quand arrive vendredi, mon auto sur la route
Je ne peux pas manger car c’est jour de poisson
C’est heureux que soit là samedi où enfin
Je retrouve mes viscères et je peux respirer.
Et dimanche on me rend ce qui reste, les réflexes
Le sourire et le rire et peut-être le sexe.
Gérard Boudes
20 mars 2020
14:30 Publié dans Marseille Bateau Ivre... | Lien permanent | Commentaires (1)
19 mars 2020
J-3: BRAVOURE AUX CONFINS
J-3: Le Bateau Ivre est à présent bien ancré dans nos têtes.
Chacun s'invente comme il peut des gestes de proximité, et rêve des vagues de l'autre côté du paysage. Il se prépare peut-être un tour du monde de sa chambre à la suite de Xavier de Maistre...il sait aussi qu'ici ou là, circulent des effrois, des détresses...
Alors c'est une joie sans préavis de recevoir les "morceaux de bravoure" des uns et des autres...Ce matin, lors de mon excursion à pas comptés, je me suis penché sur le destin d'une subtile coccinelle, et j'ai cru comprendre qu'elle se penchait aussi sur le mien. Jusqu'à ce que nous comprenions ensemble que chacun attendait que l'autre s'envole pour dire le beau temps qu'il fera demain! Alors, nous sommes devenus bons amis.
Voici les trouvailles de scripteurs de ce jour. Leurs morceaux de bravoure. Venus d'Allemagne, de Suisse romande, et même de Marseille...
Dimanche, nos poèmes PARLERONT. De l'un à l'autre. N'hésitez pas à nous rejoindre pour de nouvelles inventions dans nos périmètres de fortune...
PAPIERS COLLÉS DE JOURNAUX - LAURENCE VERREY
LE RÉEL EST TÊTU CETTE ANNÉE...
Le réel est têtu cette année...
la vague claque
sans ralentir son rythme
fait trembler l'équilibre sur terre
la marée contraire riposte
sans langue de bois
prodigieux défi de produire un retournement
conjugué
le temps de matérialiser une eau de résistance
et de partage
Pour sauver le jeu
chantier permanent
d'actes de bravoure
sur tous les fronts
Laurence Verrey,
19 mars 2020
Terreuse progression D.Sorrente
ermutigung encouragement
ein tag ohne stift un jour sans stylo
das licht schreibt la lumière écrit
von selbst transparent toute seule transparentes
die zeilen zwischen les lignes entre
den menschen les hommes
wachsen naissance
geschichten des histoires
Eva-Maria Berg - traduction grâce à l´aide de Max Alhau
Jeu de marelle pour sortie brève. D.Sorrente
Que nous raconte ce gant laissé ? D Sorrente
« Tout le malheur des hommes vient...de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre » Blaise Pascal
Pour rien
Toute vie est l’histoire
D’un crime sans raison
Une passion sans gloire
Dont nous taisons le nom
Nous cherchons sans espoir
Le soleil de midi
Dans mille et un miroirs
Que la nuit multiplie
On voudrait être ici
Et là-bas à la fois
Mais dans tout ce tournis
Là-bas n’est jamais là
On danse avec la lune
Trinque avec le soleil
Dans cette infortune
Tout est toujours pareil
Et tu envies ton chat
Qui dort sur le sofa
En ronronnant, heureux
Pour rien ou pour si peu.
Marc Paul PONCET
Kit du parfait confiné. D.Sorrente
Dans un pays de lumière…
Qu’il vive dans un pays de lumière d’ombre ou de frimas
Qu’il soit sage ou qu’il soit fou
l’homme enfermé dans sa tour
l’homme enfermé dans sa grotte
Il suffira qu’il tende la main
pour qu’il touche la mémoire engourdie
de tous ces souvenirs frivoles
et que sa langue tourne sept fois
sous la dictée des lèvres
pour que s’ouvre
déjà
un chemin
à travers la neige fraîche
de la matrice des mots
Nicolas Rouzet
Et le printemps s'obstine...D.Sorrente
L’Enfer
Rien n'est plus neuf que mon enfer ; je le traîne, le trimbale à mes côtés sans m'en soucier plus que ça. Il est l’agrément
de mes nuits, le soufre de mes jours.
Depuis midi, il se précise dans un très strict enfermement qui prétend me réduire à n'aimer que la peur,
à obéir aux cris, à la parole vile du bourreau. Mais bientôt sonne l'heure de mes soleils et l'enfer redevient mon jouet,
fils de mes perversions, de mes douces violences. Je suis le diable.
OLIVIER BASTIDE
Balise en bleu pour carnet en errance D.Sorrente
16:36 Publié dans Marseille Bateau Ivre... | Lien permanent | Commentaires (0)