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PASSAGERS DE LA TOURMENTE, POÈME Dominique SORRENTE

Ce poème a été écrit en ce premier jour du printemps d'une année singulière. Avec une musique des Doors, revenue d'un autre temps, qui me faisait signe.

 

Version youtube (non répertoriée):

 

fichier son:
podcast

IMG_2366 LE COQUELICOT.JPG

coquelicot solitaire sur la colline

 

PASSAGERS DE LA TOURMENTE

 

 SOUDAIN IMMOBILISÉS

 

 

Passagers de la tourmente, soudain

immobilisés,

nous nous retournons,

la route tout d'un coup n'est plus là,

la mer si proche interdite.

Rentrez chez vous, beugle le haut-parleur.

 

C'est la rumeur qui, cette fois, a les yeux rouges

et ne ment pas,

elle dit qu'il y a un tueur sur la route

qui cache son visage aux vieux qui soufflent,

aux enfants shooters de ballons, aux poignets de portes.

 

Les corps se badigeonnent nus

en gels miracles

comme ils empilent l'une sur l'autre des bouées de sauvetage

qui se dégonflent vite.

 

Ponce Pilate n'est plus le seul à se laver les mains,

et plutôt trois fois qu'une.

 

Et les vagues  continuent  

mais sans nous

à lécher nos plages.

L'été, ce sera pour demain. Ici, on le raconte en rêve.

 

Étranges, nos soucis

de passagers de la tourmente

qui tirent sur imprimante le laisser-passer

de sortie.

Rentrez chez vous, répète le mégaphone.

 

 

Sur les branches de l'acacia,

les deux moineaux n'y entendent rien,

ni les mésanges, ni les goélands voleurs,

ni les guêpes qui font leur premier nettoyage de printemps.

 

Le buis est d'une forme insolente dans son exposition

de plein air.

 

On voit des chiens qui tirent leurs maîtres de compagnie.

 

Et les questions errent dans les rues.

La rumeur qui rôde remontera-t-elle la pente?

Comment respirent-ils, les poumons envahis ?

Que deviennent les morts sans sépulture ?

Comment dans l'appartement

régler la journée des enfants et les chamailleries ?

Ici une maman apprend à se faire appeler "maîtresse"

par son fils. Elle en sourit et se demande combien

de temps durera le rôle.

 

On dit qu'à Wuhan, ce fut un temps de pain bénit

autant pour les divorces et que les naissances.

 

Alors les zélés travaillent, il y en a toujours eu,

ceux qui se jettent à corps perdus sur les instants,

plus que jamais les zélés dévorent leurs écrans

qu'ils trouent de plus en plus

pour inventer des tunnels, des sas, des passerelles.

 

Tandis qu'aux fenêtres à huit heures,

à côté des linges qui pendent,  les casseroles

inventent un orchestre de bruits

en hommage aux gens masqués et aux soldates en blanc.

 

Et toi, passager de la tourmente, soudain

immobilisé, tu entends

des hurlements dans tes oreilles:

qui viendra prendre le dessus ?

 

Fini l'ouest,

fini l'autobus bleu.

 

Finis cinoche et troquet,

les embrassades de peau à peau.

 

On s'encapsule.

On se parcourt de baume.

On se met camisole de distance

et on découvre à tous petits feux

les lettres du mot: cellule d'isolement.

 

Passager de la tourmente. Et alors ?

Tu es chanceux.

Infiniment.

Pour le moment.

 

Apprends juste les couloirs,

le bout de table,

la pomme à croquer,

la poussière dans l'œil du tiroir.

 

Et ce n'est pas la fin d'en rire!

 

Apprends

l'incroyable silence

qui avait déserté la place.

Et pourquoi faudrait-il en avoir peur ?

 

Après tout, dans cet habitacle de fortune,

jeté avec les autres,

c'est l'heure de reconnaître

des tas de choses qui n'avaient pas de noms.

 

Tous les enfants

ne deviendront pas fous

dans l'attente des pluies espérées.

 

Allez, chanceux, tu ne pourras pas disparaître

d'une dose de trop

dans les toilettes sordide d'un bar.

 

Fais quand même gaffe à ta baignoire trop pleine

ou au court-jus.  Aux engueulades qui cognent trop,

aux vengeances des monstres de l'intérieur.

 

Pose doucement ta tête absente

sur mon drap blanc teinté de rouge.

Lançons-nous des signaux,

à la façon des autochtones.

 

Les choses ne sont pas ce qu'on pourrait croire,

mon docteurs demain aura retrouvé son visage.

 

Agrippons-nous au mot "confiance"

qui s'amuse de tout et voit pousser

sur la butte blanche de calcaire

les premiers pissenlits.

 

On se donne rendez-vous,

mes passagers de la tourmente.

Une coupe de champagne à la main.

 

On va traverser la dalle et les cristaux liquides.

 

Slainthe ! comme on dit en Irlande.

Santé! Prosit! Prost ! Cheers! Plus que jamais.

 

Et jusqu'à ce que Vie s'en suive.

 

 

                                  Dominique SORRENTE

 

                                            20 mars 2020

Commentaires

  • Merci Dominique.
    Ton poème est magnifique

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