Cette fois, nous avons quitté le Bateau Ivre des yeux...mais non du coeur. Notre paysage est devenu celui du monde qui nous entoure, ce "pâté de maisons" que chacun découvre à sa manière...Pré carré, îlot urbain, terrain vague d'à côté...Impossible de séparer les rumeurs des drames sur le front, à l'Est notamment, des premiers exercices de séjour en "confinade"! Sentiments en vrac qui viennent au jour le jour déplacer nos balises quotidiennes.
Comme nous l'avons annoncé, chacun-e est désormais invité-e à proposer un poème (une page) qui sera son Morceau de bravoure, en vue du 22 mars.
Et voici donc les deux premiers arrivages que je suis heureux de partager avec vous. Ils ont été écrits par Wahiba Bayoudia et Leonor Gnos.
« Déambuler c’est marcher droit comme les dieux »
d’après J.P Brisset
Ainsi une prédation invisible
au parfum soufre rouge
souffle au travers du monde
resserre les poumons.
Ainsi sur ce nouveau visage
du monde quelque chose vacille.
Une étrange partition
résonne à l’oreille.
Morceau de bravoure oui
à créer pour la traversée.
Ainsi les murs de la chambre
seront les armes.
Comme points d’acupuncture
se tenir droits entre ciel et terre.
Sur la marge blanche ouverte
au creuset du silence
allumer un vortex des possibles.
Tisser ainsi les liens
jeter les cothurnes,
enlever les filtres.
Puiser les paroles de vie
pour une aube nouvelle.
Tisser ainsi la trame
d’ un nouveau paysage
à nos yeux.
Et « marcher droit »
sur la brèche des jours.
Wahiba BAYOUDIA
Morceau de bravoure
Tu connais la tragédie de la parole
mais le drame c’est l’âme des choses
enfermée par l’étrangeté du monde
par cet obstacle qu’il faut affronter
plutôt anéantir en soufflant à gauche et à droite
jusqu’à ce qu’il s’efface en face de tes idées
libre à résister à tenir tête tu es la plus forte
dans ce sens donné tu es la maîtresse
des oppositions et cela te fait vivre
ta voix de poète sera forte
et douce en même temps et non point
un organe enroué à force de hurler
une porte-parole de passion
où tu mets en résonance avec toi-même
les mots les plus choisis les plus sacrés
pour que surgissent la beauté
et la douleur du monde
et la pointe de l’âme
LEONOR GNOS
Toutes les photos (hormis la première qui date d'hier matin) ont été prises aujourd'hui lors d'un déplacement bref, sans autre animal de compagnie que quelques oiseaux complices.