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  • Sur la ligne d'arrivée de la Joute poétique de la Saint-Valentin

     

     Délibération de la JOUTE POÉTIQUE

     « Œillets du poète et mots en amour »

     

     

    oeillets de poète.jpg

     

     

    Un peu d’histoire et de botanique… 

    Une méchante superstition 

     

    Au siècle dernier, un directeur d'opéra avait trouvé un moyen élégant de renvoyer la cantatrice qui ne lui convenait plus : il lui faisait envoyer une magnifique gerbe d'œillets avec tous ses regrets. C’est la raison pour laquelle les fleuristes à Marseille boudent volontiers les œillets. L’œillet porte malheur…mais pas l’œillet du poète, évidemment !

     

    Les ennemis des œillets du poète  

    Fleur précieuse et rare en cette saison. Si vous enquêtez dans les jardineries, vous apprendrez que les ennemis de l’œillet du poète sont : la mouche de l'œillet, la tordeuse, les pucerons, le thrips, le botrytis, la rouille, l’alternariose. On ajoutera : l’ennui, l’indifférence, la méchanceté, la jalousie, la convoitise, les murs de parole…

     

    * * *

     

    Joute poétique Saint-Valentin 2011 

     

    La joute  a été présentée par voie de presse (Marseille l’Hebdo et la Provence) ainsi que sur le blog du Scriptorium, selon une charte du participant. Elle a été relayée par le Festival international de poésie de Trois Rivières sur son site internet. 


    Un peu plus de 50 participants ont envoyé leur contribution de duo de poèmes par voie mail-courriel, et par voie snail-escargot. Celles-ci arrivent de différents pays : Niger, Roumanie, Québec, Grèce, Maroc, Algérie, Suisse, Belgique, Espagne, Liban… avec une fourchette d’âge allant de 13 à 87 ans.  Participants hommes et femmes, et aussi, duos d’auteurs, évidemment bienvenus pour la Saint-Valentin.

     

    Le jury, composé de représentants de Marseille l’Hebdo, représenté par Sabrina Testa et du Scriptorium, représenté par Dominique Sorrente, a décerné des Coups de cœur par catégorie. 

     

    * * *

      

    Ont donc été primés dans cette rubrique :

     

    - Œillet du poème manuscrit : Jean BROVELLI pour Si je reviens (+ Green de Verlaine)

    - Œillet des scripteurs : Martial TEBOUL pour Rafales éveillées

    - Œillet en chanson : Danielle BERTHIER - François d’AIME  pour C’est le bouquet

    - Œillet de la ‘Non Saint-Valentin’ : Jany COTTERON, Belgique-Suisse pour Jusqu’à ce soir

    - Œillet hors les murs :  Maria PATAKIA- Grèce,  pour  La fleur de la colère ainsi que Oumarou KADRY KODA-Niger  pour Rien qu’à moi

    - Œillet d’outre-océan : Monique JUTEAU (Québec ) pour Avec une aiguille (+ Je vous aime tant  de Denise Boucher)

    - Œillet GYPTIS-PROTIS : Romain ALIX + Alessia VIVOLO, pour Je e(s)t un autre   (+ Les enfants qui s’aiment de Prévert)

     

      

    Pour l’ŒILLET pourpre et blanc,  ont été nommés 8 contributions de textes en duo, respectant les mentions et le format exigé (20 lignes) :

     

    - Anne AIMÉE pour Piaggio (+ J’ai tant rêvé de toi de Robert Desnos )

    - Amine KHAN pour Consolation (+ R. Juarroz)

    - Cinta MONTAGUT (Catalogne) pour Je chasserai la nuit (+ Un visage appuyé contre le monde d’Hélène Dorion)

    - Annie SALAGER pour Je défaille (+ Green de Verlaine)

    - JOS VANSTAEN  pour Promesse (+ L’amoureuse de P. Eluard)

    - Laurence VERREY pour L’encre dira-t-elle mieux que ma bouche ? (+ Double lumière de Mireille Sorgue)

    - Chantal ARAKEL  pour Mon ange (+ Les amours de Marie de Ronsard)

    - Leonor GNOS pour Rose de sable captive (+ Marthe  de René Char)

      

    Les 3 Lauréats sont :

     

    -         Cinta MONTAGUT (Barcelone)

     -         Annie SALAGER (Lyon)

    -         JOS VANSTAEN (Marseille)

     

    Leurs textes seront publiés dans le magazine Marseille l’Hebdo ( numéro 531 du 23 février) et sur le blog du Scriptorium.

     

    Merci à tous les participants pour la qualité de leurs contributions, et à l’année prochaine (au plus tard) 

                                                                                     

     Secrétariat de la joute poétique 

     Saint-Valentin 2011 

     du  Scriptorium

     

     

    ombres dans l'eau.jpg

     

     

    JE CHASSERAI LA NUIT…

      

    Je chasserai la nuit plus sombre de l’hiver 

    Et je la placerai dans ta chambre accrochée au silence

    Je t’offrirai la chevelure glacée d’ombre

                 La solitude immobile

    J’emprunterai la nuit comme un vaste désert

    Où pouvoir nous cacher de tous les regards

    Et y oublier les chiffres.

     

    M Cinta MONTAGUT

     

    Texte original

     

    Yo cazaré la noche de invierno más oscura

    Y la pondré en tu cuarto colgada del silencio,

    Te ofreceré la helada cabellera de sombra

     La inmóvil soledad.

    Yo tomaré la noche como un vasto desierto

    Donde poder perdernos de todas las miradas

    Donde olvidar los números.

      

    Cinta Montagut a choisi  pour texte duo un poème d’Hélène Dorion, Un visage appuyé contre le monde  [Editions du Noroît, 1990] 

      

    Sans le dire, sans jamais l’écrire

    ce besoin de toi

    des heures qui réparent la faille

    et où l’on sait ce qu’est aimer

    être aimé, traverser nos questions sans réponse ;

    ces instants où rien ne se dérobe

    à ce que nous sommes

    et où l’on ne fait qu’un avec la beauté

    qui borde l’émotion

    et chaque fois joue ses possibles

    à travers nous ;

     

    je ne sais pas encore

     

    à qui je parle, ni ce qui s’échappe

    de  mon âme et va respirer en ton âme

     

    Hélène Dorion

       

    * * *

     

    Je défaille quand tu à peine nus au bord

    de la nuit lèvres jeunes et mon ventre aux fourmis

    accouru  te voici tout endormi sitôt,

    bel animal mouillé de songe mais savamment

    tendu, mon garenne amourable, à moi seule jouir.

     

    Annie Salager

     

    Annie Salager a choisi pour texte duo Green de Paul Verlaine [Oeuvres complètes, tome premier, éditions Messein Paris 1947]

     

    Green

     

    Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches

    Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.

    Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches

    Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

     

    J'arrive tout couvert encore de rosée

    Que le vent du matin vient glacer à mon front.

    Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée

    Rêve des chers instants qui la délasseront.

     

    Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête

    Toute sonore encor de vos derniers baisers;

    Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête.

    Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

      

    Paul Verlaine

     

    * * *

      

    PROMESSE

     

    rebelle suave et tendre

    de ta peau de promise

    ton ombre en moi lovée

    sur la dernière jetée t’attendre

    enfollée d’ambre et de jasmin

    le carmin et la pourpre

    de mes lèvres effacés

    oiseau au duvet de parade

    du silence jusqu’au cri

    l’ultime rendez-vous

    à ton heure de sable immobile

    celle de losanges écarlates

    sous l’arbre des fruits

    et fleurs mêlés   t’attendre

    belle et fine et invisible

    mon après vie ma morsure

    t’attendre encore dans le sommeil

    d’incertitudes en retrouvailles

    l’écho de tes sourires

    à chaque nuit s’attarde

    de loin en loin trouveras-tu

    ce port d’ambre et de jasmin

    cette toute dernière jetée

    où échangeant nos peaux d’épousées

    je lirai dans tes mains

    un destin qui n’était pas le mien.

     

    Jos Vanstaen

     *

    Jos Vanstaen a choisi  pour texte duo le poème de Paul Éluard, L’amoureuse  [in Capitale de la douleur, Gallimard, 1966, 1974 coll. Poésie.

     

    L’AMOUREUSE

      

    Elle est debout sur mes paupières

    Et ses cheveux sont dans les miens,

    Elle a la forme de mes mains,

    Elle a la couleur de mes yeux,

    Elle s’engloutit dans mon ombre

    Comme une pierre sur le ciel.

    Elle a toujours les yeux ouverts

    Et ne me laisse pas dormir.

    Ses rêves en pleine lumière

    Font s’évaporer les soleils,

    Me font rire, pleurer et rire,

    Parler sans avoir rien à dire.

     

    Paul Eluard

     

  • La poésie s'écrit aussi sur le sable

     

    mots sur le sable.jpg

    Pour lire le texte de l'HOMMAGE AU POèTE INCONNU, cliquer ICI.

     

     

    Ce 14 février, de 17 heures à 22 heures (et plus, car affinités), s’est déroulée, à l’occasion de la Saint-Valentin, une cérémonie atypique sur et autour de la plage des Catalans à Marseille. Un temps particulier, une fondation poétique, l’autre versant de l’âme résistante, quand les mots  trouvent leur plaisir à respirer à l’air libre.  En complicité avec le journal Marseille l’Hebdo qui a pris part à cette aventure. En amitié, mais aussi en synchronie avec le festival de Trois Rivières au Québec, notre glorieux devancier, qui a fêté l’événement au même instant…Des 26 ans de ce Festival québécois aux 2600 ans de la naissance de Marseille, les compteurs ont pu s’en donner à cœur joie.

     

    Et les menaces de la météo n’y ont rien changé. Les mots des poèmes ont ceci de miraculeux qu’ils se faufilent volontiers. Entre ondées intermittentes sur la Provence aux allures celtiques et  forte tempête de neige investissant Trois-Rivières,  tout a trouvé sa place naturellement. Sur la plage revisitée en hiver, se sont succédé tracé de cursives à même le sable, hommage au poète inconnu, célébration des voix de chaque continent se rapprochant peu à peu pour défier la dérive ordinaire,   lâcher de ballons d’écriture au-dessus de la mer. Un moment d’ivresse aux couleurs de parapluies et de sourires, face aux îles du Frioul.

     

    Puis après le ciel ouvert, ce fut le temps du Scriptorium entre les murs. Un deuxième public avait pris place après celui de la plage. à la Maison des Jeux des Catalans. L’heure de la joute du poème amoureux pouvait s’ouvrir avec lecture des textes primés, des coups de cœur insolites, facétieux ou émouvants à partager. Liban, Québec, Catalogne, Maroc, Roumanie, Grèce, Algérie ont alors croisé la Savoie, la Bretagne, la Touraine et …Marseille, dans une rafraîchissante géo-poétique de l’instant. Les grandes voix de Robert Desnos, Eluard, Ronsard, Verlaine, Prévert, Roberto Juarroz,  eurent leur temps, à côté des gourmandises à invention portés par les auteurs présents, toutes générations mêlées ente 7 et 87 ans…Plus tard, le son de l’accordéon  a conduit au pas de danse les plus assidus qui, c’est bien connu, n’avaient pas trouvé de raison suffisante pour que la fête finisse. Andrée Chedid, récemment disparue, dont un poème avait ouvert la cérémonie était de ces  présences traversières qui nous ont accompagnés de leurs poèmes bien vivants.

     

    Ceux qui ont partagé cet intervalle entre éphémères et traces vous saluent. Ils vous donnent rendez-vous le samedi 19 mars pour un Instant Bateau Ivre Spontané.

    À Marseille, près du monument Amado, sur la Corniche, puis à la Salle Tempo Sylvabelle pour d’Infinis paysages à parcourir, notre manière de déjouer l’ennui et les murs de parole. À l’occasion du Printemps des Poètes. Avec œillets du poète et freesias pour compagnons de route. 

     

    Hors les comptages artificiels, vivre ensemble d’une rive à l’autre un moment dans l’intense : c’est là tout notre programme, minuscule et ardent, au sémaphore du Scriptorium. Il se peut que le mot inspiration ait repris des couleurs dans l’espace commun où nous croyons toujours aux rencontres et aux poignées de main. Pour nous, et pour ceux qui nous rejoindront. Comme dit la chanson de Theodorakis qui ne faiblit jamais : Nous sommes deux, nous sommes trois, nous sommes mille et treize,  nous chevauchons le temps… surtout s’il est versatile ! 

     

     

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  • Hommage au poète inconnu (Dominique Sorrente)

     

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    Catalans 7 monument éphémère au poète inconnu_light.jpg

     


    Vous ne pouvez dire mon nom.

    C’est le moins qui puisse être.

     

    Je vis de creux et de surfaces.

    Ce qui s’ajoute à mon bout du monde

    passe par une entaille de pierre.

     

    Inclinez-vous, devant il n’y a rien à voir.

    Parterre, peut-être, un insecte

    qui sait renommer l’univers.

     

    J’ai fini de compter les passants qui ont

    franchi le seuil sans s’arrêter. Les quelques-uns

    sont en mémoire, debout ici,  dans mon silence archéologue.


    Demain, demain… évitez-moi ce trop de précipitation.

    La rafale s’en vient. Le monde brûle.

    Le livre part en lent retour vers son destin de sève.

     

    Mes fleurs à partager, mes carnets de déroutes et de chances reçues,

    mon rythme de piéton céleste, libre de cœur, j’aime

    celle ou celui qui  crie récompense pour que le temps d’amour

    à nouveau se libère.

     

    Je vous ressemble. Je sais bien

    que ma voix est faite d’empreintes et d’oublis, de cercles d’éphémère,

    de sillages d’éternité,

    de justesse et de non mesurable.

     

    C’est pour qui ne me connaît pas que je donne mes adresses

    au vent. J’écris ici et  j’écris là.

     À peine me verra-t-on peut-être à ma rare durée

    dans le brouillage des journées d’instants,

    et déjà disparu ailleurs,  comme vous, je serai reparti.

     

    Un jour, j’ai débarqué sur cette rive, où mes blessures ont

    reçu la pitié douce du lazaret, les pansements pour ma peau d’étranger.

    J’ai aimé devenir un des vôtres,

    lâchant une parole tressée entre les continents,

    d’un bord du monde à l’autre, minuscule et précieuse, démunie

    comme au premier jour de naissance.

     

    Et j’aime  depuis ce jour le baiser anonyme  du vent et de la mer,

    les temps extraordinaires qu’on unit au geste banal,

    les lèvres sacrées qui trouveront des mots à même le sable.

     

    Je suis de ce pays à sculpter l’éphémère.

     

    Je vous ressemble, à chaque regard porté, dans la ferveur

    des mots incendiaires.

     

    Je passe en destin d’écriture. Je me relie à vous, quand même 

    vous ne le savez pas.

    J’ai mon habitation dans le pli de vos cœurs troublés.

     

    Je n’appartiens à aucun siècle, ou à tous, sans doute, pour poursuivre ma tâche

    d’œuvrer  à même vos gestes en parole commune.

     

    Je suis le poète inconnu

    qui sait que ses théories de fusain lui survivront

    et qui vous parle.

     

    Je vis de l’oubli nécessaire et de la mémoire revenante,

    et je vous parle,

     

    bien après que la vague aura disparu,

    je vous parle, mes amis,

    pour ce soir, corps et biens,

    où nos mots se sont perdus, se sont unis,

     

    je vous parle,  habitants d’un amour toujours en chemin,

    dans ce temps du futur antérieur

    où remue entre ciel et terre

    la part heureuse

    qui nous fait signe,


    notre vie constellée.


                                                     Dominique Sorrente

    Plage des Catalans, Marseille, le 14 février 2011