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Le Scriptorium - Page 51

  • IL DIT ENCORE...à Christian Gabriel/le Guez Ricord (1948-1988)

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                                             portrait de Christian Guez par Jean-Marc de Samie

     

                                       IL DIT ENCORE…

     

                                                                 Je n’ai plus connaissance sinon

                                                               du seul silence qui là-bas m’a reconnu


                                                            Christian Gabriel/le Guez Ricord

                                                                                                   

    Il dit encore :

    c’est ainsi

    l’emplacement exact

    où j’ai perdu mon chemin

    sur la terre de l’insensible.

     

    Quelque chose a bougé

    pour que se forment en chrysalide

    dans cette nuit plus loin

    l’exil et la patience.

     

    Il dit encore :

    la nuit, c’est elle encore, ce pli durable, toute ma vie en quarantaine,

    elle dans l’enchevêtrement des pas,

    ou bien

    l’acte de s’éloigner encore et encore

    au paysage des années,

    quand on sait de moins en moins dire : « où es-tu ? »

    et que pourtant on cherche dans les recoins

    le maître de l’insomnie.

     

    Il dit encore : continue de manger le petit livre oublié,

    qui est fait de présent et d’oubli, dans la dépossession ouverte

    où ne se joue plus le temps ni son contraire.

     

    Il dit encore : visage toujours pâle,

    vêtu de peau arabe, portant sourire hébreu,

    et l’habillage des résolutions qu’on retourne,

    et les tendresses au milieu des hoquets, et le café

    pour saturer le marc de la parole.

     

    Il dit encore :

    écartez-vous de ceux qui ont morcelé l’innocence,

    il y a désormais ce peu d’écorce laissé sur le sol,

    ce glyphe d’éphémère malmené par le sable,

     

    et dans ma constellation, vous me reconnaîtrez,

    je  suis le poursuivant des dernières poussières,

    l’ange posté contre le mur,

     

    Germain Nouveau en perdant magnifique

    est l’ami éprouvé

    et le chien s’en souvient

    au parvis de la basilique Saint-Sauveur

    où tous les amoureux distribuent la monnaie des morts.

     

    Il dit encore :

    sur le fronton de la rue du sommeil,

    on a posé ces vers

    Pourquoi le nom du navire

    Puisqu’il est l’heure de l’étoile

    et l’étoile depuis se poursuit, à la tourne des heures,

    et dans le vide maternel, même une mandoline

    devient

    un corps fébrile.

     

    Il dit encore : ne cessez pas de questionner,

    qui peut départager

    celui qui sait et l’autre, tête-bêche,

    dans la sueur amère des nuits que nous formons ?

     

    Il dit encore : l’un après l’autre, vous partirez aussi,

    tandis que les retardataires vous donneront le geste machinal

    comme on allume un feu

    de l’autre côté du fossé.

     

    Il dit encore : vingt-quatre années plus loin,

    c’est si peu sans langage,

    peut-être dans vos noms sentirez-vous ma revenue

    d’un temps à l’autre, et cette part de trouble

    au coin de la rue qui s’absente.

     

    Il dit encore : et chacun à son tour devra tomber,

    en racontant les fenêtres écorchées,

    routes, sœurs perdues, rien ne trompe le temps,

    mais ce n’est pas le fin mot de l’histoire,

    quand les instants convoient le souvenir

    de la fête des morts en lumière

    et les deniers de la raison,

     

    j’ai vu

    une barque qui a quitté le ciel en l’emportant pour toujours avec elle.

     

    C’est un long jour parmi les nombres, parmi les eaux ;

    où se tient-elle,

    celle qui saura en moi

    blottie dans mon impasse

    prélever la part sauve du temps ?


     Si elle se glisse

    en lune autour du cercle,

    continue d’écouter

    l’heure ouverte

    qui jamais ne descend tout à fait.

     

    Nous écrirons à quatre mains le psaume,

    je te le dis,

    et suivrons dans les yeux

    la lueur du jour qui ne délivre aucune trace.

     

    Il dit encore : éclipse,

    le feu caché des circonstances.

     

    puis le Seul

    nageant au seul amour,

    veillant au cœur,

    c’est d’ici que toujours

    nous partons.

     

           (extrait de Il y a de l'innocence dans l'air, édition L'Arbre à paroles, 2014)

     

     

    Ce poème en prolongement de la belle soirée d'évocation partagée le 11 juin 2018 au théâtre de la Casina à Marseille avec des proches et nouveaux amis de Christian G. Guez Ricord.

    Parmi eux, la dernière compagne Mireille Mammini, le photographe Jean-Marc de Samie (dont le témoignage de scènes sur le vif est prenant), le sculpteur et peintre André Lauro, ami au temps de Vaudrans, l'écrivain et critique d'art Alain Paire, les poètes André Ughetto, Marien Guillé, Jacques Lucchesi ...

    Merci à Martin Kimmel d'avoir accueilli ce moment de ferveur et à Danielle Manoukian d'avoir prêté sa voix. 

    L'oeuvre de Christian G. Guez Ricord continue de s'écrire et de se dévoiler grâce à des éditeurs fidèles et obstinés, Anik Vinay (L'Atelier des Grames), Christian Le Mellec (Le bois d'Orion), avec le concours de Bernar Mialet, exécuteur testamentaire, et le remarquable travail de déchiffrement lancé par Ana Maria Girleanu en 2008, lors de sa thèse universitaire « Négation et Transcendance dans l’œuvre de Christian Gabrielle Guez Ricord » ( Paris IV).

    À signaler récemment la lecture d'extraits de la Couronne de la Vierge par Caroline Sagot-Duvauroux au Marché de la poésie de Paris.

    Egalement la belle présentation faite par Olivier Boura qui figure dans son Dictionnaire des écrivains marseillais (édition Gaussen, 2017).

    Et encore le documentaire Devenir Ange réalisé par Stéphane Sinde: http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/28045_1

    Pour entendre la voix de Christian Guez Ricord, on peut retrouver la belle émission de Catherine Soulard "Surpris par la nuit" (France Culture): https://www.youtube.com/watch?v=_wqWp1J7hjo

    Un voeu (parmi bien d'autres, concernant l'oeuvre de "beauté géante" tant poétique que picturale de Christian G.Guez Ricord : la réédition de l'ouvrage à deux mains "Du fou au bateleur" écrit avec le psychiatre Jean-Pierre Coudray en 1984. Qui s'y collera ?

    Mon exemplaire unique réclame compagnonnage...

                                            DU FOU AU BATELEUR - COUVERTURE.jpgDédicace DU FOU AU BATELEUR.jpg

     

     

  • 26 mai 2018: AU PAYS DES MANGE-COUCOURDES, QUAND LE VILLAGE DE ROBION SE FAIT POÈME

     

    entre jasmin et chévrefeuille.jpg

    portalet.jpg

     "Au petit matin

    le petit jour s'est exilé dans sa propre lumière

    comme un astre de misère dans la plaie de sa courbe

     

    la lune a poursuivi son parcours nuage après nuage

                                             dedans-dehors

                                             de jour de nuit

                                             ici là-bas

                                             devant et toujours devant

                     entre le silence de la pierre et la fragilité de la fleur"

    Gabriel Mwènè Okoundji, Monologue d'un mortel in Vent fou me frappe (fédérop, 2003, 2010)

     

    Robion n’est pas « village en poésie » pour rien. Le Printemps des poètes a vu juste en soutenant cette localité et ses habitants dans le désir de partager les mots de mille et une manières.

     

    Ce samedi, à Robion, au pied du Luberon, c’était donc Journée poésie pour tous. À l’invitation de l’association Robion & ses passeurs de mots et de la médiathèque intercommunale Luberon Monts du Vaucluse, Dominique Sorrente et le Scriptorium avaient été conviés pour apporter quelques pierres à feu de plus à un parcours fait d’étonnements et de partages.

     

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    Lors de la matinée, le poète marseillais s’est livré à une performance originale baptisée « lecture kaléidoscope ».

    Cette pratique sur scène ( en cohérence avec son œuvre faisant coexister plusieurs registres d’écriture)  prend le parti de conduire l’auditeur d’un angle de parole à l’autre. Exercice de déplacement pour renouveler l’écoute, la perception. Un peu comme on visite les pièces successives d’un lieu inconnu. Ou comme on voit surgir des scènes superposées dans un rêve. Et cette forme de lecture innovante a été vivement appréciée par le public attentif accueilli à l’étage de la médiathèque.

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    A partir de deux espaces, debout derrière un pupitre et assis à une table d’écriture, l’auteur de « Les gens comme ça va » et de « B comme Bran »  a alterné les tonalités et les gestuelles à voix nue ou porté par des instruments divers, tels qu’une guimbarde, un halilitar, une guitare, un harmonica.. Et même une raquette et une balle de ping-pong…poème adressé.jpgLe public a pu ainsi  se laisser surprendre et émouvoir aussi bien par des formes méditatives comme dans le Rebord du monde de « C’est bien ici la terre », que dans le jeu d’une écriture adressée, à la frontière de la formulation magique « comme on tire les cartes ». Gravité et rire, d’un même tenant. On n’oubliera pas non plus le versant en chanson de plusieurs titres de l’auteur-compositeur dont les Ivre vivants ou Mon amazone. Plus d’une heure 15, à rythmes et rebondissements, où chacun a eu l’occasion de sentir l’engagement vital du poète dans les recoins de la réalité vécue.

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    Après un repas partagé à la médiathèque, propice pour faire connaissance, la rencontre s’est prolongée sous la forme d’une Caravane poétique dans les rues de Robion. Sur le thème de « l’entretemps », les participants ont eu l’occasion de partager leurs lectures, et d’écouter le récit des lieux donné par Jack Rey et complété par les anecdotes de certains habitants. Halte à la pompe, « haut lieu de la disette », puis on emprunte les calades, entre jasmin et chèvrefeuille. Le portalet, à l’entrée du village fortifié. Une halte sur les hauteurs où le désir d’être hors-temps fut avoué…puis la scène finale au théâtre de verdure. Là même où la veille, au soir, le footballeur de la légende de 98, Lilian Thuram avait partagé ses convictions avec Michel Wieworka pour éduquer contre les mécanismes de racisme et de domination.lectrice.jpg

     

    Les fesses posées sur un peu de fournaise, on eut loisir de jeter un œil envieux vers les escaliers inaccessibles qui mènent à la source, imaginer cette version locale des chutes du Niagara.

     

     

    « Je vais faire dégringoler la montagne »  lança un téméraire.

    assistance.jpg

     

    Les mots des poètes se sont réfugiés ensuite au café au centre du village. Une façon de récapituler la moisson du jour, faire provision de conversations sur l’’état du monde ou la rondelle de citron ou les hésitations du ciel à lâcher la pluie.

     

    On apprit que les habitants de Robion se faisaient appeler au temps des papes du Comtat les mange-coucourdes.

     

    Passeurs de mots ou lézards amoureux, caravaniers ou kaleidoscopeurs, les poètes ici n’ont pas fini de se donner des surnoms pour se tenir l’âme forte. 

     

    Tant pis, tant mieux, à la grâce du temps…

     

     

                                                             Anne LOFOTEN

     

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                                                                       * 

                  Quelques poèmes emportés dans la caravane poétique

    sur le thème de l’Entretemps

     

    Il est un point où tout s'annule et se suspend, comme un souffle.

    Il y a des tiroirs dans l'armoire du temps.

    Astronautes de la Venise marchande,

    Anonymes enchâssés dans la boue de Verdun,

    Ivres à nouveau

    Descendre les vastes steppes du temps dans l'étirement d'une seconde

    Comme la boule de matière en fusion

    Au bout de la canne du verrier.

     

                                            Jeanne Nathan

                             (extrait de Du chant dans les arbres, L'harmattan, 2017)

     

                                                                  *

     

    Entre chien et loup

    plongent les goélands

    les ombres folles

    charrient le vent nocturne

    j’ai une fleur de sable

    sur la tempe

    une écharde dans ma pupille

    ce que les lèvres humectent

    je me le demande

    et pourquoi l’écume est si rouge

     

                                Leonor GNOS

     

    arrtisan de rue.jpg

     

    extraits de:

    TANT DE VENT NEGLIGE – SO VIEL WIND UNGENUTZT

     

    noch etwas landschaft

    bitteschön

    sie vorzuführen

    schmilzt das eis

    und tüncht die segel

    um zu erspüren wie

    sommer aussieht

    uferlos dem garten

    eden abgeschaut

    eine palette bunte

    tuben als gingen

    nie die farben aus

     

    encore un peu de paysage

    s´il vous-plaît

    pour le présenter

    la glace fond

    et blanchit les voiles

    afin d'imaginer quel air                   

    a l´été     

    sans bornes copié

    de l'Eden

    une palette de tubes

    bariolés comme si les

    couleurs ne finissaient jamais

     

    (p.26-27)

     

     

    so viel wind

    ungenutzt

    die menschen

    nicht fähig

    zu fliegen

    die häuser

    verankert

    niemals

    zu versetzen

    die energie

    zu belastet

    sich in luft

    aufzulösen

    doch die augen

    ein leichtes

    sie mitzureißen

    wohin auch immer

            

    tant de vent

    négligé

    les hommes

    incapables

    de voler

    les maisons

    ancrées

    jamais

    à déplacer

    l´énergie

    trop polluée

    pour se dissoudre

    dans l´air

    mais les yeux

    il est facile

    de les entraîner

    n´importe où

     

    (p.44-45)

     

    EVA MARIA BERG 

    traduit en collaboration avec Max Alhau,  Editions Villa-Cisneros, 2018

     

     

    café gourmand robionnais.jpg

                                                                          *

     

    Dans les pages du journal, le temps s’effrite,

    glissent les péripéties

    aux réponses verrouillées.

     

    Tu appelles au secours les fenêtres.

     

    Opiniâtre au-dedans,

    le feu sacré

    travaille.

      

                              *

     

    Droit de marcher à contre-époque,

    de fréquenter l’inactuel.

     

    Droit de laisser le vent ruer

    dans les brancards.

     

                                       *

     

    Quant ton oreille sera devenue souple,

     il te suffira d’une ritournelle

    pour t’affranchir des pesanteurs.

      

                                       Dominique Sorrente

     

                               ( extrait de Comme on tire les cartes , inédit)

     

    poème adressé.jpg

    ROBION.jpg

     

     "Assis dans la forêt, j'observe la montagne. L'aube

    est calme. Avec l'aide du clair

    de lune

    mon regard

    flotte au sommet des arbres. Leur feuillage

    perce le ciel serein qui libère

    les souvenirs de mon enfance. Enfin

    ma pensée trouve refuge

    dans un étang de quiétude

     

    le cheminement vers la tranquillité de l'âme

    est donc chose possible

     

    je me lève

    rassuré de cette illumination des aurores dans mes yeux

    et à nouveau je marche

    au rythme de mon cœur, dans les dimensions du monde"

    Gabriel Mwènè Okoundji, L'aube est calme in Prière aux ancêtres (fédérop, 2008)

     

                                                                      ***

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  • Journée Poétique à ROBION (84) ce samedi 26 MAI 2018

    Page carnet.jpgimages.jpgune caravane peut en cacher une autre.jpg

        Les Passeurs de Mots et la Médiathèque de Robion invitent Dominique Sorrente et l’association le Scriptorium pour une journée particulière en poésie.

     

    Une suite poétique rythmée en trois temps: dans le Luberon.

     

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    11h : Lecture-performance à la médiathèque de ROBION

     

    Dominique Sorrente, poète vivant à Marseille, auteur d’une vingtaine de livres, propose ici une lecture de textes issus de ses livres récents Les gens comme ça va (Cheyne), B comme Bran (sonodrame Le Scriptorium), et également de textes pour la voix haute aux registres variés. Cette lecture performée aux angles inattendus mêle explorations sonores, instruments, mots chantés, murmurés, toniques. Une palette d’émotions à partager, le temps d’une promenade avec différents univers de ce poète au lyrisme joueur.

     

     12h30 14h : Pique nique partagé

     

    14h30 - 16h :  « L’entretemps »  - Déambulation poétique organisée par le Scriptorium dans le Vieux village -  5 haltes sur le thème du temps.

    Dans la déambulation poétique, les mots sont proposés par les promeneurs comme on butine sur les bas-côtés du chemin. À  chaque halte, les participants sont invités à proposer des textes personnels ou issus de lectures d’auteurs sur le thème du temps      ( celui qui qui passe, celui qu’on trouve ou qu’on lâche, temps rêvé ou sauvé…).

     

    Une démarche buissonnière en petit groupe avec les mots à ciel ouvert.

     

    Départ: Médiathèque de Robion

    La rencontre est gratuite et pour tout public

     

    Inscription souhaitée avant le 23 mai à: poesiescriptorium13@gmail.com

     

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