13 juin 2009
PISTOIA : le temps du jumelage poétique I

Fin du mois d'avril dernier. Une escouade de poètes du Scriptorium s'achemine vers la ville de Pistoia où leurs homologues toscans et la municipalité, en l'enceinte de la belle bibliothèque San Giorgio, leur réservent un accueil chaleureux. Trois jours durant, au rythme soutenu des différents temps de rencontre, les quatre poètes français, Dominique Sorrente, André Ughetto, Angèle Paoli et Olivier Bastide ainsi que leurs accompagnateurs Elena Berti, Yves Thomas et Valérie Brantôme, vont amorcer un parcours commun en poésie sous le signe de l'Europe en compagnie des poètes italiens Paolo Fabrizio Iacuzzi, Maura del Serra, Martha Canfield et Alessandro Ceni.
Au programme, conférence, ateliers de traduction, lectures en extérieur et à l'auditorium Tiziano Terzani de la bibliothèque, découvertes du patrimoine culturel.
Époque 1 : Tour de table dans la langue des poètes
Mercredi 22, jeudi 23 et vendredi 24 avril - Les Matinales à la « Saletta Bigongiari » : dédiée à l'illustre poète italien du même nom, cette salle de la bibliothèque héberge les 5000 ouvrages documentaires du Fonds Bigongiari rassemblés sous l'autorité de P.F. Iacuzzi ; elle sera le théâtre des ateliers de traduction poétique. Fruit de collaborations à la fois bilatérales et collectives, les poèmes objets des traductions * donnent lieu à des débats animés et pointent tout l'enjeu de la justesse de cette pratique de translation d'un idiome vers l'autre : coller au plus près du texte dans un souci de fidélité, adapter parfois jusqu'à réécrire dans sa langue, se fondre dans la peau du poète étranger pour retranscrire au mieux son style, tels sont les éléments qui ont nourri les échanges des participants assis autour de la table.
Quand la donne du jeu et la quête du sens se croisent puis se fécondent, l'aventure peut commencer. **
Le coeur devenu différent, l'esprit relié **, l'aventure continue...
Au retour, impressions et poèmes ont fleuri de part et d'autre dans le sillage des rencontres.

Face à face nos langues
au commerce de mots,
regarde au magasin
les réserves de sens,
pèse à leur trébuchet
le métal de syllabes,
choisis l’or des vocables
à leur fine musique.
Face à face nos corps
nos amours nos énigmes,
désir d’identité :
autrui est-il le même
ou suis-je singulier
derrière mes remparts ?
Les murailles du moi
rendraient vaines les flèches
dirigée vers les cœurs
que l’on voudrait gagner ?
Mais l’acte de traduire
et son vœu de séduire
rendent heureux le négoce :
du poème invité
à franchir les frontières
un luxe de paroles
différemment rythmées
ajoute d’autres moires
à son éclat premier !
André Ughetto
ATELIER 1
Ils ôtent un mot, puis l’autre, en déploient dix, monnaie d’échange,
forment rayures de tout cela. Ils se partagent à pleines dents
la phrase livrée du poème du jour, la placent sur le dos de la table
pour instruire leurs bricolages minutieux.
L’un s’aventure, l’autre retranche. La formule se cherche, pierre secrète
à frotter jusqu’au feu.
Ou bien non. Ils ne font que glisser dans le calque incertain,
porter l’empreinte à l’athanor.
Dans le peu à peu des propositions, passé les écueils et les manques,
le poème se dessinera au milieu d’eux
une manière double.
Une ressemblance équivoque qui, tour à tour, les inquiète, les réjouit.
ATELIER 2
En marge du désordre promis aux officiants, j’habite désormais
une vitrine sous laquelle je laisse les minutes m’envahir.
Lettre décachetée, je m’expose au temps qui posera ici ses yeux
en trait d’union.
Le déchiffrement d’un jour
qui a choisi de se poser sur cette aile fragile
me tient lieu de
plein exercice.
Qui croira que je saurai rester là dans cette enclave de bibliothèque
sans troubler les passants,
leur enseigner comment
attendre l’aube d’un jour de vie depuis longtemps déjà
révolu ?
ATELIER 3
Quelque chose s’entreprend qu’on ne sait dire.
Entre l’intime concision de quelques mots, tressés sur page,
et l’univers en extension des voix
qui se prolongent à l’infini.
Plus l’on fixe et plus l’on déploie. Leçon de la matinée.
Le poète présent regarde avec la curiosité d’un encore vivant
s’en aller son travail dans un autre berceau de langage.
Rappelle-moi qui je fus
quand le monde des regards multipliés
n’existait pas, dit-il, quand le monde de l’autre
se terrait encore dans son premier tremblement ?
Dominique Sorrente
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NB : * Les poèmes traduits lors des ateliers seront publiés dans son prochain numéro d'automne par la prestigieuse revue italienne de poésie comparée Semicerchio, partenaire des rencontres du jumelage poétique à Pistoia.
** Citations extraites de Parole première, texte fondateur du Scriptorium.
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09 avril 2009
Poésie croisée sur les remparts de Pistoia

VERS LES REMPARTS DE PISTOIA
Quatre poètes français du Scriptorium, Dominique Sorrente, Angèle Paoli, Olivier Bastide, André Ughetto sont en expédition poétique à Pistoia en Italie du 22 au 24 avril 2009. Ils seront accompagnés par Elena Berti et Valérie Brantôme, italianistes confirmées, qui contribueront aux échanges. L’objet de cette aventure est d’expérimenter une démarche de jumelage poétique avec une communauté de poètes toscans réunis par Paolo Fabrizio Iacuzzi. poète, éditeur et directeur artistique de l’Accademia pistoeise del Ceppo.
Au programme, plusieurs temps forts sont annoncés. Le mercredi, une conférence sera donnée par André Ughetto. Elle portera sur les traductions en français de l’œuvre de Piero Bigongiari, un des maîtres poètes de Pistoia dont la majeure partie du fonds a été rassemblée sous l’autorité de P.F.Iacuzzi à la Bibliothèque San Giorgio ; au cours de ces journées, un atelier de traduction « Les Matinales » réunira quatre poètes toscans, Martha Canfield, Alessandro Ceni, Maura Del Serra, Paolo Fabrizio Iacuzzi, et les quatre poètes du Scriptorium ; ce sera pour eux l’occasion de croiser leurs traductions réciproques réalisées en amont de la rencontre; le jeudi soir, une lecture itinérante aura lieu dans l’esprit de la Caravane lancée par le Scriptorium sur la Corniche à Marseille ; mais cette fois, la déambulation se fera sur les remparts de la forteresse de Santa Barbara, en échange bilingue, mêlant textes des classiques de chaque pays avec expressions contemporaines ; enfin une lecture intitulée « Le poème et son double » permettra de porter à la connaissance du public les textes de l’atelier des Matinales et de partager l’expérience vécue en hospitalité linguistique. Cette lecture constituera le point d’orgue de la rencontre et marquera aussi le point de départ de la Nocturne de la Bibliothèque.
À l’heure où l’Italie a été cruellement ébranlée par le tremblement de terre de L’Aquila, nul doute que cette campagne du Scriptorium « hors frontières » ne soit d’abord un signe de fraternité méditerranéenne, un geste d’utopie des mots à partager d’une langue à l’autre. Avec l’invention d’un jumelage poétique en fil rouge des instants.
LES PARTENAIRES DE L’INITATIVE
Plusieurs institutions de Toscane se sont associées à ce projet :
L’Université de Florence, Le Centre Jorgue Ejelson de Florence, L’Académie pistoièse du Cep, la revue de poésie comparée « Semicerchio » (Florence) ainsi que les revues de littérature : «Paletot» (Pistoia), «I Quaderni del Battello Ebbro» (Porretta terme), «Colletivo R» (Florence).
Il convient également de signaler qu’outre les poètes déjà cités, participeront à l’événement Enza Biagini, spécialiste de Piero Bigongiari, les poètes Roberto Bartoli, Martino Baldi, Massimo Baldi, Giacomo Trinci à l’occasion de la lecture sur les remparts.
Pour cette entreprise, le blog Terres de femmes (Angèle Paoli) apportera son précieux concours et donnera aux lecteurs des échantillons de ce temps de poésie prometteur à la sauce pistoiese.

18:34 Publié dans Agenda | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : scriptorium, marseille, pistoia, poètes toscans
20 mars 2009
Attention, Caravane en marche !
CARAVANIER DU PRINTEMPS
Le poème aujourd’hui réclame
une autre route.
Au pas incertain des voyelles,
dans des consonnes qui brinquebalent,
il avance déhanché
avec des mots de passe pour l’exil du dedans.
Mes amis, vous vivez déjà, le saviez-vous,
dans la ligne de rupture des vagues.
Alors, regardez-la, cette caravane de mots
qui sort peu à peu de la page
pour rejoindre l’inaccessible de la mer.
Elle avance avec sa suite dans un intervalle du temps,
minuscule et précise
au ruban bigarré des strophes,
au tintement irrégulier des rimes
qui s’entrechoquent.
Elle, si longtemps contenue
dans la fabrique des colères, des replis,
elle déborde à présent des cahiers, elle se pare
des chapitres du vent,
elle passe en légèreté par le chas de toutes les aiguilles
des empêcheurs du temps de vivre.
Caravanier, nouveau venu de la parole improbable,
fais de ton pas multiplié en bord du jour
l’intrigue heureuse
qui inventera avec nous le printemps.
Il suffit de te mettre en route
au chant des verbes à ciel ouvert,
faire écho
à la voix de quelques poètes
pour retourner en mots splendides
le désespoir ou la mélancolie.
Caravanier du printemps, grâce à toi,
le secret du monde deviendra, un instant,
public.
Dominique SORRENTE
AUX CARAVANIERS DU PRINTEMPS
…Il est l’heure de vivre un moment différent. Rare aussi bien qu’intense. Retrouver les énergies que la poésie nourrit : capacité à réveiller, étonner, détourner le cours somnolent ou subi des choses…
…Notre façon : faire se rencontrer sonnet, hai-ku, slam, performance, écriture linéaire ou pratique d’hypertexte, voix chuchotée ou parole déclamée, et toute autre forme d’expression poétique, sans exclusive, en laissant à chacun la liberté d’aller à son pas et de faire son marché inspiré dans ce foisonnement voulu.
Notre méthode : la marche à plusieurs. Parce que la poésie à ciel ouvert et portée par la voix retrouve hors les murs une nouvelle vitalité citoyenne. Parce que mettre un pied devant l’autre est un acte d’humanité qui ne réclame aucun diplôme, aucune distinction sociale, aucun passeport de conformité. Parce que la parole partagée ne nie aucunement la solitude des auteurs, mais l’empêche de se corrompre en isolement.
Notre esprit : celui d’une promenade en nomadie joyeuse et bigarrée, qui pratique les contre-pieds, aime rire et respirer en bord de mer l’appel du large, sans oublier les humeurs parfois périlleuses du trottoir ! De l’entrée du vallon des Auffes à la plage des Catalans nous irons jusqu’au jardin de la Rade où se tiendra le bivouac final avec ses joutes oratoires et ses confidences publiques.
À Marseille, il est temps que la poésie devienne polyphonique. Et déjà un écho inattendu s’est fait du côté d’Alep en Syrie. La caravane des mots est de toutes les rives. C’est le pari de notre aventure de caravaniers poètes. Nous vous invitons à saluer ensemble un Printemps tonique qui défiera les mauvais génies de la crise.
À samedi, caravaniers de la belle circonstance !
Dominique Sorrente
(Extrait de la DÉCLARATION DE LA CARAVANE 2009…)
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