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Le sens de l'humeur - Page 5

  • Sous la déferlante des voeux...

     

     

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    QUELQUES SOUHAITS À MINUIT PILE

     

     

                                                                     pour ouvrir l’année 2011

     

     

    Sous la déferlante des vœux,

    je vous souhaite

     

    la liesse de la bulle,

    la grandeur d’âme de la goutte d’eau,

    les honneurs rendus à la flamme

    pour l’ensemble de son œuvre,

     

    le beau geste et l’instant décisif

    d’une page de vent à l’écriture sympathique,

     

    je vous souhaite aussi

    des histoires fabuleuses de limaces

    qui laisseront des traces après l’oubli,

    un oiseau de toutes couleurs à ne plus avoir peur du noir,

    des adieux

    en forme d’antichambres de vie,

     

    je vous souhaite de rencontrer

    le souffle épique du papillon, la bonhomie cajolante du gouffre,

     

    je vous souhaite des rires d’enfants si purs

    que les ennemis ne pourront les atteindre,

    une mélodie de pierres à feu

    à offrir au chant fatigué de la terre,

     

    je vous souhaite d’heureux midis

    à loger la part nécessaire de l’ombre,

     

    je vous souhaite des tournesols cherchant leur astre, toute la nuit,

    et encore des danses qui virevoltent sous terre

    à la bonne fortune du pot,

    et des pensées d’amour qui auront si bon dos

    qu’il leur poussera des ailes,

     

    je vous souhaite de tendre l’arc en ciel

    en plein milieu de la saison des pluies,

     

    mais par dessus tout, je vous souhaite

    de faire de votre rêve

    le vrai héros irréprochable

    qui vous tiendra compagnie, jours fériés

    et même jours ouvrables.

     

    Dominique Sorrente

     

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  • Pour saluer Luc Bérimont,

    Un heureux soulignage en rouge

    À l’heure où le soulignage en rouge doit être chassé à tout prix par la seule activité du dictionnaire interne de l’ordinateur, je confesse un plaisir insistant qui peut-être deviendra une rareté pour demain : faire surgir des textes où le soulignage en rouge persiste, sans être dû à l’incompétence inavouable de l’écrivain ou à la pratique d’une langue étrangère. Je crois à cette agilité, qui elle-même plus secrètement, est l’envers d’un trauma d’origine dont « l’enfant muet du langage » (A. Du Bouchet) a appris, comme il a pu, à jouer.

    Aucun volapük « rationnel-légal » (Wax Weber), aucun jargon standard, aucune langue administrative ou marketing d’imitation bois ne résistera longtemps à ces quelques secondes d’enchantement qu’on nomme parfois poème.

    Ce poème malicieux de Luc Bérimont, comestible pour chacun, et déroutant pour tous ceux qui le diront à voix haute, est un bel exemple d’une telle pratique.

    Au moment où les Presses Universitaires d’Angers ont la riche idée de publier les œuvres complètes de l’auteur de Soleil algonquin, il me plaît de partager le bonheur de ces vrais « coups tordus » qui, prononcés en poésie, nous gardent notre part d’innocence.

     

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    J'ai geigné la pirafe

    J'ai cattu la bampagne

    J'ai pordu la moussière

    J'ai tarcouru la perre

    J'ai mourru les contagnes

    J'ai esité l'Vispagne

    Barcouru la Pretagne

    J'ai lo mon vieux vépris

    Je suis allit au lé

    J'égué bien fatitais

    Luc BÉRIMONT

     

    ***

     

    Le Centre poétique de Rochefort-sur-Loire (ville d’élection des poètes de l’école de Rochefort) a l’excellente idée d’organiser le 6 février prochain une célébration de Luc Bérimont dont l’œuvre mérite un nouveau regard d’étonnement. Elle aura lieu en présence de Marie-Hélène Fraïssé-Bérimont et avec le concours du chanteur Jacques Bertin, fidèle ami du poète.

     

    ____________________________________________

    Pour toute information : Centre poétique de Rochefort-sur-Loire

    ( : 02 41 78 79 14 ou  centrepoetique@wanadoo.fr

  • L'An X à ouvrir

     

     

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    PAS DE SOUCI…PAR CONTRE…

     

     

     

    Ce dialogue au sommet des mots,           

    pour saluer l’année 2010…

     

     

     

    À l’heure où je tente de vous parler, il est évident que c’est bien lui qui occupe le haut du pavé, qui défraie la chronique, qui ponctue nos existences quotidiennes. Et même pour mettre en ébullition les gouvernants qui s’échauffent, au lieu de faire refroidir la planète, il s’invite à la table.   En trois mots comme un seul !

     

    « Pas de souci »  règne en maître à chaque bout de phrase.  Il est le mot de passe semi-conducteur de l’instant. Un sésame pour les conversations. La palme d’or de la réassurance. Bientôt on commencera tout échange ordinaire, non par le banal Bonjour qui perd de plus en plus de terrain, mais  en posant devant soi, avant toute parole, une effigie  de : « Pas de souci ».

     

    À dire vrai,  je ne connais à « Pas de souci » qu’un rival sérieux.

     

    Ce n’est plus depuis des lustres « Par ailleurs », qui a pris un terrible coup de vieux avec ses lunettes d’universitaire sur le retour. « Pour autant », ronfle trop souvent dans son sofa devant son écran  pour faire froncer les sourcils. « Quoique… » tente quelques percées, mais ses bégaiements l’empêchent de s’imposer durablement.

     

    Personne ne saurait miser sur le trop scolaire « Cependant »,  ni sur ce pitre repenti  qu’est « Néanmoins ».

     

    « Cela dit », bien qu’il soit mieux élevé que « Ceci dit », est trop consciencieux pour  répandre de l’inquiétude, au-delà des quelques secondes d’usage.

     

    D’évidence, aucun de ceux-là n’arrive à la cheville de « Pas de souci ».

     

    Non, le seul qui tienne la route aujourd’hui  s’appelle « Par contre ». Quel caractère celui-là ! « Par contre » a damé le pion à « En revanche » ; il a mis un chapeau de clown au latin « A contrario ».  Et maintenant, il se répand, tel une algue langagière, sans que personne ne puisse contrecarrer sa tendance  naturelle à l’expansion.

     

    Bran sent bien qu’une rencontre au sommet doit avoir lieu entre les deux seigneurs du moment. À ma droite, « Pas de souci », avec ses airs d’angoissé qui camoufle… » À ma gauche, Par contre », en empêcheur de tourner en rond. Messieurs, à vous de jouer. Quel match en perspective !

     

    On ne compte  plus les rounds qui eurent lieu entre nos deux héros. Chaque fois que « Pas de souci » annonçait la couleur, « Par contre » renversait les tubes ; quand « Pas de souci » claironnait un monde à sécurité optimale, « Par contre » donnait de la grimace, comme si quelque chose devait inexorablement se gripper. Au jeu de la grippe, justement, « Pas de souci » fut  remarquable  pour distiller les perles d’inquiétude  dans l’enveloppe de sérénité ;  « Par Contre », de son côté, lui tînt la dragée haute, avec ses aimables klaxons d’avertissement et ses doses de culpabilité sucrée.

     

     

    Le pays vécut ainsi dans ce vis-à-vis quotidien et démultiplié qui s’emparait de toutes les conversations dans les chaumières et en dehors.

     

    Pas de souci,  prévenait le chauffeur de bus.

    Par contre, murmurait la petite dame au chien.

     

    Pas de souci,  claironnait le gouvernant.

    Par contre, répliquait en jazzant le peuple.

     

    Pas de souci, dictait la maîtresse à la craie.

    Par contre, objectait l’écolier rêveur.

     

    Pas de souci, annonçait la nuit.

    Par contre, réclamait l’insomnie.

     

    Et peu à peu, c’est à l’intérieur de chaque habitant  que le dialogue au sommet fit entendre sa ritournelle.

    Pas de souci, je suis le meilleur.

    Par contre, je pourrais attraper froid.

     

    Pas de souci, je vais rembourser mon emprunt.

    Par contre, je vais en baver ce qu’il faut.

     

    Pas de souci, la terre est ronde.

    Par contre, elle ne tourne pas trop bien.

     

    Et ainsi de suite en suite, de suite en suite…

     

    Bran se demandait comment tout ce dialogue inlassable  pourrait  un jour finir.

     

    C’est alors qu’il finit par dénicher, dans un coin de sa chambre qu’il n’avait pas dépoussiéré depuis longtemps, une forme sans forme, comme un habit hors d’usage, une sorte de breloque indéfinie, un objet sans carte d’identité, un vocable mou et fier à la fois, inconsistant et sûr de lui, une sorte de mutant sans passé et sans avenir, mais semblant heureux de son sort, une présence en creux narguant tous les usages conformes.

     

    Il convoqua « Pas de souci » et  Par contre »   au centre de la pièce, leur demanda de se regarder les yeux dans les yeux, sans loucher.

     

    Puis défiant toutes les lois de la pesanteur verbale, Bran s’exclama dans son plus tonique charabia local : 

    « Autant pour moi ! »

     

    « Pas de souci » et « Par contre » disparurent sur le champ, honneur perdu et tout le reste. Ce n’est que le matin suivant, profitant de l’amnésie ambiante, que nos héros recommencèrent leur manège routinier, avec quelques écorchures en plus.

     

    Mais ceci  est une autre histoire qui mérite bien de ne pas être racontée.

     

     

     

    Dominique SORRENTE