14 mars 2012
Reflux ~ Pierre Reverdy
© Photo Boris Pasmonkov
Reflux
Quand le sourire éclatant des façades déchire le décor fragile du matin ; quand l'horizon est encore plein du sommeil qui s'attarde, les rêves murmurant dans les ruisseaux des haies ; quand la nuit rassemble ses haillons pendus aux basses branches, je sors, je me prépare, je suis plus pâle et plus tremblant que cette page où aucun mot du sort n'était encore inscrit. Toute la distance de vous à moi — de la vie qui tressaille à la surface de ma main au sourire mortel de l'amour sur sa fin — chancelle, déchirée.
La distance parcourue d'une seule traite sans arrêt, dans les jours sans clarté et les nuits sans sommeil. Et ce soir, je voudrais d'un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur de rouille — cette rouille affamée qui déforme mon coeur et me ronge les mains. Pourquoi rester si longtemps enseveli sous les décombres des jours et de la nuit, la poussière des ombres. Et pourquoi tant d’amour et pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à grandes vagues dans des vases de prix. Il court dans les fleuves du corps, donnant à la santé toutes les illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué, ébloui, hypnotisé par les lueurs fascinantes des phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes magnétiques de la mort. Ce soir je voudrais dépenser tout l’or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds. Il n’y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les pavés de la rue. Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l’humus du malheur, reprendre l’air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les hauteurs — où la glace étincelle de tous les feux croisés de l’incendie — où la neige ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l’égoïsme et les décisions tranchantes de l’esprit.
Pierre Reverdy
[Anthologie, Orphée /La Différence, 1989]
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10 mars 2012
Poème des Commencements (IX) ~ Alain Freixe
Des étoiles rouges
Jonchent
De tous leurs feux
Les dalles du sommeil
Bientôt les fleurs
Les plaies
Soleil et sang
Alain Freixe
Le parti des libellules,
manuscrit à 4 exemplaires sur une toile de Georges Badin, septembre 2011
Tristesse
(…)
notre tristesse ce soir
est rouge sur fond noir
en elle
se conjuguent
l’aigu de la lame
et le tranchant
de la lumière
notre tristesse
a la couleur du vent
retenue qui explose
et va déjà vers son calme
sèche et plissée
une clarté monte
de ses fonds
celle du vide
(…)
Alain Freixe
Extrait de Hors les battements du cœur publié dans Avant la nuit (manuscrit à 3 exemplaires pour Youl le 24 février 2012)
21:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
06 mars 2012
Beau hiatus de la harpe, et tous ces mots qui se bousculent...
19:30 Publié dans Hors les murs | Lien permanent | Commentaires (0)