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Le Scriptorium - Page 62

  • PRINTEMPS DES POÈTES: LES IVRES VIVANTS CHANTENT LES 12 ET 14 MARS à PEYROLLES ET MARSEILLE

     

     Les Ivres vivants en concert à Marseille mars 2017.jpg

                       Audrey Gambassi, Dominique Sorrente, Lionel Mazari 

     

     

    Il fallait s’y attendre : ils reviennent au printemps. Ou, du moins, au Printemps des Poètes. Ces drôles d’oiseaux-chanteurs qui s’appellent les Ivres vivants nous donnent deux rendez-vous rapprochés :

    - le dimanche 12 mars, à 16h, au château de Peyrolles, ils proposeront leur « incroyable tournée » au public du festival « Poésie au Château « ( dont le plateau est varié et séduisant). Participation libre.

    - le mardi 14 mars, à 20h, le concert-spectacle aura lieu au théâtre du Non-Lieu (tout un symbole, par les temps actuels), 69 rue de la Palud, 6°, au centre-ville de Marseille.

    Pour le concert au Non-Lieu, les réservations se font au 0625246890

    Tarif PAF : 10 euros

     

    Venez découvrir ou re-découvrir ce trio insolite où les talents ne manquent pas, formé de Dominique Sorrente et Lionel Mazari, tous deux auteurs – compositeurs -interprètes, avec la voix d’ Audrey Gambassi.

    Le concert est une balade en chansons-poèmes, toutes créations originales des poètes. Au cours de ce voyage, les guitares font bon ménage avec les voix parlées et chantées, on passe d’humeurs primesautières ( Compère le Marsouin) à des accents plus sombres (Les villes millénaires). Et l’on remonte un fleuve qui n’a rien d’impassible (Mon amazone). Et ainsi va le récital. qui s’achève par un hymne écologique insolite…à découvrir !

     

    Une tendresse joueuse et communicative, proposée par ce trio réjouissant. Avec la meilleure part donnée aux mots ciselés avec art.

    Comme ils le disent:

    Il y a des chansons pour bouger les corps,

    d’autres pour caresser les oreilles.

     

    Ne manquez pas cette cure en chansons pour devenir à votre tour, le temps d’un soir, des Ivres vivants.

     

     

     

  • HOMMAGE À L'INCONNU-E POÈTE

     Plage des catalans DS.JPG

                                    en sympathie

    avec la ville de Trois-Rivières

     

         

    Vous ne pouvez dire mon nom.

    C’est le moins qui puisse être.

    Homme et femme je suis,

    pour le reste des jours.

     

    Je vis de creux et de surfaces.

    Ce qui s’ajoute à mon bout du monde

    passe par une entaille de pierre.

     

    Inclinez-vous, devant il n’y a rien à voir.

    Parterre, peut-être, un insecte

    qui sait renommer l’univers.

     

    J’ai fini de compter les passants qui ont

    franchi le seuil sans s’arrêter. Seuls quelques-uns

    sont en mémoire, debout ici, dans mon silence archéologue.

     

    Demain, demain… évitez-moi ce trop de précipitation.

    La rafale s’en vient. Le monde brûle.

    Le livre part en lent retour vers son destin de sève.

     

    Mes fleurs à partager, mes carnets de déroutes et de chances reçues,

    mon rythme de piéton céleste, libre de cœur, j’aime

    celle ou celui qui crie récompense pour que le temps d’amour

    à nouveau se libère.

     

    Je vous ressemble. Je sais bien

    que ma voix est faite d’empreintes, d’oublis, de cercles d’éphémère,

    de sillages d’éternité,

    de justesse et de non mesurable.

     

    C’est pour qui ne me connaît pas que je donne

    mes adresses au vent. J’écris ici et j’écris là.

     

    À peine me verra-t-on peut-être à ma rare durée

    dans le brouillage des journées d’instants,

    et déjà disparu-e ailleurs, comme vous, je serai reparti-e.

     

    Un jour, j’ai débarqué sur cette rive, où mes blessures

    ont reçu la pitié douce du lazaret, les pansements pour ma peau d’étranger.

    J’ai aimé devenir un-e des vôtres,

    lâchant une parole tressée entre les continents,

    d’un bord du monde à l’autre, minuscule et précieuse, démunie

    comme au premier jour de naissance.

     

    Et j’aime depuis ce jour le baiser anonyme du vent et de la mer,

    les temps extraordinaires qu’on unit au geste banal,

    les lèvres sacrées qui trouveront des mots à même le sable.

     

    Je suis de ce pays à sculpter l’éphémère.

     

    Je vous ressemble, à chaque regard porté, dans la ferveur

    des mots incendiaires.

     

    Je passe en destin d’écriture. Je me relie à vous, quand même

    vous ne le savez pas.

    J’ai mon habitation dans le pli de vos cœurs troublés.

     

    Je n’appartiens à aucun siècle, ou à tous, sans doute,

    pour poursuivre ma tâche

    d’œuvrer à même vos gestes secrets en parole commune.

    Je suis l'inconnu-e poète

    qui sait que ses théories de fusain lui survivront

    et qui vous parle.

     

    Je vis de l’oubli nécessaire et de la mémoire revenante,

    et je vous parle,

     

    bien après que la vague aura disparu,

    je vous parle, mes amis,

    pour ce soir, corps et biens,

    où nos mots se sont perdus, se sont unis,

     

     

    je vous parle, habitants d’un amour toujours en chemin,

    dans ce temps du futur antérieur

    où remue entre ciel et terre

    la part heureuse

    qui nous fait signe,

     

    notre vie constellée.

     

                                                          Dominique Sorrente

     

                                                          Plage des Catalans, Marseille (France)

     

     

    Ce poème a été écrit en sympathie avec la ville de Trois-Rivières, au Québec,  capitale de la poésie, qui célèbre chaque année, le 14 février, les poètes du monde.

     

    page manuscrite Jules Laforgue?.jpg

     

     P1150454 Papillon fleur - copie.JPG

  • UN BOUQUET POUR TANIA

     

     

     

     

    tania sourseva 1.jpg

     

                                          à Tania Sourseva,

                           co-fondatrice avec Richard Martin

                                            du   théâtre  Toursky à Marseille,

                                      décédée le 16 janvier 2017

     

     

     

    Mais la plus belle victoire

    sur le temps et la pesanteur -

    c'est peut-être de passer

    sans laisser de trace,

    de passer sans laisser d'ombre...

     

    Ainsi : se faufiler à travers

    le temps comme l'océan, sans alarmer les eaux…

     

                                                    Maria Tsetaïeva

     

     

    J’ai rêvé cette nuit que tes cendres

    descendaient une Canebière

    bondée jusqu’à la bascule du port.

    Et qu’un bout de Russie se dispersait ici

    dans l’or du jour.

    Méditerranée, intime étrangère,

    plus introuvable que la veille.

    Où la vie se faufile sans alarmer les eaux.

     

    Tu viens de loin, Tania, de si loin il me semble,

    là-bas, on ne sait jamais de quel côté

    de la pièce tu apparaîtras.

    Puis tu prends tes repères, humes le monde

    qu’il fait

    à ce huis clos de passage où tu glisses

    comme velours.

    Il y a une traîne interminable qui te suit.

     

    Dans un songe de Volga, tu auras franchi

    les plaines et les collines, les toits, les escaliers,

    les combats et les trinqueries,

    les nuits qui sont toutes logées dans ton théâtre

    mais ne sont pas faites toutes

    pour être dites,

    car les nuits ici ne se disent plus.

     

    Tu avances à la dérobée,

    exécrant les déplorations, les jérémiades,

    mais on voit bien comment tu serres les dents,

    comment tu barres la route

    aux imbéciles châtiments comme au

    malheur définitif,

    comment tu fermes la douleur,

    comment tu

    t’immobilises.

     

    Puis déroulant la pelote délaissée

    du temps qui peine à venir pour trouver raison.

     

    Tu viens de loin, Tania.

     

    On t’a vue, on te verra encore

    traversant ton propre théâtre,

    à la santé des fantômes

    qui n’ont plus l’âge de leurs artères,

    pour que le jour et la nuit se confondent,

    pour que la voix d’insolence

    se mêle à la figure

    vénérable.

     

    Et que la pierre d’angle ici,

    où éclatent les silex et les os,

    au passage de l’an neuf,

    porte témoignage.

      

    On t’a vue, on te verra encore,

    tu viens de loin, Tania,

    passant sous les tentures épaisses

    récapituler le silence.

     

    Les hommes n’ont pas le temps,

    si ce n’est à la guerre des mots,

    mimant les rôles qu’ils tiennent en accéléré,

    agitant leurs ardeurs, leurs diatribes,

    puis grands enfants, épuisés de tant

    de répétitions déclamées,

    ils pleurent sur la vie,

    il ne faut pas leur en vouloir.

     

    Mais toi,

    tu viens de loin, Tania,

    tu pratiques autrement

    comme on se prépare dans le grand hiver

    à la loi de l’effacement.

     

    Et si l’on ne te voit plus,

    pour un moment,

    c’est que

    tu circules dans les recoins,

    emportant contre toi la tenace odeur des choses enfouies

    ou la page cornée d’un livre

    ou bien le rire d’une canne en bois

    frappant la chaise récalcitrante pour qu’elle se mette

    enfin à marcher.

     

    Tu viens de loin, Tania.

    Et ce jour te ressemble

    avec ces pas sans ombre

    pour nous apprendre à nous faufiler.

     

     

                                        Dominique Sorrente

     

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