20 février 2018
MARIE GINET
Passionnée de littérature contemporaine, de poésie et plus particulièrement de poésie orale, Marie Ginet se produit depuis 2005 sur les scènes slam et poétique de France et de Belgique sous le pseudonyme d'Ange Gabriel.e. Elle est artiste associée à la Générale d'Imaginaire.
Nominée pour le prix de la Vocation en poésie en 2000, elle publie en 2010 aux éditions L’agitée le livre album Souffles nomades préfacé par Jean-Pierre Siméon, lequel salue une « langue drue, qui a du souffle » mais « sait aussi dans l’apnée soudaine ménager sa part de silence. »
Son second recueil Pulsation paraît à L'Agitée en mars 2014. Il interroge la figure de Marie-Madeleine et notre rapport contemporain à la spiritualité.
Un récent recueil Dans le ventre de l'Ange et autres cachettes est paru aux éditions Henry en septembre 2016.
De 2011 à 2013 , elle est auteure et interprète du spectacle Je nous tiens debout mis en scène par Anne Conti et produit par La Générale d’Imaginaire. Avec ses deux complices du collectif Les Encombrantes, Amandine Dhée et Law’Rible, elle questionne la notion de genre et la place de la femme.
En 2013, elle créé avec le poète Dominique Sorrente une lecture poétique à deux voix Nord Sud où vont les fleuves, co-produit par La Générale d'Imaginaire (Lille) et le Scriptorium (Marseille). En 2015, le duo propose Zig Zag Déclame une lecture-spectacle aux angles inattendus mêlant explorations sonores, instruments, voix chantées, murmurées ou vociférantes.
Formée aux ateliers d'écriture à l’A.L.E.P.H, elle intervient aussi bien auprès d'enseignants, de formateurs que de détenus, de personnes âgées ou de lycéens. Ses ateliers allient le travail de l'écriture et celui de la mise en voix et en espace des textes.
Elle est est également animatrice de rencontres littéraires et a produit une cinquantaine d'émissions radiophoniques autour du slam et le la poésie.
Elle répond à des commandes d'écriture (récemment la Maison de Poésie Rhône Alpes, le site de poésie et de réflexion Terre à ciel, le musée du Louvre Lens). Enfin elle publie régulièrement en revues.
Au cours de l'année 2017 elle a axé plus particulièrement sa création sur la littérature jeunesse. Elle vient de publier (novembre 2017) un recueil pour la jeunesse Poésie, terre d'aventure qui allie récit et poésie. Elle est également l'un des trois poètes choisis pour représenter la France dans le cadre du projet européen Versopolis.
BIOGRAPHIE
Poésie
Poésie, terre d’aventure, L'agitée, 2017
Dans le ventre de l'Ange et autres cachettes, Henry, 2016
Pulsation, L'agitée, 2014
Souffles nomades, L'agitée, 2010
Revues
Publication dans les revues Bacchanale, Le grand Nord, Ffwl, Poésie 2001, La Nouvelle Revue Moderne, Revue des Archers, Thauma, etc.
Publie aussi sur les sites web : Terres de Femmes, Cris et Poésie, Terre à Ciel.
Collectifs
Uriner sous la lune, Venise, L'âne qui butine 2002
Entretiens et émissions radiophoniques
Entretien avec Salah Stétié in Rémanence n°3, septembre 1994.
Les voix du slam : portraits des slameurs et slameuses. 42 émissions créées entre 2010 et 2013.
Poésie nomade : lectures et entretiens avec Jacques Dupin, Abdelatif Lâabi, André Velter, Salah Stétié, Farida Aït Ferouk, etc. Une quinzaine d’émissions entre 1994 et 1996 diffusées sur Canal FM et le réseau national de l'EPRA.
Liens sur le web
Un article « Slam, peuple et poésie » paru dans la revue Terre à ciel le 15 janvier 2017
Ma page sur le site Versopolis http://www.versopolis.com/poet/130/marie-ginet
Le slam Dans le bec de l'homme filmé à Liège
http://lageneraledimaginaire.com/artistes/marie-ginet
Quelques textes :
Mardi 29 avril
Départ Namur, l'Ange Gabriel quitte la Meuse. À la sortie de la ville, avant la première écluse, les rives ont un petit air bucolique : des portillons de lilas et des passants de halage agitent pour nous les bras dans la grisaille.
* * *
Peupliers ouvrant leurs feuilles contre l'averse du printemps et cet hiver au bord à bord de la mémoire et du futur.
L'impermanence en floraison - fanée déjà - l'incertitude mêlant sa sève à la salive de nos baisers.
* * *
Par le hublot passe le monde : des cormorans séchant leurs ailes sur le faîtage des hautes branches, l'écorce blanche des bouleaux, leur craquelure, des ponts d'acier profilant l'ombre.
* * *
Des graffitis d'amour et de solitude
sur les piles du pont
un ballon d'enfant bleu qui flotte
à l'arrière des usines
* * *
Par le hublot passe le monde : briques noircies, relent d'enfance, charbon sans gloire, coulant sa morve jusqu'au canal, Sambre rouillée.
Des peupliers tremblants debout, des boutons d'or sur les talus, et des usines si moribondes qu'elles font photos pour amateurs comme un porno qu'on passerait dessous la cale et loin des anges.
* * *
Écluse de sale science-fiction. L'air sent la mort mais la lumière est revenue, soleil d'avril joue projecteur. Des monstres jaunes, pelletée d'ordure et de limaille, cahotent dans les colonnes de poussière.
Extrait de Dans le ventre de l'Ange et autres cachettes éditions Henry septembre 2016
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Des bateaux qui coulissent sur la ligne d'horizon
une voile qui s'incline
noire
un cargo de couleur
vernis comme un jouet d'enfant
peut-être est-ce Éole qui joue
dans ses jardins de pierres et d'eau
remue ses Lego vermillons
s'étonne de notre impatiente
caresse le sable des jours
L'eau des mers doucira sous la fonte alanguie des icebergs
ce printemps déjà l'un d'eux s'est détaché
loin du cercle polaire il dérive
plus vaste qu'un pays
Marie Ginet Inédit : île du Frioul Septembre 2017
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Chez le fromager
Chez le fromager,
ça sent le maroilles et la bonne humeur.
Papy vous raconte la ville d’avant
et celle d’aujourd’hui.
Il sait tout des gens,
comme un écureuil perché sur la branche.
Son vieux fils se marre,
soixante printemps
et la tartine de camembert chaque matin
lui dessinent des pattes de sourire aux yeux.
Et le petit-fils râpe le gruyère
avec l’air de dire que la vie est longue,
des milliers de vaches pourront gambader,
et des reblochons et des mimolettes
devenir monnaie
avant qu’il ne soit à son tour grand-père.
Marie Ginet extrait de « Poésie, terre d'aventure » éditions l'Agitée novembre 2017
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ISABELLE ALENTOUR
Je ne fais pas partie de ces personnes qui peuvent dire J’écris de la poésie depuis toujours.
Je peux par contre dater très précisément le moment où l’écriture poétique est venue à moi. C’était en avril 2011, c’est-à-dire dans une période charnière de mon parcours professionnel où je faisais le choix de quitter le monde de la recherche scientifique pour me consacrer entièrement à une pratique clinique.
Sans savoir ce que je faisais j’ai commencé à poser des mots sur le blog d’une amie photographe. Chaque jour. Sans chercher à comprendre. Dans un état de douce euphorie et d’étonnement, dont je n’ai compris après-coup qu’il était de ceux qui caractérisent une vraie rencontre.
Dans cette même période je faisais la connaissance d’Angèle Paoli, quelque part sur la côte ouest du Cap Corse. Celle que je considère aujourd’hui comme ma Marraine en poésie m’encourage dans mes premiers pas d’écriture. A son invitation je fais la connaissance de Dominique Sorrente et j’intègre Le Scriptorium, pour un compagnonnage très fécond qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui.
Plusieurs années auparavant avait eu lieu ma rencontre avec la psychanalyse et une longue fréquentation, côté divan, puis côté fauteuil. Qui l’a vécu sait combien c’est une expérience forte que de se laisser surprendre par ce que l’on dit, de faire l’expérience que les mots nous précédent. A cet égard je rejoins ici pleinement Caroline Sagot-Duvauroux qui indique qu’en poésie comme en amour il s’agit d’oublier la connaissance et de retrouver une innocence proche de l’ignorance afin que quelque chose que l’on n’attendait pas puisse éclore.
Ce qui fait la spécificité de cette écoute est la prise en compte du poids des mots, de leur matière sonore et de leur équivocité aux dépens de leurs significations évidentes ; une sensibilité à l’ambiguïté des mots, à leur récurrence, à leurs associations et leurs reprises dans le discours, une attention au travail de métaphorisation, d’allusion, de détournement de la langue.
On voit là qu’on n’est pas bien loin de la poésie.
Je dirais donc que j’écris comme j’écoute, en permanence, dans une attention flottante au monde et à mes semblables qui l’habitent et y parlent, à partir de toute situation vécue qui me touche, me heurte, m’enchante.
À partir de ce qu’il y a de plus singulier en moi aussi, et comme une invitation pour le lecteur à se dévoiler, se révéler ou à reconnaître en lui qui il est.
(pour en savoir plus : https://www.terreaciel.net/Isabelle-Alentour#.WkYsgtLiaUk)
Bibliographie :
Depuis 2014 nombreuses parutions en revues papier :
- Décharge, Thauma, Phoenix, Les Archers, Dissonances, La Piscine, FPM, Ecrits du nord (Editions Henry).
Et numériques :
- Possibles, Terre à Ciel, Ce qui Reste, Recours au poème.
Des participations à des anthologies et collectifs :
- Anthologie poétique Terra di donne, Angèle Paoli (dir), Eds Les lisières 2017
- Dehors, recueil sans abri, Eds Janus 2016
- Depuis quand n’avez-vous pas vu une telle lumière, Cécile Silvestri (dir), Editions Couleur cactus, 2016
- Anthologie poétique de Terres de femmes, Angèle Paoli (dir), 2014
En en 2017 deux recueils :
- Je t’écris fenêtres ouvertes, Editions La Boucherie Littéraire, 2017
- La Fossette, Editions La Porte, 2017
Quelques textes
Je ne sais rien de la lettre qui compose le mot qui compose la phrase qui compose l’histoire. Je ne sais rien de l’idée, de l’intelligence ou de la pensée.
Je ne suis qu’un galet.
Mais je suis prêt à tout dire, à tout écrire, je suis prêt à tout lire et tout écouter. Je peux même me risquer à évoquer la mort, la baptiser attente, ou ignorance, la nommer éternité, taire mon propre nom.
Et je peux crier tout ce qui vient à larges goulées, ou à petits mots qui ne font pas plus de bruit que l’albâtre, l’argile ou la lavande, à peine une lèvre dans le silence, la tristesse filtrant sous le prénom qui jamais
n’a pu se poser.
La place de l’absent dans la voix.
La douleur de l’ange.
Extrait de Makapansgat, inédit.
**
Ne rien savoir par avance
Elaguer tous les silences qui encombrent
Elle dit J’aime le sable
Elle le dit
Lui
ne sait de quel sable il s’agit
ni de quelle sorte d’amour
Si elle dit cela pour parler
parce qu’elle aime la sonorité des mots
Si elle l’invente en le disant
ou par fidélité aux légendes de coton
qu’on raconte aux enfants
Elle dit Un horizon de toits et de béton je ne pourrais pas
Elle aime le sable
Extrait de L’homme des sables, inédit.
**
Ecrire un mot
en croyant que c’est le dernier
c’est accorder une place au vide
à un vide préfigurant un autre vide
celui de la distance où il semble que tout se perd
mais d’où cela renaît
.
Un silence en forme d’arbre ou de nudité je ne sais pas Je t’écris fenêtres ouvertes sur la nuit en attendant que s’ouvre l’arbre ou que se dévoile la plaine Cette nuit est trop chaude pour un homme qui marche depuis longtemps trop transparente pour un homme nu trop enveloppante pour un solitaire Le monde ne sera plus jamais le même.
Sans doute en va-t-il ainsi de toutes les mains et de toutes les peaux et de tous les corps qu’on a frôlés ou caressés Il arrive un moment où on ne les a ni frôlés ni caressés Désormais c’est comme si je n’avais jamais frôlé ou caressé Le monde n’est déjà plus le même.
Je t’écris fenêtres ouvertes, Editions La Boucherie Littéraire, 2017
19:36 Publié dans Scriptothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isabelle alentour, scriptorium
31 mai 2017
LA SCRIPTOTHÈQUE : quand les poètes ouvrent leur atelier
Ce soir, on inaugure…
Depuis sa naissance en 1999, le Scriptorium s’est défini comme un lieu-dit de poésie, ancré à Marseille, ouvert aux éléments, joyeusement inactuel. À travers les années, cet espace a été le point de rencontres et d’échanges entre poètes, artistes, lecteurs, passionnés de poésie.
Nous avons fait le pari insolite d’une habitation provisoire à réinventer à chaque rencontre. Nous nous sommes reconnus en « intermittents de la parole ». Et c’est ainsi que nous avons cheminé à plusieurs, d’une page à l’autre, en quête de beaux surgissements.
Peu à peu, nous nous sommes appelés « poètes de la coïncidence » pour dire ce qui nous anime : faire de l’instant-poème un « vin de vigueur » qui se donne et se reçoit, avec sa part irréductible d’imprévu rencontré.
Les années ont passé depuis la fondation du projet. Nous avons nommé nos actions à travers le temps « intervalles », « caravanes », « transcontinentales », « jumelages »…Quelque chose s’est dessiné sous le vent. Une génération des mots à ciel ouvert, de la circulation des énergies poétiques, un bonheur fragile à tenter à distance gardée des signes distinctifs et des cénacles d’exclusion.
Aujourd’hui, il nous a semblé opportun d’opérer une sorte d’arrêt-sur-image sur les voix présentes qui participent à la vie de notre aventure commune. Chaque auteur qui participe au Scriptorium a été invité à constituer une présentation de son travail, ouvrir un peu la porte de son atelier.
Grâce à Isabelle Alentour qui a piloté ce projet, nous avons pu nous mettre à l’écoute des œuvres en cours.
Le visiteur découvrira ainsi, d’une note à l’autre, quelques repères de notre Scriptothèque qui va s’enrichir peu à peu en contributions.
On n’est jamais assez attentif au mystère créatif qui opère en chacun. La Scriptothèque aidera à mieux voir comment bougent les mots ici et là. Sans ornements, sans préjugés. Dans la juste écoute.
Ce sera notre façon ici de redire la pratique à la table d’écriture qui a porté notre utopie dès l’origine : respirer en poésie, seuls et reliés.
Soyez les bienvenu-e-s dans ce nouvel espace du Scriptorium qui est le vôtre.
Dominique Sorrente
PS: Nous noterons avec plaisir que le tout nouveau Dictionnaire des écrivains marseillais de Olivier Boura (éditions Gaussen, mai 2017) mentionne le rôle du Scriptorium, "un effort, en somme, très réel et fécond, pour que la poésie ne s'absente pas de nos vies...la générosité comme mot d'ordre, et cette volonté de faire en sorte que la poésie, sans renoncer à ses exigences, garde droit de cité." (p368).
22:35 Publié dans Scriptothèque | Lien permanent | Commentaires (0)