19 février 2021
LES FEUILLETS DÉSIRABLES action Printemps des Poètes 2021 du Scriptorium Marseille
" Le matin comptait ses oiseaux, et jamais il ne se trompait" Supervielle (Montevidéo)
Le désir est une valeur rare, à revisiter dans la période actuelle...
À l’occasion du Printemps des Poètes 2021, et en route vers la Journée Mondiale de la Poésie, prévue le 21 mars par l'Unesco, les poètes du Scriptorium proposent une lecture de poèmes créés sur le thème du Désir. Ces poèmes inédits figurent en version écrite sur le blog de l’association : http://www.scriptorium-marseille.fr
Ils seront proposés en version audio sur la chaîne Youtube du Scriptorium
La rencontre à voix haute se fera le samedi 8 mars à 18h30 au cours de l’ÉPIQUE BISTROT que le Scriptorium propose chaque samedi soir, en visio-conférence, depuis novembre 2020. http://www.scriptorium-marseille.fr/archive/2020/11/15/l-...
Les personnes, non-membres de l'association, qui souhaitent participer à l’opération "Les feuillets désirables" sont priées d’adresser une demande par mail à l’association Le Scriptorium: poesiescriptorium13@gmail.com
Le nombre de participants est limité.
"Demain, promis, je prendrai tes désirs pour mes réalités". (Dominique Sorrente)
*
Ont participé à cette anthologie des Feuillets désirables:
COLINE MARESCAUX, DOMINIQUE SORRENTE, MARIE-PHILIPPE JONCHERAY, MICHA WAHIBA B., OLIVIER BASTIDE, MARIE GINET, GÉRARD BOUDES, MARC ROSS ...ainsi que DANIEL VINCENT et COLETTE PAPILLEAU pour les gestes graphiques
DÉSIR par Marie-Philippe JONCHERAY
Un souffle
un feulement
à peine murmuré
a suffi
à raviver ce brasier
qui couve
dans ton ventre
aussitôt dans les flammes
tu cours
te faire mordre
la nuque
femelle
soumise de plus belle
à ton ventre
tu perds le sommeil
tu perds l’appétit
tu perds la raison
tu te vautres sur l’asphalte fatale
à ton espèce
tu t’enfuis
oh pas loin
juste hors de portée
parfois tu reviens
en douce
efflanquée
écorchée
ventre creux
ton regard hier
si onctueux
est hébété
sauvage
et tu lèches tes morsures
adorées
mais bientôt tu seras pleine
et docile
pour une saison
pour un hiver
tu reviendras
au coin du feu
te repaître
te remettre
tu oublieras
un instant
le plaisir du ventre affamé
et tu mettras bas
douleur
et tu les nourriras
ceux de ta race
que d’un coup de griffe tu repousseras
dès que
feulements
peau frissonnante
narine dilatée
ventre en émoi
Marie-Philippe JONCHERAY
*
Depuis le plus lointain soleil, nous cheminons à pas d’enfant perdu. Nous l’oublions par précaution. Mais toujours nous revient, chape brûlante, notre fin. Si nous étions maître du temps, qu'en serait-il de nos désirs, de nos pleurs et de nos folies ?
OLIVIER BASTIDE
et la rêverie commence dans le fin fond de mon ventre
Déshabilles-moi
que mes os résonnent et s’entrechoquent dans le
battement de tes poumons
On me donne le feu,
et l’esprit flanche dans le marché des incertitudes
Embrasses- moi
embrasses-moi
que mes organes chantent et dansent dans le
tempo de tes viscères nouées
On me donne le feu
et les fluides s’électrisent dans les ruisseaux rouge de mes soifs inassouvis
Caresses-moi
que mes cellules goûtent et dégustent les pétales de tes appétits
encore inexplorés
On me donne le feu
et la rêverie ne cesse d’offrir ton visage
une saveur qui n’appartient à rien
un goût et une odeur de terre humide
là où les cimes se mêlent à l’extrémité de mes orteils
là où tout
tout
là où tout s’éveille.
Désirs
Nous sommes le rêve de notre propre rêve
Charme du mystère
une sève irrigue la lumière
chair
dans le sillon des nuits
« Tu dis désir et c’est la vie »
Offrande d’un frisson
palpite le sang
Et nous allons tremblants
sur la passerelle du vide
cueillir une aube
Boire un souffle à pleine bouche
la soif sous nos pas
pour le feu d’un songe
l’azur d’un jour
les chimères d’un futur
« Tu dis amour et c’est la vie »
Tendre
la main pour une caresse
un sein pour un baiser
un parfum pour l’ivresse
Brèves lueurs prémisses
sur un visage
un sourire
les corps insolents
vers quelques pas de danse
Pulsations sous la peau
à l’oreille
des impromptus sur l’océan
Éphémères instants
à la surface du temps
pour une goutte de miel
sur la langue
Promesses d’extases
échos d’un rêve
Micha Wahiba B.
Comme un arbre dans le ciel
Enfant,
je désirais l'instant présent,
la neige dans le jardin,
les métamorphoses du saule,
la complicité de Franck qui devait me voir comme un frère
et plus tard m'épouser
Une limonade au PMU avec ma tante qui jouait aux courses,
entourée de voix, de trognes inconnues, de tabac qui faisait tousser,
joyeusement dépaysée.
L’adolescence était le temps du désir sensuel infini, répétitif, obsessionnel,
un mantra sexuel qui devait me sauver du fadasse et du vide,
me préserver de l'étrange et vertigineuse conscience d'un monde
injuste, immonde et brutal
dans lequel ma salive et mes larmes n'avaient aucun poids
un monde où les camps de concentration perduraient, une dégueulasserie
Je ne rêvais ni fringue, ni bagnole, ni bijoux, ni babioles.
Je voulais me séparer, m'enfuir.
Adulte est un temps qui s'allonge,
on a vingt ans, puis trente et quarante,
L'Australie des rêves d'enfance est en feu.
Moi, nullipare revendiquée,
j'aimerais que les enfants de demain
connaissent les baignades en eau douce,
le chant des rousserolles et des courlis cendrés,
que les murs à migrants s'effacent
qu'on ait plus besoin d'étiquettes,
ni de cash, ni de clash
que l'humain soit plus clairvoyant,
les couilles moins belliqueuses.
À défaut, je voudrais demeurer poète dans les actes et dans les pensées
que la liberté que j'éprouve, dont je n'avais jamais rêvée,
s'agrandisse avec le temps
comme un arbre dans le ciel.
Marie Ginet
Le désir et l’envie
Le désir…
Le désir d’emporter le printemps avec moi
de faire naître la blanche rosée là où
le baiser promeneur se hâte sur vos lèvres
Celui d’un court poème dérobé à l’étreinte.
Que de jasmin offert à mes amis proches
et de vers murmurés à l’oreille du temps !
L’envie…
L’envie de voler vers les mers du sud
de former ailés avec les oies sauvages
en redonnant haleine tiède aux vents portants
Celle d’entendre aussi la viole de gambe
de Jordi Savall séparé du chagrin
un air prêt à sourire à l’insomnie profonde
Si les deux s’imaginent éclabousser la page
l’envie fait grand écart s’étonne encore de voir
Le désir se tenir sur la pointe des pieds.
Marc Ross - (Printemps des poètes, 2021)
Sur le Désir II
Dans le simple élément de feuillages effleurés, comme une onde fureteuse, la flamme se forme, furtive fontaine et naissance hésitante, lumière sans force à l’humus mouillé, accueillant aux semences endormies.
C’est parfois, une brise légère, un souffle évanoui, à peine levé. Une simple note.
L’appareil ainsi constitué semble s’exprimer au sein d’une complexité sans ordre apparent, chaos n’ayant pour origine que le hasard.
Il est cependant soigneusement calculé et produit un effet. Pourtant, celui-ci n’est pas celui qui était prévu.
La construction réelle n’est pas celle que le plan avait conçue.
D’une beauté, on dirait convulsive, elle vous prend par surprise et précipite au tapis toute envie de refus.
Vous voilà ainsi terrassé, sans pouvoir espérer de geste rationnel ou de pensée réfléchie.
Vous n’êtes plus qu’un objet attiré par l’aimant de quelque planète aux métaux scintillants et aux yeux hypnotiques que l’on vient subitement dévoiler comme phares dorés sous les cils alourdis de charbons promis à la braise du regard enjôleur, invitant à la poursuite légère et prometteuse de volupté.
Sous orbite, perdu de tout contrôle, il n’y a plus que le hasard de l’aventure. Sans espoir d’arracher ce moment aspiré mais sans parapet, il y a, on le sait, une joie qu’on ne peut qualifier, surtout si elle est interrompue par une insatisfaction, une déception de l’attente rompue, de la progression explosée en plein vol.
Et pourtant, quand un tel moment est exhumé des dépôts mémoriels, il y a, à le revoir, ainsi tiré de son sommeil, alourdi des poussières de l’oubli, un parfum qui ressort épuré de ses gangues plaintives et fielleuses.
Il ne reste, au moment du souvenir, que les couleurs heureuses du tableau exposé, chatoyant et merveilleux comme un rêve de petit matin tiède, paisible et vigoureux.
GÉRARD BOUDES
13/02/2021
POÈME POUR LA TRAVERSÉE DU DÉSIR SANS ESCALE
Tu pars avec moi, mon désir,
toujours un peu en avance.
Et moi, je tente de te rejoindre
et de passer à ta hauteur pour te voir faire.
Tu portes ton bric-à-brac, ton eau-de-vie,
tes maquillages, tes jeux de cartes.
On dirait que tu as faim de tout,
de femmes, de feuillages, d'averses passagères,
d'oiseaux sans nom avec leurs gloires miniatures.
Tu n'as aucune vue sur le monde, mais tu aimes
toutes les brèches, toutes les passes du vent.
Pourtant, je ne comprends pas bien qui tu cherches
au coin des rues.
Tes yeux malmènent mon ventre,
c'est la loi du genre.
Et tu repars déjà, mon désir,
tu repars toujours,
même à bas bruit,
vers un bout d'infini dont tu ignores le secret.
Je vois l'ombre que nous faisons ensemble
et je vois la clarté.
Et tout cela qui me dépasse d'une tête, au moins,
me fait signe que tu n'es jamais loin.
Tu te poses dans un creux.
Et puis, vite, tu sautes à nouveau
parce qu'une nouvelle journée se signale à l'entrée du port.
Dis, mon désir, dans quel état serons-nous à la fin de l'histoire ?
Quand arriverons-nous
ensemble
à la maison de l'heure bleue ?
DOMINIQUE SORRENTE
19:26 Publié dans Agenda | Lien permanent | Commentaires (0)
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