Que faire quand le moral est dans les chaussettes et qu'on ne retrouve plus ses chaussettes, quand l'agenda est lacéré de rayures, quand on s'énerve à compter le rayon de permission pour marcher en lonesome cowboy ou cowgirl ? Que faire surtout pour se relier quand les signaux de fumée semblent insuffisants?
Le Scriptorium a choisi une formule, l'Épique Bistrot, qui mérite une petite explication de texte.
Un Bistrot, en temps de confinement... Il y a bien sûr de la frustration dans l'air. Mais à tout prendre, sans charges fiscales ni sociales, ouvrir un espace de liberté, c'est déjà ça de pris.
Le premier rendez-vous a eu lieu le samedi 7 novembre entre 17h et 19h via Jitsi Meet. Une occasion de trinquer à travers les écrans, prendre des nouvelles, dire et écouter des poèmes...Ce jour-là, marqué de deux pierres blanches: l'anniversaire de Marc Ross et la victoire de Joe Biden.
Désormais, le rendez-vous est pris pour ceux qui le voudront. Pour le moment, cela se passe chaque samedi entre 17h et 19h.
Si un couvre-feu est imposé, les horaires seront modifiés. Chacun, chacune viendra, selon son désir, partager un moment avec les autres poètes du lieu.
Quant au nom "L'Épique Bistrot", il s'est imposé rapidement par le biais d'un désir de quelques scripteurs en demande d'une aventure poétique digne de ce nom. Oui, il y a quelque chose d'épique dans ce temps que nous vivons. Le temps des formalismes semble bien en panne. Les heures du vieux lyrisme réclament une métamorphose. Et si, dans les aléas de ce temps pandémique, les petites échappées narratives ne préfiguraient pas un rêve d'épopée...quitte à échouer en douceur au bord des comptoirs?
Alors oui, le Scriptorium s'invente ici son lieu "digital"pour favoriser un engouement par temps de mise en berne. Un "intervalle" (comme se nomment tous ses rendez-vous) à l'Épique Bistrot. Les premières frappes de la légende sont sous presse en décasyllabes. D'autres suivront. Chaque scripteur est invité à cette invention à plusieurs voix, dont voici les premières strophes...
14 novembre 2020
C'est au vingt-neuf montée de l'Oratoire
Que la petite a joint la grande Histoire
On y palabre on y délire et puis
À ta santé Blue Lagoon Pink Lady
Les scripteurs sont là humeur canapé
Accrochant leurs mots au bord de l'été
Ils ouvrent le temps carnets à spirales
Prêts à libérer des phrases bancales
Les guitares ne sont jamais bien loin
Revenues d'amours perdues dans les foins
On ne veut pas croire à la pandémie
Qui rend dans le soir les visages gris
L'un d'eux s'est levé pour une apostrophe
Sentant débarquer quelque catastrophe:
"Scripteurs d'aujourd'hui, ne faillissez pas.
Le sort des fées vous va plus que des rats! ...
Le reste sera notre façon de conjuguer au rythme des semaines. Que ceux qui souhaitent nous rejoindre nous fassent signe...on fera une haie d'honneur pour laisser passer leurs poèmes.
Commentaires
Sur le Désir II
Dans le simple élément de feuillages effleurés, comme une onde fureteuse, la
flamme se forme, furtive fontaine et naissance hésitante,
lumière sans force à l’humus mouillé, accueillant aux semences endormies.
C’est parfois, une brise légère, un souffle évanoui, à peine levé
Une simple note.
L’appareil ainsi constitué semble s’exprimer au sein d’une complexité
sans ordre apparent, chaos n’ayant pour origine que le hasard.
Il est cependant soigneusement calculé et produit un effet. Pourtant, celui-ci
n’est pas celui qui était prévu.
La construction réelle n’est pas celle que le plan avait conçue.
D’une beauté, on dirait convulsive, elle vous prend par surprise et
Précipite au tapis, toute envie de refus.
Vous voilà ainsi terrassé, sans pouvoir espérer de geste rationnel ou de pensée
réfléchie.
Vous n’êtes plus qu’un objet attiré par l’aimant de quelque planète aux
Métaux scintillants et aux yeux hypnotiques
Que l’on vient subitement dévoiler comme phares dorés sous les cils alourdis
De charbons promis à la braise du regard enjôleur
Invitant à la poursuite légère et prometteuse de volupté.
Sous orbite, perdu de tout contrôle, il n’y a plus que le hasard de l’aventure.
Sans espoir d’arracher ce moment aspiré mais sans contrôle, il y a on le sait,
une joie qu’on ne peut qualifier, surtout si elle est interrompue par
une insatisfaction, une déception de l’attente rompue, de la progression explosée
en plein vol.
Et pourtant, quand un tel moment est exhumé des dépôts mémoriels, il y a à le
revoir, ainsi tiré de son sommeil, alourdi des poussières de l’oubli,
un parfum qui ressort épuré de ses gangues plaintives et fielleuses.
Il ne reste, au moment du souvenir, que les couleurs heureuses du tableau
exposé, chatoyant et merveilleux comme un rêve de petit matin tiède, paisible et
vigoureux.