23 mars 2020
22 MARS: NOTRE RENCONTRE MORCEAUX DE BRAVOURE A BIEN EU LIEU sur SKYPE !
Nous l'avions promis. Ici ou là, notre rencontre poétique "Morceaux de bravoure" aurait lieu. Et nous avons tenu nos promesses. À 16 heures, comme nous nous y étions engagés, de petites vignettes sont apparues sur nos écrans de poètes. Nos écrans de solitude se sont soudain fractionnés en autant de présences, un peu à la manière de certains jeux télévisés...Tout un groupe de poètes, un peu comme des enfants découvrant un nouveau jeu possiblement "éducatif" mais à coup sûr récréatif! Nous nous sommes reconnus, découverts, retrouvés. "Consegnati al silenzio", comme le dit le titre du recueil de notre ami de Pistoia, Paolo Fabrizzio Iacuzzi. Reliés tous pour l'occasion.
Les poèmes sont venus d'Italie, avec Paolo Fabrizzio Iacuzzi, d'Allemagne avec Eva-Maria Berg, de différents lieux de Provence, et bien sûr, de Marseille, plus que jamais devenue ville de quartiers. Et puis, ce n'est pas le moindre de nos petits bonheurs de ce jour, nous avons écouté nos vétéran-e-s au téléphone partager une émotion, un texte avec les autres participants. Respect pour celles qui nous précèdent.
Comme nous nous en doutions, il y eut des manipulations hasardeuses, des brouillages technologiques par instant, mais aussi des moments insolites. Des paroles venues des intérieurs de chacun...des présences qui bougent et traversent les décors. Deux heures plus tard, la session Skype s'est achevée. En beauté, car chacun de sa lucarne portait un toast aux autres - verres et coupes dressés - pour trinquer à ces deux denrées si rares qui nous relient: Santé et Poésie! Comme on dit ailleurs: Pace et Salute !
Dès demain, nous repartons pour de nouvelles aventures au Scriptorium virtuel...
La poésie, ce sera toujours un peu cela: agrandir la vision de près.
Ou concentrer la vision de loin...DS
15:13 Publié dans Marseille Bateau Ivre... | Lien permanent | Commentaires (0)
22 mars 2020
CE dimanche 22 mars: NOS MORCEAUX DE BRAVOURE EN POÉSIE SERONT LES VÔTRES
C'était lundi dernier. Le 16 mars. Des enfants inconnus escaladaient le Bateau Ivre de Rimbaud, sur la plage du Prado à Marseille. Comme nous allions le faire, tous. Poètes du Scriptorium rassemblés ici...Aujourd'hui, 22 mars, nous nous embarquerons donc à distance, mais avec d'autant plus de ferveur sur cet étrange bâtiment qui dit des craintes et des espoirs, des désirs et des manques, des facéties et des silences lourds.
Ce sera notre temps pour les "Morceaux de Bravoure". Des poèmes vont être dits, lus, envoyés...Ce blog est la partie visible de ces élans qui font tant de bien en ces jours si étranges. Et bien sûr, nous faisons nôtre la solidarité intense avec les soignants, celles et ceux qui sont en "première ligne".
Dès demain, quand notre temps de ce Dimanche sera achevé, nous proposerons d'autres canaux de rencontres. Pour que le Scriptorium soit ce pour quoi il est fait: un "lieu-dit de poésie" en toute circonstance. Bon Dimanche, en morceaux de bravoure à tous et toutes ! Dominique Sorrente
***
C'était hier, au retour de ma sortie brève. Une fleur imperturbable, sans personne à l'entour. Confiante. Là à sa juste place. Jouant sa partition de solitude. Je l'ai prise en photo, comme on applaudit la beauté vivante. Juste pour me souvenir de cette présence incomparable. Un "morceau de bravoure" de la nature, défiant tous les malheurs du temps...Dominique Sorrente
***
RÉSISTANCE
est une femme
dont la terre est en feu
PERSÉVÉRANCE &
DÉTERMINA TION
sont ses filles
elle est une mère palestinienne
qui lègue à ses enfants un héritage de guerre avec des armes et ses larmes
pour se battre
elle est une femme noire drapée de satin pourpre
qui erre sur une route
et ne permet que l’on vende que les vêtements qu’elle porte
RÉSISTANCE
est la femme « native »
absente
qui mourut dans les mains d’un artiste blanc qui vit en elle
pendant qu’il prospère en moi
RÉSISTANCE
est une enfant
qui témoigne de la mort de sa mère et espère survivre peu importe où mais cachée
elle est une femme battue avec haine par l’homme qu’elle aime
qui décide de se sauver
pour un monde où le toucher est sacré
elle est une femme mise à l’écart
par les barbelés entourant sa maison qui cherche un moyen de s’évader quelles qu’en soient les conséquences
Connie Fife,
Cree Canadian poet (1961-2007)
***
JE VEUX JE DOIS IL FAUT QUE JE SORTE D’ICI
sortir
sortir vite
sortir par la porte de secours des mots
sortir de cet espace
d’air
sortir de cette cage
d’air
sortir de ce corps
d’air
sortir vite
par la porte de secours des mots
dire autre et que l’autre se révèle dire nuage et que le nuage éclate dire pluie et que la pluie explose
il faut
que je persiste
à dire
il faut
que je continue
de parler
pour pouvoir ainsi bâillonner ce battement incessant et faire taire cet autre qui toujours me conteste m’assiège m’encercle et me crucifie
dans le vide seulement
sans
fixité
immobile
parallèle
sortir vite
par la porte de secours
dire mot
et que celui-ci s’ouvre comme un fruit
manger son noyau
dire eau
et que mon âme s’envole comme un oiseau
boire son chant
dire aile
et déployer mes plumes dans le souffle du vent dire amour
et que l’amour se dessine dans le silence du ciel
JULIE LAFAURIE
(d’après un poème de Pilar Gonzales Bernaldo de Quirós )
Ode au Poète
Tout au dessus des arbres il danse dans la nuit
Alerté par les anges sur cette épidémie
Ses semelles de vent l’emportent à l’infini
Sur le monde en colère et sur les cœurs meurtris
Dans les villes les campagnes il fallait réagir
Terre et mer des frontières il fallait s’en sortir
Qu’un virus nous rappelle qu’il fallait s’affranchir
De ce monde inique était à mourir de rire
Sur les dunes du temps et les jardins d’été
Les étoiles une à une il va les rallumer
Le poète magicien et le monde arroser
Et sur le cœur des hommes une fleur va pousser
Fallait-il une crise pour que le monde change ?
De toutes les époques la vie est bien étrange
Emmanuelle Sarrouy
Marseille, 21 mars 2020
***
JUGEMENT
Attendu que les soignants dénoncent depuis des mois la précarité de leurs conditions de travail ;
Attendu l’ordinaire de 20 heures de travail d’affilée pour nombre d’entre eux ;
Attendu les heures sups, les week-ends et les nuits à peine payés ;
Attendu qu’ils sont malgré ce contexte toujours restés fidèles à leurs postes au lit des malades ;
Attendu leur dévouement sans faille à leurs frères, leurs sœurs humaines ;
Attendu leurs sourires, leurs petits mots d’encouragement, leurs gestes de soutien ;
Attendu le réarmement permanent de la finance alors que le désastre grossissait dans l’ombre ;
Attendu le lâchage du service public par l’état ;
Attendu la restriction réitérée des budgets alloués à la santé par nos gouvernements depuis vingt ans ;
Attendu la malhonnêteté de notre président qui affiche aujourd’hui la santé comme priorité après avoir organisé avec méthode et acharnement la casse de l’hôpital, de l’université et de la recherche ;
Attendu qu’une ministre de la santé déclarait fin janvier qu’évidemment le virus resterait à Wuhan et qu’il n’y avait aucune chance que nous en voyions jamais la couleur ;
Attendu que voyant la catastrophe se profiler, cette même ministre a quitté son poste en rêvant d’un avenir plus prestigieux ;
Considérant la vision des files de camions de l’armée italienne transportant les cercueils des victimes ;
Considérant qu’il y a comme un air de Tchernobyl dans l’air ;
Considérant la pénurie actuelle et pourtant prévisible de masques pour les médecins hospitaliers, les internes, les externes, les infirmiers, les aides-soignants, les ASH, les assistantes sociales, les diététiciennes, les psychologues, les kinés, les dentistes, les médecins généralistes, les ambulanciers, les brancardiers, les techniciens de laboratoires ;
Considérant que le gouvernement a informé les soignants qu’une infection au coronavirus ne sera pas reconnue comme maladie professionnelle ;
Considérant le vol de 20000 masques dans les stocks d’un hôpital marseillais et de 30 000 dans un hôpital montpelliérain ;
Attendu les larmes de ma collègue infirmière terrifiée à l’idée de ramener le virus chez elle et d’infecter son mari âgé très malade ;
Attendu ma collègue thérapeute qui coud elle-même des masques à la chaîne avec du tissu de récupération ;
Attendu ma collègue infectée et hospitalisée pour participer à l’essai clinique à la chloroquine ;
Attendu mes collègues cloîtrés de frayeur dans leurs bureaux ;
Attendu la tension et l’angoisse ;
Attendu la peur dans le regard de mes collègues médecins et infirmiers mis en repos chez eux avant de revenir affronter le gros de la vague ;
Attendu que dans ce contexte, les médecins vont devoir assumer la responsabilité de choisir entre deux vies en fonction des chances de survie de chacun – s’ils ne sont pas fauchés eux-mêmes avant ;
Attendu les patients qui vont mourir dans les pires conditions qui soient, je veux dire dans la solitude ;
Attendu qu’en cette année 2020, le thème du Printemps des poètes est « LE COURAGE » ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait besoin de statuer ou tortiller plus que cela,
JE DECRETE QUE MES COLLEGUES SOIGNANTS EN POSTE SONT LES PLUS GRANDS POETES DE TOUS LES TEMPS
Isabelle Alentour
Il y a des mots que les pierres n'ont vraiment pas envie d'effacer. D.S.
12:28 Publié dans Marseille Bateau Ivre... | Lien permanent | Commentaires (0)
21 mars 2020
J-1 DE NOUVEAUX POÈMES DE BRAVOURE pour le SCRIPTORIUM
Les Bulle de Charlotte
Mardi 10 mars 2020 – Bulle de 8h35
Eu égard à vos regards
Mon idéal se porte bien
Eu égard à vos blessures
Mon idéal se porte bien
Eu égard à votre vacuité
Il germe et bourgeonne
Sans maux dire
Jeudi 19 mars 2020 – Bulle de 23h57
Des egos se promènent
Et se brisent sur la jetée
Du ressac à l’hymen
Un semblant d’éternité
Jeudi 19 mars 2020 – Bulle de 15h12
Comme un très long dimanche
Coloré d’une pointe d’appréhension
Des jours et des nuits arrogantes
On lui fait la nique
Gueule de bois virale
Épaules basses et jambes coupées
Brava brava la commedia
Vendredi 20 mars 2020 – Bulle de 22h23
Des germes combattants
Musique et inflexions de voix
Tout est bon pour tuer le temps
Printemps par-ci
Printemps parla et dit
Sauvez ce qui reste
Sauvez ceux qui restent
Charlotte Hamer
Luynes, mars 2020
ROUGIR VOS ÎLES
Le vide m’aspire
l’orage des marées met du chaos
les filles folles n’ont plus peur des loups hissés dans la mémoire épaisse des eaux
brumes et marais de leur visage
bel or, ouvre un bouquet de bruyère allume les peintures
relève
tes jupes sur l’alphabet de tes marines tes langues tes lèvres écumeuses
je sèmerai tant de mots au livre des pages brûlées
sur mes savoirs distincts la mer étale ses fers sa roue s’emmêle
au soleil et aux morsures d’oiseaux lassée des berceuses
des abîmes
et ils porteront mes yeux
sur leur poitrine
et une hache sur leur cou
car l’homme doit mourir deux fois.
Henri Tramoy
***
Au carnaval de la vie
avait-on besoin d’
un / virus meurtrier
pour nous rappeler
au chant des marées
à la douceur du
printemps naissant
au rythme des sirènes et
des matins dorés ?
avait-on besoin d’
un / virus meurtrier
dans la grande gueule
de la vie effrénée
pour amorcer le virage
en plein accéléré
poser nos points de suspension
en toute sidération ?
avait-on besoin d’
un / virus meurtrier
pour enfin respirer ?!
à Venise on rejoue le lac des Cygnes
la danse est belle et effrénée
d’un air de rien accompagnée
dans les miroitements de la lagune
sans un paquebot à l’horizon
sans ces touristes et leurs avions
commedia dell’arte dans les rues défigurées
commedia dell’arte dans les rues réanimées
commedia dell’arte de tout un peuple abandonné
mais les nantis ont-ils seulement compris
ce qu’est / le carnaval de la vie ?
Emmanuelle Sarrouy
Marseille, 21 mars 2020
IL N'Y AVAIT RIEN À DIRE...
Il n'y avait rien à dire, ce courage il m'avait manqué et il me manquerait chaque fois que je respirerai cette même odeur ...l'odeur des ports croupissants sous des soleils d'acier, l'odeur du poisson pourri et des coquillages en voie de putréfaction.
bigorneau vide la déception du crabe privé de repas
Le matin de la mort de mon homme dans son lit auprès de moi, sont venus dans l'heure qui a suivi d'abord le fidèle infirmier qui s'était occupé de lui durant ces longs mois d'agonie et de souffrances intenses, puis le cercueil et dans la journée ont afflué des dizaines de ses amis qui se sont succédé , 4 jours durant, avant que l'on puisse procéder à sa crémation.
Comment n'ai-je pas compris dès le premier regard, plutôt l'absence de regard, comment n'ai-je pas compris qu'ils voulaient tous ma destruction ? Pourquoi ai- je continué à croire qu'il pouvait en être autrement ? Il fallait que je disparaisse, que je n'existe plus; l'unanimité en avait décidé ainsi.
Pendant des semaines j'avais servi de bouclier pour les empêcher d'approcher, celui qui, moribond, refusé tout contact avec les autres... Mais peut-on en vouloir à un mourant ? Peut-on imaginer que cette personne festive et généreuse puisse désirer mourir sans ceux avec qui elle avait bringué toute sa vie ?
Pour ces gens là, il était impensable, que n'étant plus que l'ombre de lui-même, tordu de douleurs inimaginables, il puisse désirer une seule chose: vivre ces derniers moments entouré des deux seules personnes comptant pour lui, son frère de lutte et son dernier amour.
Nid de buse dans le rocher des collines une place pour deux
Douze mètres carrés de salon de cette minuscule maison perchée sur la colline, Son cadavre au milieu. Des ombres allant et venant nuit et jour. La froideur étincelante des ciels d'hiver.
L'odeur de sa dépouille mêlée au parfum épicée d'une bougie Ma tristesse dans l'écho de leur brutalité. La violence d'une indifférence froide. La force de la vengeance d'un groupe.
Et les heures s'ajoutant aux heures , les jours après les jours. L'oppression se mua en hallucinations. La faucheuse sur mes pas Je délirais seule parmi ces visages qui avaient été mes amis.
Par-dessus l'épaule le scintillement fugace de la Mort
Fuir la silhouette des fantômes. Leur laisser son corps en pâture. Ce cercueil ouvert aux hyènes affamées. Laisser derrière soi les ténèbres. Sortir de cette obscurité. Mon travail était terminé. Lui n'était plus rien, une enveloppe en train de pourrir dans une odeur de mer en décomposition. Le courage m'a manqué, j'ai cru que la bravoure était de rester. Ils m'ont mis en pièces et se sont acharnés. Violenter la vivante, ils étaient tous d'accord et jusqu'au soir de la crémation alors que tu n'étais plus que cendres ...
.. Le courage m'a manqué...
Oies sauvages par-dessus les tuiles la nostalgie des beaux jours
CLAUDINE BAISIÈRE
Le 20 03 20 COURAGE
19:48 Publié dans Marseille Bateau Ivre... | Lien permanent | Commentaires (1)