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28 mai 2018

26 mai 2018: AU PAYS DES MANGE-COUCOURDES, QUAND LE VILLAGE DE ROBION SE FAIT POÈME

 

entre jasmin et chévrefeuille.jpg

portalet.jpg

 "Au petit matin

le petit jour s'est exilé dans sa propre lumière

comme un astre de misère dans la plaie de sa courbe

 

la lune a poursuivi son parcours nuage après nuage

                                         dedans-dehors

                                         de jour de nuit

                                         ici là-bas

                                         devant et toujours devant

                 entre le silence de la pierre et la fragilité de la fleur"

Gabriel Mwènè Okoundji, Monologue d'un mortel in Vent fou me frappe (fédérop, 2003, 2010)

 

Robion n’est pas « village en poésie » pour rien. Le Printemps des poètes a vu juste en soutenant cette localité et ses habitants dans le désir de partager les mots de mille et une manières.

 

Ce samedi, à Robion, au pied du Luberon, c’était donc Journée poésie pour tous. À l’invitation de l’association Robion & ses passeurs de mots et de la médiathèque intercommunale Luberon Monts du Vaucluse, Dominique Sorrente et le Scriptorium avaient été conviés pour apporter quelques pierres à feu de plus à un parcours fait d’étonnements et de partages.

 

orchestre halilitar.jpg

Lors de la matinée, le poète marseillais s’est livré à une performance originale baptisée « lecture kaléidoscope ».

Cette pratique sur scène ( en cohérence avec son œuvre faisant coexister plusieurs registres d’écriture)  prend le parti de conduire l’auditeur d’un angle de parole à l’autre. Exercice de déplacement pour renouveler l’écoute, la perception. Un peu comme on visite les pièces successives d’un lieu inconnu. Ou comme on voit surgir des scènes superposées dans un rêve. Et cette forme de lecture innovante a été vivement appréciée par le public attentif accueilli à l’étage de la médiathèque.

 guimbarde copie.jpg

A partir de deux espaces, debout derrière un pupitre et assis à une table d’écriture, l’auteur de « Les gens comme ça va » et de « B comme Bran »  a alterné les tonalités et les gestuelles à voix nue ou porté par des instruments divers, tels qu’une guimbarde, un halilitar, une guitare, un harmonica.. Et même une raquette et une balle de ping-pong…poème adressé.jpgLe public a pu ainsi  se laisser surprendre et émouvoir aussi bien par des formes méditatives comme dans le Rebord du monde de « C’est bien ici la terre », que dans le jeu d’une écriture adressée, à la frontière de la formulation magique « comme on tire les cartes ». Gravité et rire, d’un même tenant. On n’oubliera pas non plus le versant en chanson de plusieurs titres de l’auteur-compositeur dont les Ivre vivants ou Mon amazone. Plus d’une heure 15, à rythmes et rebondissements, où chacun a eu l’occasion de sentir l’engagement vital du poète dans les recoins de la réalité vécue.

 Jacques et Janine.jpg

Après un repas partagé à la médiathèque, propice pour faire connaissance, la rencontre s’est prolongée sous la forme d’une Caravane poétique dans les rues de Robion. Sur le thème de « l’entretemps », les participants ont eu l’occasion de partager leurs lectures, et d’écouter le récit des lieux donné par Jack Rey et complété par les anecdotes de certains habitants. Halte à la pompe, « haut lieu de la disette », puis on emprunte les calades, entre jasmin et chèvrefeuille. Le portalet, à l’entrée du village fortifié. Une halte sur les hauteurs où le désir d’être hors-temps fut avoué…puis la scène finale au théâtre de verdure. Là même où la veille, au soir, le footballeur de la légende de 98, Lilian Thuram avait partagé ses convictions avec Michel Wieworka pour éduquer contre les mécanismes de racisme et de domination.lectrice.jpg

 

Les fesses posées sur un peu de fournaise, on eut loisir de jeter un œil envieux vers les escaliers inaccessibles qui mènent à la source, imaginer cette version locale des chutes du Niagara.

 

 

« Je vais faire dégringoler la montagne »  lança un téméraire.

assistance.jpg

 

Les mots des poètes se sont réfugiés ensuite au café au centre du village. Une façon de récapituler la moisson du jour, faire provision de conversations sur l’’état du monde ou la rondelle de citron ou les hésitations du ciel à lâcher la pluie.

 

On apprit que les habitants de Robion se faisaient appeler au temps des papes du Comtat les mange-coucourdes.

 

Passeurs de mots ou lézards amoureux, caravaniers ou kaleidoscopeurs, les poètes ici n’ont pas fini de se donner des surnoms pour se tenir l’âme forte. 

 

Tant pis, tant mieux, à la grâce du temps…

 

 

                                                         Anne LOFOTEN

 

traces de marche.jpg

 

                                                                   * 

              Quelques poèmes emportés dans la caravane poétique

sur le thème de l’Entretemps

 

Il est un point où tout s'annule et se suspend, comme un souffle.

Il y a des tiroirs dans l'armoire du temps.

Astronautes de la Venise marchande,

Anonymes enchâssés dans la boue de Verdun,

Ivres à nouveau

Descendre les vastes steppes du temps dans l'étirement d'une seconde

Comme la boule de matière en fusion

Au bout de la canne du verrier.

 

                                        Jeanne Nathan

                         (extrait de Du chant dans les arbres, L'harmattan, 2017)

 

                                                              *

 

Entre chien et loup

plongent les goélands

les ombres folles

charrient le vent nocturne

j’ai une fleur de sable

sur la tempe

une écharde dans ma pupille

ce que les lèvres humectent

je me le demande

et pourquoi l’écume est si rouge

 

                            Leonor GNOS

 

arrtisan de rue.jpg

 

extraits de:

TANT DE VENT NEGLIGE – SO VIEL WIND UNGENUTZT

 

noch etwas landschaft

bitteschön

sie vorzuführen

schmilzt das eis

und tüncht die segel

um zu erspüren wie

sommer aussieht

uferlos dem garten

eden abgeschaut

eine palette bunte

tuben als gingen

nie die farben aus

 

encore un peu de paysage

s´il vous-plaît

pour le présenter

la glace fond

et blanchit les voiles

afin d'imaginer quel air                   

a l´été     

sans bornes copié

de l'Eden

une palette de tubes

bariolés comme si les

couleurs ne finissaient jamais

 

(p.26-27)

 

 

so viel wind

ungenutzt

die menschen

nicht fähig

zu fliegen

die häuser

verankert

niemals

zu versetzen

die energie

zu belastet

sich in luft

aufzulösen

doch die augen

ein leichtes

sie mitzureißen

wohin auch immer

        

tant de vent

négligé

les hommes

incapables

de voler

les maisons

ancrées

jamais

à déplacer

l´énergie

trop polluée

pour se dissoudre

dans l´air

mais les yeux

il est facile

de les entraîner

n´importe où

 

(p.44-45)

 

EVA MARIA BERG 

traduit en collaboration avec Max Alhau,  Editions Villa-Cisneros, 2018

 

 

café gourmand robionnais.jpg

                                                                      *

 

Dans les pages du journal, le temps s’effrite,

glissent les péripéties

aux réponses verrouillées.

 

Tu appelles au secours les fenêtres.

 

Opiniâtre au-dedans,

le feu sacré

travaille.

  

                          *

 

Droit de marcher à contre-époque,

de fréquenter l’inactuel.

 

Droit de laisser le vent ruer

dans les brancards.

 

                                   *

 

Quant ton oreille sera devenue souple,

 il te suffira d’une ritournelle

pour t’affranchir des pesanteurs.

  

                                   Dominique Sorrente

 

                           ( extrait de Comme on tire les cartes , inédit)

 

poème adressé.jpg

ROBION.jpg

 

 "Assis dans la forêt, j'observe la montagne. L'aube

est calme. Avec l'aide du clair

de lune

mon regard

flotte au sommet des arbres. Leur feuillage

perce le ciel serein qui libère

les souvenirs de mon enfance. Enfin

ma pensée trouve refuge

dans un étang de quiétude

 

le cheminement vers la tranquillité de l'âme

est donc chose possible

 

je me lève

rassuré de cette illumination des aurores dans mes yeux

et à nouveau je marche

au rythme de mon cœur, dans les dimensions du monde"

Gabriel Mwènè Okoundji, L'aube est calme in Prière aux ancêtres (fédérop, 2008)

 

                                                                  ***

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14 mai 2018

Journée Poétique à ROBION (84) ce samedi 26 MAI 2018

Page carnet.jpgimages.jpgune caravane peut en cacher une autre.jpg

    Les Passeurs de Mots et la Médiathèque de Robion invitent Dominique Sorrente et l’association le Scriptorium pour une journée particulière en poésie.

 

Une suite poétique rythmée en trois temps: dans le Luberon.

 

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11h : Lecture-performance à la médiathèque de ROBION

 

Dominique Sorrente, poète vivant à Marseille, auteur d’une vingtaine de livres, propose ici une lecture de textes issus de ses livres récents Les gens comme ça va (Cheyne), B comme Bran (sonodrame Le Scriptorium), et également de textes pour la voix haute aux registres variés. Cette lecture performée aux angles inattendus mêle explorations sonores, instruments, mots chantés, murmurés, toniques. Une palette d’émotions à partager, le temps d’une promenade avec différents univers de ce poète au lyrisme joueur.

 

 12h30 14h : Pique nique partagé

 

14h30 - 16h :  « L’entretemps »  - Déambulation poétique organisée par le Scriptorium dans le Vieux village -  5 haltes sur le thème du temps.

Dans la déambulation poétique, les mots sont proposés par les promeneurs comme on butine sur les bas-côtés du chemin. À  chaque halte, les participants sont invités à proposer des textes personnels ou issus de lectures d’auteurs sur le thème du temps      ( celui qui qui passe, celui qu’on trouve ou qu’on lâche, temps rêvé ou sauvé…).

 

Une démarche buissonnière en petit groupe avec les mots à ciel ouvert.

 

Départ: Médiathèque de Robion

La rencontre est gratuite et pour tout public

 

Inscription souhaitée avant le 23 mai à: poesiescriptorium13@gmail.com

 

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04 mai 2018

CARAVANE POÉTIQUE: CRÉER LA LÉGENDE ÉPHÉMÈRE –

 

Une proposition conjointe du Scriptorium & Pierre Sèche en Vaucluse-

dans le cadre de la manifestation "Trace de poète"

 

 

Samedi 21 avril 2018

La caravane des poètes partait en déambulation  sur les chemins pierreux de St Gens dans le Vaucluse… pour un fécond dialogue entre l’eau et la terre, thème choisi de cette rencontre.

 

 

« L’eau est douce et ne bouge

Que pour ce qui la touche »

Paul Éluard, Poisson

 

 

« Toi aussi tu prendras place parmi les illustres fontaines,

quand j’aurai chanté les yeuses qui couronnent l’antre

d’où jaillit ton onde au doux langage. »

Horace, Ode XIII – À la fontaine de Bandusie

 

 

 LIRE SUR LE PARVIS.jpg

Les « caravaniers de l’éphémère » s’étaient donné rendez-vous à St Gens, entre histoire et présent, entre ombre et lumière, entre eau et sécheresse… s’étaient dans un petit coin du monde abrités, en dehors du temps, faufilés !

 

Un joli partenariat culturel désormais rituel au cœur de la nature en éveil.

D'un côté, l'association Pierre sèche en Vaucluse qui connaît les paysages comme personne; de l'autre, les preneurs de parole qui trouvent dans leur besace des mots, des textes. Devant eux, une légende éphémère à écrire...

 

Parcours ouvert par Olivier Bastide, ponctué par ses mots joyeux, fort à propos, et autres interventions poétiques entre arbres majestueux, pierres chaleureuses, anfractuosités secrètes, cueillettes d’asperges et autres brocolis.

 

Ils étaient partis sur les traces de St Gens, des légendes du loup et de la fontaine miraculeuse… entre eau et sécheresse… Avant de se réunir sur le parvis de la chapelle où les voix s’interpellaient en écho, et de poursuivre en échanges de victuailles et quelques bons mots choisis …

 

Le groupe caravane.jpg

 

Oui, la pérégrination a bien eu lieu en plein cagnard d'avril. Une vraie CARAVANE poétique, telle que nous l'avions désirée, incalculable d'avance, partageuse, mettant au rencart "l'entre-soi", pariant sur les mots apportés ou reçus par chacun et sur l'invention d'un pas devant l'autre. D'une oasis à la suivante. Avec ce qu'il fallait de torpeur, d'explorations sur la molasse, de bifurcations du temps, de paroles jouant à l'écho sur le parvis, et même de frayeur... avec un impromptu de moutons sauvages fendant le sentier des poètes-randonneurs… jusqu'à en renverser !

 

Entre bories, demoiselles coiffées, miracles du saint lanceur de pluie et tablée de retour "out of control", une Caravane à entrées multiples, portée par le Scriptorium, au cœur du festival Trace de poète, et avec le bon génie de l'association Pierre sèche en Vaucluse.

 

Saint-John Perse l'avait annoncé: "Quand la sécheresse sur la terre aura tendu son arc, nous en serons la corde brève et la vibration lointaine..."

 

Et l'eau ne fut pas en reste pour le dialogue polyphonique.

 

Car pour mieux affronter le monde (sa rudesse et ses tempêtes), il faut parfois savoir s’en éloigner. Retourner à la source…

 

Ce fut encore un grand moment

Le lieu ne sera pas perdu

Pas plus que ne le seront les instants

D’une eau jaillie à notre vue… »

 

Gérard Boudes

 

 

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Prochains rendez-vous à noter dans vos agendas :

 

- 26 mai 2018, Médiathèque de Robion : 11h lecture/performance de Dominique Sorrente & 15h déambulation poétique sur le thème « l'entre-temps  »

- 23 juin 2018, Parc Borély-Jardin Japonais : sieste poétique

 

 

MOUTONS SAUVAGES.jpg 

 Poème à l’eau claire

 

Incolore, inodore et sans saveur,

 

Il s’assoit et devant ce papier tout blanchi

 

Il ne peut rien écrire et n’a rien dans la tête.

 

C’est ainsi que le vide cerveau s’affranchit.

 

Incolore, inodore et sans saveur.

 

 

Et comment peut écrire un matin, un poète

 

Incolore, inodore et sans saveur ?

 

 

 

De n’avoir rien à dire

 

De n’écrire d’une encre sans couleur,

 

A jailli de ce vide, ce petit filet d’eau,

 

Qui serait paraît-il de l’inspiration.

 

Incolore, inodore et sans saveur.

 

 

Gérard Boudes, Saint Gens 21 avril 2018

 

 

 

                                                                                                                       Anne Lofoten