LES IMPROVISATIONS DE MARS
Le pari du Scriptorium est double : faire que la vie poétique contemporaine excède la page ; susciter des surgissements de sens à plusieurs. C’est ce goût de l’instant « à part » qui nourrit nos élans, toujours à reprendre, où nous revendiquons la salve de l’éphémère, et la mémoire de la trace. Un rêve de « kairos », en somme, une occasion qu’il faut saisir à temps, pour que chacun participe à l’acte poétique levé de terre. Avec pour maître mot, celui d’Improvisations poétiques.
Ce 19 mars a été l’exemple avéré d’une telle démarche, rythmée en cette saison 2010-2011 par l’évocation des éléments. Clin d’œil de la météo, après la pluie de la Saint-Valentin, c’est le mistral qui s’était invité pour éprouver notre embarcation de plein air.
Un instant Bateau ivre Spontané est né sur un promontoire de la plage du Prado, un de ces éphémères poétiques, vécu à plusieurs, pour défier les habitudes. Comme un poème vivant à dessiner dans la fortune d’une rencontre désirée, entreprise, vouée à la dispersion des heures et gardant les rares témoignages des images et des mots.
Le moment en trois épisodes a conduit le groupe, huit heures durant, entre Bateau ivre et Infinis paysages du bord de mer au centre-ville. Ce fut d’abord le temps des semelles de vent, où sur le monument Rimbaud d’Amado furent distribués au vent les poèmes à plusieurs voix dans une pratique « chorus » où le mégaphone relaya les toniques vibrations des lecteurs. Le poème rimbaldien fut dit, entre autres plaisirs pour l’oreille, par Thierry Offre en langue occitane de Provence.
Plus tard, le Med’s, nouveau restaurant culturel à Marseille, dans le quartier des Antiquaires, fut le nouveau comptoir inédit et favorable pour écrire une lettre à Arthur, sous la forme d’un atelier d’écriture éphémère, puis croiser textes des scripteurs avec les mélodies des musiciens du lieu, venus à notre rencontre.
Enfin, la salle Tempo-Sylvabelle permit de prolonger le voyage en infinis paysages, thème du Printemps des Poètes, mêlant facéties inventives tirées du chapeau, à l’invitation du groupe d’Histoire d’écrire, et géo-poétique de l’instant avec ses paysages ingouvernables.
La journée avait été placée sous le signe de l’Ibis, cet échassier au bec en forme de plume d’écriture, dieu du scribe chez les Egyptiens. Une manière de relier le hasardeux et le signifiant, l’art de l’envol et la déposition des mots.
Une signature de coïncidence à poser au bas de la page de ce jour de mars.
D. Sorrente