"à l'heure des liqueurs roses qui moussent sur le comptoir…"
On peut vous le dire maintenant : pour une AG réjouissante, c'en fut une... au milieu d'une collection de nouvelles rabat-joie, nous avons sauvé à Marseille un moment de poésie partagée. Sous le signe de la Pink Lady solidement frappée et du Vacherin gourmand, nous avons, une fois de plus, fêté les 20 ans du Scriptorium... Une paille... Et le pire, ou plutôt le meilleur, est que ça va durer jusqu'à la fin de l'année...
L'AG fut l'occasion de rendre hommage à Frédéric Jacques Temple disparu le 5 août. Dominique Sorrente évoqua avec émotion le parcours du poète ami -parcours ayant aussi entre autres croisé les route d'Henry Miller et de Blaise Cendrars…-, rencontré au temps de la revue Sud. Il lut le poème "Merry go round" et présenta le dernier livre de Temple, "Par le sextant du soleil" (éditions Bruno Doucey).
Puis vint la rétrospective de la saison écoulée, autrement appelée le rapport moral. Une saison vivante, où les Morceaux de bravoure ne manquèrent pas en dépit des vents contraires.
Sophie Leenknegt enchaîna avec le rapport financier. Les comptes sont solidement équilibrés, merci pour eux et pour nous.
Après l'adoption des deux rapports, vint la présentation des projets de la nouvelle saison 2020-2021. Temps forts liés à chaque saison ( pique-nique marin, veillée, caravane, sieste poétique...), nouveau projet "portrait-vidéo-poème" lancé par Emmanuelle Sarrouy, blog, mise en route d'une chaîne youtube... évocation du projet de scène ouverte en extérieur pour le Printemps des Poètes du Désir... atelier expérimental de poésie chorus, atelier d'écriture du sourire... et collaborations diverses et variées à poursuivre, entretenir, initier…
La rencontre s'ouvrit ensuite aux lectures et prises de voix des uns et des autres. Des poèmes de Marie-Philippe Joncheray lus par l'auteure à ceux de Christian Bobin dits par Charlotte Hamer et Robert Trinh, ceux d'Adonis dits par Wahiba Bayoudia, en passant par la création "Pink Lady" d'Emmanuelle Sarrouy, on voyagea entre chien et loup, monde d'arbres et digue du large... On n'oubliera pas les absents dont les poèmes ont fait signe, Eva Maria Berg, Olivier Bastide, Laurence Verrey...Et cette halte inattendue au bar Au Quincampoix, poème de Marc-Paul Poncet mis en musique et interprété par Dominique Sorrente.
Les 20 bougies furent ensuite soufflés sous les lampions.
Puis on fit tourner les poèmes autour de l'acacia.
Signe de lancement d'une saison qu'on espère féconde, heureuse, pleine de débords et de réjouissances.
Et parce que rien n'est meilleur au Scriptorium qu'un geste prononcé en commun, rendez-vous est pris pour le samedi 26 septembre. En bateau, à l'embarcadère du Vieux-Port pour expérimenter la "pratique de la traversée"...
Dream Of The Pink Lady
Le rêve de la Dame Rose
La Dame Rose rêve
De flamants oranges
D’éléphants étranges
De lutins verts
La Dame Rose met
Du rouge sur ses ongles
Pour effacer les cauchemars noirs
Et pour reprendre un peu d’espoir
Pour ralentir le temps
Et rallumer la flamme du monde
La Dame Rose s’arme
Du rouge des peuples en colère
Enfile blue jeans et gilet jaune
Et puis métamorphose
Au fil des heures et de la prose
S’en va cueillir des roses
Et quelques bouquets de larmes
De bonheur sur la table dispose
La Dame Rose de fêter est fière
Malgré ce monde morose
Son vingtième anniversaire
Marseille, samedi 12 septembre 2020
Emmanuelle Sarrouy
Au Quincampoix
Qui fait quoi avec qui
Et que dit-on de moi
Voilà toute la vie
De celles qui sont là
Elles t’avaient promis
Le paradis pardi
Mais au bout de tout ça
Il n’y avait que toi
Car au fond des miroirs
Est-ce bien elles ou pas
Qui se donnent à voir
Dans des dessous en soie ?
Quand la nuit soliloque
Au fond du bar loufoque
Le blues du « Quincampoix ».
Triste et beau à la fois...
Marc Paul PONCET
*
la peur le désir et la forêt
promenons-nous dans les bois
pendant que le loup n'y est pas
si le loup y était
il nous mangerait
- cours forêt – pieds nus sur la terre – dans le ventre les feuilles mortes – chair en putréfaction – métamorphoses – feuillage aérien – tapis volant – azote – carbone – oxygène – cours forêt – craquements d'os blanchis – feux des abattis – tes racines fouillent la boue – siècles de peaux mortes amoncelées – mourir renaître – cycle – cours forêt – ronciers – halliers – fourrés épineux où se tapit la bête – mangroves échasses puantes où grouillent les crabes gavés de gras limon – agonies et carcasses – au fond de ton ventre le hurlement douloureux – mais là-haut tes lianes s'élancent – cours forêt – tes branches bras montent au ciel prière étranglée – cours forêt – tes cheveux s'effeuillent – ta peau s'écorce – cours forêt – ton sang se sève – cours forêt – chauve-souris – chimpanzé – nid haut perché – mélodies gutturales – zézaiements infinis – la nuit au bord du fleuve – sa moiteur caïmane – boa constrictor – cours forêt – mygale déploie tes appâts – happe – gloutonne – empoisonne et digère – cours coule brise feule – singe-hurleur – papillon feuilles bleu métallique – serpent laiteux – iguane langue bifide – cours forêt – déborde ton lit –
avez-vous peur du loup
faites-vous chaque soir avant de vous coucher le tour de votre chambre
regardez-vous sous le lit
cherchez-vous la masse d'ombre les yeux phosphorescents
et votre main la nuit, de sous la couverture, ose-t-elle sortir
tendez-vous l'oreille aux grognements possibles de la fenêtre ouverte
avez-vous peur du loup
...
Marie-Philippe Joncheray