Derrière les volets gris
Autrefois, la terre était la terre qui emporte tout sur son passage,
et la terre passait.
Demain, si proche, n'est-ce pas la terre, elle-même, qui est emportée ?
Je voudrais ici sur parole ne pas être cru.
*
Et sur parole encore.
Les vraies questions : celles qui s'ouvrent à la lumière
et glissent sous la porte, au matin.
Les vraies réponses : celles qui savent dans un fossé du soir
perdre leur temps.
*
Je plaide pour des utilités sans gloire et sans armure,
celle des bulles de savon, par exemple.
Elles, du moins, savent s'envoler en demandant : quelle est l'utilité
de vos utilités ?
Et il n'est pas nécessaire de chercher à les retenir.
*
Sur la fenêtre, une déesse à la cognée.
Sa mémoire a fermé les portes à double tour,
pour s'endormir dans la fontaine.
Là, je bois comme j'écris.
D'une gorgée à l'autre, remontant vers le signe d'abondance,
sous le paraphe des orangers.
*
Le monde : tu peux l'appeler ainsi sous l'acacia qui dure.
Il est fait d'étoiles filantes et de mousses, de fourmis et d'anges gardiens,
de rues ouvrant sur des fleuves, de limites et de franchissements.
Une partition qui se donne à portée du premier regard innocent venu.
*
J'aime les yeux qui demandent ce qu'ils savent déjà.
Comme une promesse faisant retour.
*
Cette limite inconnue qui nous raconte, jour après jour.
Ce chant lacunaire où nous tentons des bribes, avec nos gorges d'assoiffés.
*
Dommage parfois de ne pas savoir saluer à sa juste valeur d'oiseau divin
un geste de sportivité au milieu des roses.
Comme refermer en plein soleil les volets gris pour libérer le paysage.
Dominique Sorrente
(Inédit 2006)